Pour la première fois de son histoire, du moins depuis le début de la Deuxième Guerre mondiale, le Canadien risque de terminer au dernier rang de la Ligue nationale de hockey.

Le CH est à égalité aux points avec les Coyotes de l’Arizona, mais les Coyotes ont encore trois matchs à disputer, contre deux pour le Canadien.

L’Arizona a en outre remporté deux matchs de plus, ce qui lui confère pour l’instant l’avance au classement. Deux défaites de Montréal contre les Rangers mercredi et les Panthers vendredi leur assurera le dernier rang, peu importe les résultats en Arizona.

Ces deux formations semblaient pourtant aux antipodes il y a six mois. Le Canadien, fraîchement auréolé de gloire après avoir participé à la finale, espérait y retourner cette année.

Les Coyotes ont annoncé une reconstruction l’été dernier et vidé leur club pour amasser des choix au repêchage et des espoirs.

Preuve supplémentaire des aspirations inverses de ces deux organisations, Montréal a cédé des choix de première ronde en 2022 et de deuxième ronde en 2024 pour obtenir Christian Dvorak, 25 ans. Heureusement, ce choix de première devrait se situer à la fin de la ronde, puisque Montréal offrira le choix reçu des Hurricanes de la Caroline en compensation de l’offre hostile soumise à Jesperi Kotkaniemi…

Dvorak sera sans doute sur le marché des transactions cet été, des équipes de l’Association de l’Ouest s’étaient enquises de ses disponibilités, dit-on, mais les successeurs de Marc Bergevin n’obtiendront sans doute pas autant en retour que les Coyotes, même si Dvorak a amassé 9 points à ses 10 derniers matchs et 17 à ses 24 derniers.

Une sombre saison à l’aube de la guerre

Montréal avait terminé au septième et dernier rang du classement général en 1939-40 derrière Boston, New York, Toronto, Chicago, Detroit et le deuxième club de New York, les Americans, à deux ans de leur disparition.

Lisez le texte de Simon-Olivier Lorange sur la saison de misère du CH en 1939-1940

Le CH allait devoir attendre l’arrivée des Maurice Richard, Émile « Butch » Bouchard, Elmer Lach, Bill Durnan et de l’entraîneur Dick Irvin quelques saisons plus tard pour vivre des années fastes.

Mais revenons au 21e siècle et aux misères actuelles de cette formation.

Patience avec les cancres

Remonter de la cave demande de la patience. Parmi les formations ayant terminé au dernier rang du classement général depuis dix ans, seulement deux, Colorado en 2016-2017 et Toronto l’année précédente ont participé aux séries la saison suivante.

Les Sabres de Buffalo n’ont pas aidé à rehausser la cote des cancres au classement avec leurs éternelles reconstructions. Ils ont terminé quatre fois dans la cave depuis 2014 et n’ont toujours pas aspiré aux séries éliminatoires. Voici un portrait des pires clubs au classement depuis 2012.

20-21 Buffalo

Remporte la loterie et repêche Owen Power au premier rang. Fiche améliorée cet hiver (31-38-11), assez pour devancer Detroit, Ottawa, New Jersey et Philadelphie dans l’Est, mais néanmoins à 27 points d’une place en séries. On semble néanmoins voir le bout du tunnel à Buffalo.

19-20 Detroit

Chute de trois rangs dans l’ordre du repêchage, mais parvient quand même à mettre la main sur Lucas Raymond, l’une des recrues les plus prometteuses. Alexis Lafrenière, Quinton Byfield et Tim Stützle ont été repêchés avant lui. Les Red Wings rateront les séries encore une fois cette année, mais comme Buffalo, on semble enfin à l’aube de l’éclosion.

18-19 Ottawa

Les Sénateurs n’ont pas profité de leur haut choix au repêchage puisqu’il appartenait à l’Avalanche du Colorado dans l’échange de Matt Duchene. Ottawa aurait pu céder son premier choix de 2018, mais a préféré repêcher Brady Tkachuk au quatrième rang cette année-là et sacrifier son choix de l’année suivante. L’Avalanche a repêché Bowen Byram au quatrième rang en 2019. Les Sénateurs rateront les séries pour un troisième printemps depuis ce dernier rang au classement général en 2019.

17-18 Buffalo

Comme en 2021, les Sabres remportent la loterie et repêche un défenseur très convoité, Rasmus Dahlin. Avec Eichel, O’Reilly, Reinhart, Ristolainen et désormais Dahlin, ils ne s’attendaient sans doute pas à l’époque à repêcher à nouveau au premier rang quatre rangs plus tard, sans jamais être passé proche d’une participation aux séries !

