Kent Hughes a dit beaucoup de choses, jeudi matin, sur une multitude de sujets.

Quelques heures après avoir échangé son défenseur numéro un contre un paquet-cadeau de projets à long terme, il a discuté de dossiers spécifiques comme d’enjeux plus généraux, et il a répondu à une question sur Carey Price, parce qu’il y a toujours une question sur Carey Price.

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Mais deux éléments en particulier méritent qu’on les garde en tête longtemps, notamment lorsqu’on regarde les matchs du Canadien et qu’on en discute par la suite, que ce soit informellement entre collègues de bureau ou encore dans les pages du plus grand quotidien français d’Amérique.

D’abord, le DG n’échangera pas tous les joueurs de son équipe. Ça crie l’évidence, mais ce n’était pas si clair que ça il n’y a pas si longtemps. Ensuite, de sages paroles : il faut évaluer toute chose en fonction de leur contexte.

Autrement dit, chaque action, bonne ou mauvaise, demande qu’on se pose la question : s’agit-il de la norme ou de l’exception ?

Prenez le match de jeudi, par exemple, conclu par une défaite de 4-3 du Canadien en prolongation face aux Stars de Dallas.

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Cole Caufield (22) célèbre son but marqué en deuxième période.

Lorsque Cole Caufield et Nick Suzuki unissent leurs efforts pour deux buts, on peut commencer à se douter qu’il s’agit de la norme. Les preuves s’accumulent depuis maintenant des semaines, les deux ont trouvé leur rythme de croisière sur le plan offensif.

Joel Edmundson a connu un match difficile. Il serait évidemment précipité d’établir un verdict dans son cas, puisqu’il ne s’agissait que de son deuxième match de la saison. Exception, donc, jusqu’à preuve du contraire. Mais qu’en est-il de son partenaire Jeff Petry, multiplie les erreurs individuelles — une passe parfaite à Joe Pavelski, une prise de décision complètement défaillante au centre de la glace, une course perdue par un mille contre Roope Hintz. Après 61 matchs, sont-ce des exceptions, comme semblait encore l’avancer son entraîneur plus tôt cette semaine ?

Défense

Jake Allen qui sort ses défenseurs du trouble, c’est un cas de figure qu’on a vu à de multiples reprises en première moitié de saison, avant qu’une blessure ne le prive de plus de deux mois d’action. Mais qu’en est-il donc de la performance des travailleurs devant lui ?

Ça, c’est soudain une très bonne question. Car avec le départ de Ben Chiarot, et avec Jeff Petry dont on ne verra peut-être jamais de meilleure version à Montréal s’il est échangé, c’est un immense chantier de construction qui s’ouvre devant Hughes et son partenaire Jeff Gorton, vice-président aux opérations hockey du club.

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Jeff Petry (26) bouscule Joe Pavelski devant Jake Allen (34).

Hughes l’a dit explicitement : le remplaçant de Chiarot est probablement dans l’organisation. S’il s’appelle Alexander Romanov, ce n’est pas pour demain, mais ce n’est pas si loin non plus. S’il s’appelle Kaiden Guhle, Jordan Harris, Jayden Strubble ou Arber Xhekaj, tous des défenseurs de 20 ou 21 ans, ce sera évidemment bien plus long.

Car les failles sont nombreuses dans la formation actuelle. Corey Schueneman accomplit un boulot certes très honnête, et son premier but en carrière est une jolie récompense pour son parcours marqué par la persévérance. Mais le duo qu’il formait jeudi avec Chris Wideman était, au bas mot, vulnérable.

Tout le monde aime Brett Kulak, dont le jeu est à l’image de sa personnalité : sans prétention. Même si ses patrons lui offraient un nouveau contrat, il ne deviendra pas, à 28 ans, une locomotive pour ses coéquipiers.

En l’absence de Chiarot et de David Savard, blessé, le manque de robustesse en défense est manifeste. Pensez à cette séquence, en troisième période contre les Stars, lorsque Radek Faksa a renversé Jake Allen de manière évidente. Le Texan a été puni pour son geste, mais seulement par les arbitres. Kulak, justement, était aux premières loges, et n’a même pas adressé la parole à son opposant.

Le choc ne se comparait pas à la violence avec laquelle Zach Kassian a frappé Samuel Montembeault il y a quelques semaines, mais les joueurs du CH avaient été crucifiés pour leur douceur à ce moment. Cette fois, Martin St-Louis a dit être « content d’avoir eu un avantage numérique, mais n’avoir pas « pensé au reste ».

Long ou pas ?

Cette réflexion un peu décousue nous amène à un autre enjeu. Cette fameuse reconstruction, peu importe le nom qu’on lui donne, sera-t-elle longue ou courte ? Déjà, depuis l’arrivée de Martin St-Louis, nombreux sont ceux qui souhaitent qu’on annule la location du bouteur. « Cette équipe n’est pas si loin » d’un succès pérenne, a même prédit Ben Chiarot dans son ultime point de presse avant de s’envoler pour la Floride.

Mais l’est-elle vraiment ?

Kent Hughes, encore : « Les besoins de l’équipe, je crois qu’ils sont encore là. Ils n’ont pas changé. » Cette fléchette-là était en plein cœur de la cible.

