(Montréal) D’emblée, une mise en garde, servie par Martin St-Louis lui-même : il est sans doute trop tôt pour prédire le genre de carrière que connaîtra Corey Schueneman dans la LNH.

(Re)lisez notre couverture en direct Consultez le sommaire du match

Ils sont innombrables, après tout, ces joueurs qui ont été la saveur du jour et qui ne sont aujourd’hui la vedette que des quiz sur les hockeyeurs les plus obscurs.

Mais il se passe résolument quelque chose avec ce défenseur de 26 ans, dont la majorité des partisans ne connaissaient pas le nom avant cette saison. Samedi, dans la victoire sans partage de 5-1 du Canadien sur les Sénateurs d’Ottawa, Schueneman a été le deuxième arrière le plus utilisé de son club (20 min 43 s), obtenant même sa chance en avantage numérique. Il a d’ailleurs été à l’origine du but de Joel Armia dans ces circonstances.

Il a terminé la soirée avec sept tirs bloqués, un sommet chez le Canadien (ex æquo avec David Savard) pour un seul match cette saison. Dans toute la ligue, à peine huit performances supérieures ont été réalisées depuis le mois d’octobre.

C’est toutefois la confiance qu’il affiche, alors qu’il ne compte encore que 12 matchs d’expérience dans la LNH, qui force l’admiration. Ses coéquipiers, d’ailleurs, n’ont rien raté de son travail.

Josh Anderson a vanté « son calme avec la rondelle », ses « lectures » et sa « constance ».

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Josh Anderson (17) et Nikita Zaitsev (22)

« Il fait de bonnes passes, il ne panique pas », a renchéri Paul Byron.

Son partenaire du moment, Chris Wideman, a « beaucoup de plaisir » à jouer avec lui. « J’essaie de communiquer le plus possible avec lui, a-t-il dit. Il écoute beaucoup, il prend l’information et fait les bons jeux. C’est plaisant de le voir aller. »

Josh Anderson, encore : « Il semble vouloir rester dans la LNH ! »

Hiérarchie

Schueneman n’était peut-être pas le joueur le plus attendu du Canadien, mais ce n’était pas un parfait inconnu pour autant.

Les recruteurs professionnels de l’organisation l’avaient dans leur ligne de mire depuis un bon moment lorsqu’il jouait pour le Heat de Stockton, dans la Ligue américaine. Sans contrat après la saison 2019-2020, il s’est entendu avec le Rocket de Laval. Dès le camp d’entraînement, en janvier 2021, l’entraîneur-chef de l’époque, Joël Bouchard, avait prévenu qu’il faudrait surveiller ce défenseur qui avait passé quatre saisons complètes dans la NCAA.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Corey Schueneman

En avril, il signait son premier contrat de la LNH. On peut avancer sans se tromper qu’à ce moment, on ne croyait pas qu’un an plus tard, il dépasserait la barre des 20 minutes avec le Canadien. Mais Shea Weber ne joue plus au hockey, Ben Chiarot est un membre des Panthers de la Floride et David Savard soigne toujours une blessure à la cheville.

L’organisation ne regorge pas de défenseurs sous contrat. Mais ce n’est pas seulement par défaut que Corey Schueneman a obtenu cette promotion. Depuis ses premiers coups de patin dans la LNH, à la fin du mois de décembre, il a déjà dépassé Sami Niku et Kale Clague dans la hiérarchie du club. Il est aussi devant Xavier Ouellet et Louie Belpedio, deux vétérans qui s’alignent avec le Rocket. Le rétablissement de Savard pourrait le contraindre à sauter des tours, mais à ce stade-ci, ce n’est pas dramatique.

Car à l’évidence, il a beaucoup de monde de son côté. À commencer par Martin St-Louis.

Jeudi, après le match contre les Stars de Dallas, l’entraîneur a parlé d’un joueur possédant « beaucoup d’outils », d’un « bon patineur », habile en possession de la rondelle, qui n’a pas peur des jeux osés lorsque la situation le demande. On s’est d’emblée rappelé cette remarque, samedi, lorsque Schueneman s’est moqué de Dylan Gambrell à la ligne bleue des Sénateurs.

Chances à saisir

Après la victoire contre les Ottaviens, St-Louis a souligné que le travail du défenseur en avantage numérique illustrait parfaitement le type de chances que saisit Schueneman. En l’employant au poste autrefois occupé par Ben Chiarot, on voulait vérifier s’il était à la hauteur du défi qu’on lui lançait. Test concluant.

La confiance qu’il affiche, a encore estimé le pilote, provient sans doute de l’expérience acquise dans les rangs universitaires et dans la Ligue américaine au cours des sept dernières années.

Que lui réserve l’avenir ? a demandé un journaliste.

Dur à dire, a répondu St-Louis. « L’échantillon est un peu trop petit, mais ce que je vois est encourageant. À 26 ans, il n’est pas jeune, mais c’est un jeune pro. Cette année, il apprend à être un pro avec de bonnes influences autour de lui. »

Puis, cette ouverture prudente : « S’il continue sur son erre d’aller, c’est un gars qui peut avoir une belle carrière dans la LNH. »

Schueneman est sans contrat à la fin de la saison, mais le Canadien conserve ses droits sur lui vu son statut de joueur autonome avec restrictions. Malgré les bons moments qu’il vit, il ne sera pas en position de demander la lune. Il pourrait donc s’avérer une option au rabais pour un poste à temps plein l’an prochain, surtout si on décidait de couper les ponts avec Brett Kulak.