16-17 Colorado

Patrick Roy a quitté avec fracas à l’aube du camp d’entrainement et son successeur Jared Bednar connait une première saison désastreuse. L’Avalanche ne gagne pas la loterie et glisse de trois rangs… tant mieux pour eux, ils repêchent Cale Makar après Nico Hischier, Nolan Patrick et Miro Heiskanen (brillant choix celui-là par Dallas). Le Colorado a déjà de bons éléments en place après des années difficiles dans les saisons précédentes, Nathan MacKinnon, Gabriel Landeskog, Mikko Rantanen, et se qualifiera pour les séries dès la saison suivante pour ne plus jamais les rater à ce jour.

15-16 Toronto

Les Maple Leafs ont remporté la loterie et repêchent le joueur le plus convoité, Auston Matthews. Comme l’Avalanche, ils ont souffert les années précédentes et comptent déjà de jeunes stars potentielles dans leur organisation en Mitch Marner, William Nylander et Morgan Rielly, toutes repêchées parmi les huit premiers. Ils accéderont aux séries dès la saison suivante grâce à une grande année recrue de Matthews (40 buts), ne les rateront plus par la suite, mais n’ont toujours pas franchi la première ronde.

14-15 Buffalo

La mine déconfite, le DG des Sabres à l’époque, Tim Murray, voit les Oilers d’Edmonton remporter le gros lot et le privilège de repêcher Connor McDavid au premier rang. Buffalo se contente du deuxième prix, encore une fois, Jack Eichel. Celui-ci a été échangé aux Golden Knights cet hiver. Buffalo a raté les séries six années de suite depuis ce repêchage.

13-14 Buffalo

Les Sabres perdent la loterie au profit des Panthers de la Floride. Ceux-ci mettent la main sur le défenseur Aaron Ekblad. Le choix des Sabres au deuxième rang, Sam Reinhart, semble prometteur après une saison de 105 points en 60 matchs à Kootenay, mais l’avenir nous dira qu’ils auraient mieux fait de lui préférer Leon Draisaitl. Reinhart a rejoint Ekblad en Floride cette année en retour d’un choix de première ronde et du jeune gardien québécois Devon Levi et connait la meilleure saison de sa carrière.

12-13 Floride

Les Panthers perdent la loterie au profit de l’Avalanche (Nathan MacKinnon), mais le prix de consolation demeure extraordinaire, Aleksander Barkov. Mais même si l’organisation compte déjà sur un autre joyau, Jonathan Huberdeau, repêché deux ans plus tôt, il faudra être patient en Floride. Les Panthers se qualifieront pour les séries une seule fois lors des six années suivantes, et termineront au 29e et avant-dernier rang lors de la première saison de Barkov.

11-12 Columbus

Les Blue Jackets perdent la loterie aux mains des Oilers d’Edmonton qui repêchent Nail Yakupov. Columbus ne fait guère mieux en misant sur le défenseur Ryan Murray au deuxième rang, mais celui-ci fait pourtant l’unanimité avant ce repêchage. Alex Galchenyuk et Griffin Reinhart seront les suivants. La faiblesse de cette cuvée ne permet pas aux pires équipes de se relancer. Les Blue Jackets rateront les séries lors de quatre des cinq années suivantes. Ils ont remporté une seule ronde à ce jour depuis et entreprennent un autre cycle de reconstruction.

Message de Michel Lacroix

L’annonceur-maison du Canadien, Michel Lacroix, savait qu’on allait interrompre ses premières interventions lors des cérémonies d’avant-match dimanche pour demander un instant de silence à la mémoire de Guy Lafleur. Il savait que ses tentatives allaient relancer de plus belle l’ovation debout et les cris d’amour réservés à Guy Lafleur. C’était prévu dans le scénario. Michel Lacroix a du métier après tout. L’ovation a duré dix minutes et notre homme avait un message pour les fans lundi matin sur Twitter pour rassurer ceux qui auraient craint d’avoir été impolis à son endroit : « J’aurais été déçu si vous ne m’aviez pas interrompu afin de rendre hommage à Guy Lafleur. Dans le respect, vous avez encore démontré que vous étiez les meilleurs partisans au monde. Merci. »

Une cérémonie sobre, rendue grandiose par la vague d’amour des fans. Qui n’a pas pleuré ?

À ne pas manquer

  1. Patrick Lagacé a pensé à Guy Lafleur toute la fin de semaine, à l’homme surtout. Sa chronique.
  2. Nettement inférieur aux Bruins en termes de talent, le Canadien n’a pas pu offrir de victoire à la mémoire de Guy Lafleur, mais il s’est battu au moins. Joli texte de Richard Labbé en cette soirée bien spéciale.
  3. Guy Lafleur a aussi marqué la culture populaire. Jean-Christophe Laurence nous en dit plus long.