Christian Dvorak est revenu au jeu, jeudi, après avoir soigné une blessure au cou subie le 24 janvier au Minnesota. Il a connu un bon match, lui qui était déjà sur une pente montante avant de tomber au combat. Mais le Canadien est-il là où il voudrait l’être avec ses joueurs de centre ? On peut en douter lorsque Jake Evans semble avoir chuté sous Laurent Dauphin dans la hiérarchie de Martin St-Louis.

On pourrait continuer comme ça longtemps. Mais inévitablement, en route vers un verdict, il faudra en revenir à cette dualité constante entre la norme et l’exception.

Le Canadien s’est encore retrouvé en rattrapage, contre les Stars. Deux fois plutôt qu’une. On risque de le répéter souvent, au cours des prochains mois, des prochaines années.

Mais il a créé l’égalité, encore. Et n’a jamais laissé le match lui échapper. Et ça aussi ça devient de plus en plus fréquent. Et c’est une sacrée bonne nouvelle.

« On ne gagnera pas tous les matchs, mais on va se donner une chance à tous les matchs », a plus d’une fois promis St-Louis.

Cette norme-là, elle sera précieuse.

En hausse : Jake Allen

PHOTO JEAN-YVES AHERN, USA TODAY SPORTS

Jake Allen

Le joueur du match. Au cours des seules cinq premières minutes, il a privé les joueurs des Stars de deux buts certains. Visiblement en pleine forme, il n’a pas précipité son retour. Ça paraît.

En baisse : Jake Evans

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Jake Evans (71) et Jake Oettinger (29)

Son temps de glace a fondu, et on l’emploie désormais au centre du quatrième trio. Il a été, après Michael Pezzetta, le joueur le moins utilisé de son équipe à cinq contre cinq.

Dans le détail

Revoici Radulov

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Alexander Radulov

Eh oui, Alexander Radulov est encore un membre des Stars de Dallas, lui qui a quitté le Centre Bell pour se joindre à l’équipe du Texas en 2017-2018. L’attaquant ne connaît certes pas ses meilleurs jours — avant le match de jeudi soir contre le Canadien, il avait récolté seulement 18 points en 52 matchs —, et il a amorcé cette rencontre avec le quatrième trio, en compagnie de Michael Raffl et Radek Faksa. Finalement, le sympathique attaquant de 35 ans a conclu ce match avec une passe et un total de 10 min 39 s de temps de jeu. Il reste à voir maintenant si Radulov devra de nouveau déménager sous peu, lui qui est au centre de rumeurs de transaction depuis quelques semaines déjà.

Revoici Allen, revoici Dvorak

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Christian Dvorak

Il y avait deux grands retours jeudi soir au Centre Bell. En premier, le gardien Jake Allen, absent depuis le 12 janvier, mais aussi l’attaquant Christian Dvorak, absent depuis le 24 janvier. Des deux, c’est surtout Allen qui a volé la vedette, souvent en enchaînant les arrêts spectaculaires, lui qui a conclu la rencontre avec 31 arrêts sur un total de 35 tirs. « Je ne me sentais pas si mal, un peu rouillé, mais je me suis senti assez solide dans l’ensemble, a expliqué le gardien. Je réalise que le club est très différent depuis janvier. Les gars s’amusent, le style de jeu du club est plaisant, et tout le monde est confiant. Tout le monde s’amuse et on cherche à conclure de belle façon les derniers matchs du calendrier. Les gars jouent bien depuis le changement d’entraîneur. »

Un premier pour Schueneman

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Luke Glendening (11) et Corey Schueneman (64)

On ne sait trop s’il s’agit d’un moment historique, mais Corey Schueneman a réussi son premier but dans la LNH en ce jeudi soir plus chaud que d’habitude au Centre Bell. Mais ce n’est pas ce qu’on retient ; ce qu’on retient, c’est le sens de l’humour du défenseur de 26 ans, qui a expliqué son but de cette façon, au moment où les 20 714 spectateurs hurlaient tous que ce serait une bonne idée de lancer la rondelle : « C’est en plein pour ça que j’ai lancé, oui… je crois que ça venait de la section 114 ? » De manière un peu plus sérieuse, le défenseur a admis qu’il allait ranger ce moment bien précieusement dans son tiroir à souvenirs. « Marquer ce but, c’est de l’adrénaline pure, c’est incroyable, on y rêve en tant qu’enfant. Je vais m’en souvenir toute ma vie. Je vais mettre cette rondelle dans ma maison un jour, je crois… »

Ils ont dit

Le but refusé en prolongation, je n’ai pas l’habitude de m’emporter avec ces choses-là, mais [Tyler Séguin] était derrière moi dans le demi-cercle et il ne m’a pas laissé me retourner avec mon bloqueur. Mais je ne suis pas certain de ce qui constitue une obstruction ou non…

Jake Allen

Je suis un peu fatigué parce que ça fait trois mois environ que je n’ai pas joué. C’est la plus longue absence de ma carrière pour cause de blessure. Je ne m’attendais pas à être parfait, mais j’espère être bon d’ici la fin de la saison.

Jake Allen

De mon angle, sur le but en prolongation, on voit que le joueur est dans le demi-cercle et qu’il fait de l’obstruction sur le bloqueur de Jake. Ce n’est pas une décision que j’apprécie, mais il faut la respecter un peu. Ça fait que je vais la laisser comme ça […]. On ne gagnera pas tous les matchs, mais on va se donner une chance à tous les matchs, et si on fait ça, les fans vont l’apprécier.

Martin St-Louis