La dernière fois qu’un club-école du Canadien a disputé un match de séries éliminatoires, c’était en 2017. Ceux qu’on appelait les IceCaps disputaient alors leurs matchs locaux à Terre-Neuve et avaient comme capitaine Max Friberg.

La fois précédente, en 2011, Aaron Palushaj était l’élément clé de l’attaque des Bulldogs de Hamilton, dirigés à l’époque par Randy Cunneyworth.

Il ne faut donc pas prendre à la légère la probable accession du Rocket de Laval aux séries éliminatoires de la Ligue américaine de hockey (LAH).

Il y a bien sûr des circonstances atténuantes à ces années de vaches maigres. En 2020, la formation dirigée par Joël Bouchard était au cœur de la course lorsque la COVID-19 a causé l’interruption de la saison et l’annulation des séries. Et en 2021, le Rocket a été sacré champion d’une division qui n’a pas organisé de séries. Il n’empêche que le nombre de matchs éliminatoires, depuis que le club s’est établi dans l’île Jésus, en 2017, est bloqué à zéro.

Si le classement actuel de la division Nord de la LAH donne aux Lavallois le droit d’être optimistes, rien n’est encore assuré.

En cette étrange saison, les clubs avaient le choix de disputer 72 ou 76 matchs, si bien que le classement est établi en fonction du taux de points accumulés. Avec cinq rencontres encore prévues à son calendrier, le Rocket est installé au deuxième rang de la division Nord. Son avance sur les Marlies de Toronto et sur les Americans de Rochester devrait théoriquement être suffisante pour lui permettre de tenir le coup. Mais personne n’est à l’abri d’un revirement de situation.

« Une plus grosse marge »

« J’aimerais ça avoir une plus grosse marge », a avoué l’entraîneur-chef Jean-François Houle, mercredi matin. Une victoire vendredi contre les Marlies de Toronto pourrait régler la question.

Or, le pilote refuse de se confondre en hypothèses et en calculs complexes. La seule chose qui lui importe, c’est la manière dont joue son équipe. Ça tombe bien, car ça se passe plutôt harmonieusement par les temps qui courent. Six victoires au cours des huit derniers matchs, et un récent voyage de cinq matchs qui s’est soldé par une récolte de sept points sur dix.

Malgré quelques passages à vide, le club a été relativement constant, et sa fiche de 37-24-6 le placerait en bien meilleure posture dans une division moins relevée. Ces succès sont d’autant plus impressionnants que pas moins de 48 joueurs, toutes positions confondues, ont porté l’uniforme du Rocket, au gré des blessures, de la COVID-19 et des multiples rappels par le Canadien. Pas moins de 16 d’entre eux ont partagé leur temps entre la couronne nord et la métropole.

C’est ce qui fait dire à Houle que « tout au long de l’année, on a parlé de l’importance de rester dans le moment présent ».

On ne regarde pas trop en avant, seulement un match à la fois. Ç’a fonctionné, et je pense que c’était la bonne approche, quand on sait tout ce qui peut arriver dans la Ligue américaine.

Jean-François Houle, entraîneur-chef du Rocket de Laval

Le plus récent imprévu : Rafaël Harvey-Pinard a été rappelé par le Canadien. Une sacrée bonne nouvelle pour le principal intéressé, mais un casse-tête pour son entraîneur qui, en plus de perdre son meilleur marqueur, doit remplacer son ailier au sein du dynamique trio qu’il forme avec Jesse Ylönen et Jean-Sébastien Dea ainsi que sur les unités d’avantage et de désavantage numérique.

Qui sera désigné pour prendre sa place ? « Aucune idée », avoue candidement Houle, qui résoudra l’énigme ce jeudi à l’entraînement.

Fébrilité

Même si les séries ne sont pas encore acquises, la fébrilité est évidente.

Le roulement de personnel a (enfin) ralenti, et le groupe a eu l’occasion de se souder pour de bon. « Les gars jouent bien, avec confiance, résume Dea, deuxième pointeur du Rocket. C’est le fun de retrouver cette énergie-là à l’aréna. On a disputé beaucoup de matchs sur la route, alors on a créé des liens et ça paraît sur la glace. »

Le gardien Kevin Poulin, pour sa part, évoque le « bon mix » de « vétérans qui calment les choses » et de « jeunes qui produisent », ce qui contribue à la symbiose du groupe. Le premier trio en témoigne, alors que Dea, à 28 ans, a développé une complicité évidente avec Harvey-Pinard (23) et Ylönen (22). Idem devant le filet, où Poulin est de 10 ans l’aîné de son partenaire Cayden Primeau.

Poulin, justement, connaît une saison spectaculaire : fiche de 17-7-2, moyenne de buts accordés de 2,22 et taux d’arrêts de ,925, ce qui le place parmi les meilleurs portiers de la ligue. Pas si mal pour un joueur qui avait signé un contrat l’été dernier en sachant qu’il serait le troisième gardien dans la hiérarchie et qu’il se retrouverait probablement chez les Lions de Trois-Rivières, dans l’ECHL.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Kevin Poulin avec les Lions de Trois-Rivières en octobre dernier

C’est en effet ce qui est arrivé, mais Primeau a passé plusieurs semaines à Montréal et Michael McNiven a été échangé. Il ne s’est pas fait prier pour prendre la relève.

« Je n’avais aucune attente, affirme-t-il sans détour. Mais avec la COVID-19 et les blessures, j’ai eu une chance. C’est ma 12e année chez les professionnels, je sais comment gérer plusieurs situations. À date, ça va bien. »

En somme, ça roule chez le Rocket, et même si on ne veut pas mettre la charrue devant les bœufs, l’odeur des séries fait rêver.

Mercredi matin, les joueurs prenaient part à une séance photo promotionnelle dans l’enceinte de la Place Bell. En regardant les gradins, Dea a pris un moment pour penser « aux fans et aux séries ».

« J’ai commencé à avoir des frissons, a-t-il dit. C’est déjà excitant, nos matchs sont presque tous disputés à guichets fermés. Il y a beaucoup de monde, on sent leur énergie. Ça va être vraiment le fun. »

Il ne reste plus qu’une petite poussée avant d’y parvenir. Les joueurs savent trop bien que leur objectif peut encore leur glisser entre les doigts s’ils baissent leur garde. Ils ne veulent donc pas rater leur coup.