L’amour semble mutuel entre Kulak et le Canadien. Mais dans un contexte salarial serré et avec une équipe à rebâtir, les décisions peuvent parfois être douloureuses.

La pilule est plus facile à avaler quand on a un plan B. À ce titre, Corey Schueneman pourrait ressembler à un beau risque.

Dans le détail

Évènement rare

Malgré la perte de Brendan Gallagher, le Canadien affichait un bilan positif à l’infirmerie samedi, puisque Josh Anderson et Jonathan Drouin étaient de retour. On a donc assisté à un phénomène rare : le Tricolore comptait sur ses 10 premiers compteurs dans ses rangs, chose qui ne s’était pas produite depuis le 30 octobre dernier… On ne s’éternisera pas sur le retour d’Anderson, qui n’a raté que deux matchs. Mais Drouin en jouait un premier depuis le 20 janvier. Résultat des courses : un match plutôt tranquille, qui s’est traduit par trois revirements et aucune tentative de tir. Il a eu droit à du temps de jeu au sein de la première unité de l’avantage numérique, mais là non plus, ça n’a pas été couronné de succès. Martin St-Louis s’est toutefois dit satisfait du numéro 92. « J’ai aimé le fait qu’il ait joué le match qu’il y avait devant lui. Il y a des matchs comme ça où il n’y a pas beaucoup d’espace. Des fois, une bonne présence, c’est sortir la rondelle et changer. J’ai aimé la maturité de ses décisions. »

Pas de miracle cette fois

Chez les Sénateurs, on déplorait les surnombres accordés au CH, particulièrement au cours de la deuxième période. C’est en effet de cette façon que les Montréalais ont marqué deux fois en moins de deux minutes en début de deuxième période. Est-ce la fatigue d’une équipe qui jouait un deuxième match en 24 heures ? « On avait de bonnes jambes ce soir, a assuré l’attaquant Adam Gaudette. Il y a eu un peu de confusion qui a mené à des surnombres et parfois, les surnombres, c’est fatal. » Cela dit, les Sénateurs ont eux-mêmes profité de surnombres, dont un où le pauvre Nick Suzuki était le un dans un trois contre un. Gaudette a lui-même eu droit à une échappée, mais Jake Allen ne voulait rien entendre. À cet effet, les Sénateurs s’ennuyaient peut-être d’Anton Forsberg, une surprise dans leur camp cette saison, même si Filip Gustavsson a parfois été laissé à lui-même. Forsberg a eu droit à une soirée de congé après avoir réussi quelques miracles face aux Flyers la veille.

De mieux en mieux pour Edmundson

Joel Edmundson, lui, en était à un quatrième match depuis son retour. Le grand gaucher retrouve tranquillement ses aises, si bien que c’est bien plus son partenaire – Jeff Petry – qui a l’air rouillé. Edmundson s’est distingué par son jeu défensif efficace, notamment sur une présence en première période où il a tenu tête à Connor Brown, qui tentait de bourdonner, et l’a empêché de menacer sérieusement Allen. Edmundson a aussi obtenu son premier point de la saison grâce à un jeu agressif, faisant mal paraître Nick Holden avant de relancer l’attaque par l’entremise de Cole Caufield. Edmundson a passé 18 min 49 s sur la patinoire et a été le joueur le plus utilisé de son camp en désavantage numérique. Petry, lui, n’a joué que 16 min 57 s, si bien qu’il a été le défenseur le moins employé par St-Louis.

Ils ont dit

Tous nos défenseurs ont été phénoménaux, ils avaient du calme avec la rondelle, en sortie de zone. Schueneman, Romanov, Kulak, ils étaient incroyables et jouaient avec confiance.

Josh Anderson

Il a été bon, il a réussi de gros arrêts, dont contre Chuckie [Brady Tkachuk] en troisième période. Il aurait fallu trouver le moyen d’en marquer un et ensuite, ç’aurait pu ouvrir les vannes.

Paul Byron

Notre première période était une excellente période pour une équipe sur la route. On a commis deux grosses erreurs en début de deuxième, mais on est revenus. La troisième était une période typique d’une équipe qui essaie de revenir dans le match.

L’entraîneur-chef des Sénateurs, D. J. Smith

En hausse

Jake Evans

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Jake Evans (71)

Le vieux cliché veut que chaque but du quatrième trio soit un bonus pour une équipe. L’unité pilotée par Evans en a produit deux. Bonne soirée pour le joueur de centre qui remplit un rôle plus effacé depuis quelques matchs.

En baisse

Mike Hoffman

Il n’a certes pas été un boulet pour son club. Disons seulement que la complicité avec Rem Pitlick et Jonathan Drouin n’a pas été instantanée. Une seule tentative de tir, et elle a raté la cible.

Le chiffre du match

9

C’était le neuvième match de suite que le Tricolore marque trois buts ou plus, et la 13fois en 17 occasions depuis la nomination de Martin St-Louis.