Martin St-Louis, Mario Lemieux et… Jonathan Huberdeau ? Le défi est grand, mais le nom d’Huberdeau pourrait en effet être mentionné dans la même phrase que ces deux icônes du hockey québécois.

« C’est quand même spécial, ce sont des idoles de jeunesse ! », s’exclame Huberdeau, un peu gêné, au bout du fil.

Pourquoi parle-t-on de St-Louis et de Lemieux aujourd’hui ? Parce que discrètement, loin des gros marchés de la LNH, Huberdeau connaît l’une des meilleures saisons, offensivement, pour un patineur québécois depuis les deux membres du Temple de la renommée susmentionnés.

Avec 86 points, Huberdeau vient au 3rang de la LNH, derrière Connor McDavid (93) et Leon Draisaitl (88). Il demeure donc dans la course pour le trophée Art-Ross, remis au meilleur compteur du circuit. Le dernier Québécois à l’avoir gagné ? Martin St-Louis en 2013 et en 2004. Avant lui ? Mario Lemieux, six fois (!) en l’espace de 10 saisons (!!). Ils sont les deux seuls joueurs laurentiens à avoir remporté le titre dans les 40 dernières années.

« C’est sûr que ça serait le fun. Qui ne veut pas finir en haut ? lance Huberdeau, en entrevue avec La Presse. Mais j’aimerais vraiment plus qu’on finisse premiers de la ligue. Ensuite, que je finisse troisième ou quatrième compteur, je m’en fous. »

En fait, Huberdeau connaît une telle saison que son nom revient aussi pour le trophée Hart, remis au joueur le plus utile à son équipe. L’issue de ce scrutin est difficile à prédire ; s’il fallait que les Oilers d’Edmonton ratent les séries éliminatoires, les candidatures de McDavid et de Draisaitl ne pèseraient plus lourd.

Sa réaction quand on lui dit que son nom circule ? « C’est cool ! »

« C’est un trophée qui dit que t’aides ton équipe, rappelle-t-il. Chez nous, [Aleksander] Barkov s’est blessé, donc j’ai dû step up un peu. Quand notre meilleur joueur n’est pas là, on doit tous en donner plus. Et on a continué à gagner quand même. Mais c’est plus l’équipe qui est importante. Les trophées, c’est le fun, c’est valorisant, mais je veux vraiment qu’on finisse premiers au classement. »

Force de frappe

Les Panthers trônent seuls au premier rang de la division Atlantique, devant le Lightning de Tampa Bay.

L’explosion offensive d’Huberdeau est bien sûr au nombre des facteurs d’explication. S’il maintient son rythme actuel, il conclura la saison avec 114 points.

Huberdeau joue principalement avec Anthony Duclair et Sam Bennett, donc sa production ne vient pas du fait qu’il bénéficie à outrance du talent de Barkov. De plus, sa production est bien répartie entre le jeu à forces égales (54 points) et en avantage numérique (28 points).

Étrangement, quand on lui demande d’expliquer sa hausse vertigineuse de production, il évoque… le jeu à quatre contre cinq ! Pour la première fois de sa carrière, il est utilisé régulièrement pour écouler les pénalités.

« Ça m’aide beaucoup, affirme-t-il. Tu restes dans le match et même si on a des punitions, tu continues à jouer. Avant, quand on avait une pénalité, j’étais déçu, je savais que je ne jouerais pas pendant deux minutes, peut-être plus. Je suis bon pour lire les jeux et comme je joue en avantage numérique, je sais ce que l’autre équipe va faire.

Tu as quand même des chances de marquer en désavantage numérique. Ça me donne aussi la fierté de jouer défensivement.

Jonathan Huberdeau

Sa théorie du lien entre production et désavantage numérique n’est pas vilaine, d’autant plus que Mika Zibanejad et, dans une moindre mesure, J.T. Miller sont aussi devenus plus productifs quand ils ont joué plus fréquemment dans ces situations.

Huberdeau est un facteur, mais les acquisitions faites par Bill Zito (Sam Reinhart, Sam Bennett, Carter Verhaeghe) de même que l’éclosion d’Anton Lundell aident aussi.

Comme si ça ne suffisait pas, les Panthers ont mis la main sur Claude Giroux, samedi. Avec Giroux et Barkov, ils ont donc deux des meilleurs centres offensifs aux mises en jeu dans la LNH, un droitier et un gaucher, si bien qu’ils commenceront souvent en possession de la rondelle…

Reste maintenant à voir si ce sera suffisant pour sortir de la costaude division Atlantique, où on retrouve aussi Tampa, Toronto et Boston. Les Panthers ont déjà 78 millions d’engagés sous le plafond salarial la saison prochaine, pour seulement 15 joueurs. Avec si peu de marge de manœuvre pour les six ou sept postes à pourvoir, ils devront faire comme le Lightning ces dernières années et dire adieu à un ou deux membres de leur noyau. D’où l’agressivité de Zito cet hiver.

« C’est notre année. Ils ont vendu des premiers choix pour l’avenir. Ça ne m’est jamais arrivé d’être dans cette position et il faut en profiter, affirme le Jérômien. Tu ne sais jamais combien de fois dans ta carrière ça va arriver.

« L’an prochain, on n’aura pas tous nos joueurs à cause du plafond. Moi, ça fait longtemps que je suis là et si on ne gagne pas, ils vont faire des changements. Moi, je n’ai jamais même gagné une ronde de séries. C’est le premier objectif. »

En attendant Chiarot

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Ben Chiarot

Par un drôle de hasard du calendrier, Jonathan Huberdeau n’a toujours pas rencontré son nouveau coéquipier Ben Chiarot. Le défenseur acquis du Canadien est en effet resté à Montréal en attendant que les Panthers s’amènent. La transaction a eu lieu le 16 mars en soirée, l’équipe jouait à Las Vegas le lendemain, à Anaheim le 18, et disputera son prochain match jeudi à Montréal. Pour des questions de logistique, il était donc plus simple que Chiarot demeure à Montréal pour s’entraîner ; il a été aperçu sur la patinoire à Brossard, notamment avec le plus jeune fils de Martin St-Louis. En attendant la grande rencontre, Huberdeau a texté Chiarot, sur la recommandation de son ancien coéquipier Mike Hoffman. « Il m’a dit d’en prendre soin, que c’était un bon gars », a indiqué Huberdeau. Ce qu’il connaît de Chiarot ? « Les cross-check ! répond-il en riant. Si tu vas devant le but, tu vas payer le prix. Il est dur à affronter, il ne te laisse pas aller proche du gardien facilement. J’entendais des rumeurs, j’espérais qu’on aille le chercher. On avait besoin de ce genre de défenseur. »

Encore les foules

Les Panthers n’ont jamais dupliqué le succès commercial de leurs rivaux directs de Tampa. Encore cette saison, malgré leur fiche et, surtout, malgré les nombreuses restrictions cet hiver au Canada, les Panthers viennent au 22rang de la LNH pour les foules, avec une moyenne de 14 351 spectateurs (données : ESPN). Les chiffres sont meilleurs récemment, puisqu’ils ont excédé les 15 000 spectateurs dans les 5 derniers matchs. Et Huberdeau assure qu’il y a néanmoins de l’ambiance au FLA Live Arena. « C’est la Floride. L’aréna est loin du centre-ville. Mais même si ce n’est pas plein, l’atmosphère est quelque chose depuis deux ou trois mois. En neuf ans ici, je n’ai jamais vu les gens autant dedans, c’est bruyant ! Même si ce n’est pas plein, il y a de l’ambiance avec 15 000 spectateurs. »