« Quand je suis parti coacher dans l’OHL [Ligue junior de l’Ontario], deux gars m’ont dit : tu vas devenir directement entraîneur-chef dans la LNH. Personne ne peut rêver de ça dans la LHJMQ. Pourtant, je suis le même gars, je parle la même langue, j’ai le même accent en Ontario qu’au Québec. »

André Tourigny discutait candidement du sort des Coyotes de l’Arizona, équipe qu’il dirige depuis le début de la saison, et de son premier match au Centre Bell à titre d’entraîneur-chef, lorsqu’une question du champ gauche l’a lancé dans une envolée inattendue.

Le journaliste Nicolas Landry, de RDS, lui a souligné que l’embauche de Martin St-Louis par le Canadien avait fait sourciller bien du monde dans la LHJMQ ; le Canadien avait certes embauché un Québécois, mais n’avait pas considéré de pilote issu de la ligue junior de la province.

Invité à donner son opinion sur le sujet, Tourigny a d’abord rappelé en riant qu’il risquait d’être « en retard pour le début du match » – il rencontrait les journalistes de la métropole à un peu plus de deux heures du duel entre le Canadien et les Coyotes, mardi.

Il a tenu à préciser que sa position n’avait « rien à voir » avec St-Louis, qui accomplit du boulot « exceptionnel », selon lui, à Montréal.

Du reste, il n’a pas laissé beaucoup de place à l’ambiguïté. « Je trouve ça dommage que la Q [diminutif usuel de la LHJMQ] ne soit pas reconnue, a-t-il dit. Des entraîneurs de la LHJMQ dans la LNH, il n’y en a presque pas. Il y a Mario Duhamel [son adjoint en Arizona], Pascal Vincent [adjoint à Columbus] et moi. C’est épouvantable. »

Précisons tout de même qu’au début de la présente saison, on aurait pu ajouter les noms d’Alain Vigneault (Philadelphie) et de Dominique Ducharme (Montréal), qui ont fait leurs armes comme entraîneur dans la LHJMQ. Les deux ont perdu leur emploi au cours des derniers mois.

Par ailleurs, parmi les dirigeants actuellement en poste, on pourrait ajouter les noms de Gerard Gallant, entraîneur-chef des Rangers de New York, quoiqu’il n’ait pas été « formé » dans la LHJMQ – il a été nommé à la barre des Sea Dogs de Saint John après huit ans dans la LNH. Son adjoint Mike Kelly a suivi le même parcours, tout comme John Torchetti, adjoint chez les Flyers de Philadelphie. Jim Midgley, lui aussi adjoint de Gallant à New York, a toutefois amorcé sa carrière à Saint John.

Chevronné

La sortie de Tourigny est d’autant plus éclatante qu’elle s’appuie sur une expérience de deux décennies comme entraîneur et administrateur.

Il a été entraîneur-chef et directeur général des Huskies de Rouyn-Noranda de 2002 à 2013, avant que Patrick Roy n’en fasse son adjoint derrière le banc de l’Avalanche du Colorado. Après trois ans dans la LNH (deux à Denver et un à Ottawa), il est retourné dans les rangs juniors, d’abord à Halifax pendant un an, puis dans l’OHL, avec les 67’s d’Ottawa. Il est également lié à Hockey Canada depuis longtemps, lui qui a notamment dirigé l’équipe canadienne junior au Mondial 2021.

Mardi, il a déploré que les « têtes de hockey » du circuit Courteau soient « sous-estimées » au sein des équipes de la LNH, et ce, à tous les niveaux : autant les entraîneurs que les directeurs généraux ou les recruteurs.

Il a donné en exemple Jacques Carrière, dépisteur de longue date et actuel directeur général des Screaming Eagles du Cap Breton, qui a aussi été son adjoint à Rouyn il y a quelques années. « Comment ça se fait qu’un gars comme lui n’ait jamais eu sa chance comme recruteur dans la LNH ? », s’est demandé Tourigny.

« Le meilleur coach contre lequel j’ai coaché, c’est Benoît Groulx », a-t-il renchéri. Groulx est l’actuel pilote du Crunch de Syracuse, club-école du Lightning de Tampa Bay, dans la Ligue américaine. Dans la grande ligue, « il n’a jamais eu sa chance, même pas comme adjoint ! », a ajouté Tourigny.

Demande-moi donc d’expliquer ça. Je ne peux pas.

André Tourigny, entraîneur-chef des Coyotes de l’Arizona

À son avis, la LHJMQ n’a pas (ou plus) mauvaise réputation à l’extérieur de la province. « Au contraire, au cours de ma dernière année dans l’OHL, j’entendais que la LHJMQ était plus intense, la plus physique, plus portée sur les détails que les autres. »

Dans ces circonstances, pourquoi, selon lui, les dirigeants issus de la LHJMQ sont-ils ainsi boudés ?

« Je n’embarquerai pas là-dedans, je ne ferai pas de politique. Mais je sais une affaire : il y a de maudits bons coachs, de maudits bons directeurs généraux et de maudits bons scouts dans la Q. J’espère qu’ils auront leur chance comme j’ai eu la mienne. Il faut la leur donner. »

On conclura que pour un gars qui ne voulait pas faire de politique, il n’est pas allé dans la retenue.