(Montréal) Prendre des décisions, surtout les plus difficiles, ce n’est jamais facile.

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Parce qu’il est possible de se tromper, et ensuite d’en payer le prix pendant de nombreuses années.

Les exemples sont très nombreux : quand le Canadien a repêché Doug Wickenheiser au lieu de Denis Savard, quand les Expos ont échangé Gary Carter, quand Journey a choisi de remplacer Steve Perry par un imitateur de Steve Perry… On pourrait continuer comme ça pendant des heures.

Mais qu’est-ce que cela a à voir avec cette autre défaite, cette fois par la marque de 6-3 face aux Coyotes de l’Arizona, dans un Centre Bell plutôt énergique pour un mardi soir ? Cela a tout à voir. Parce qu’en ce moment, c’est la saison 2022-2023 qui est en train de prendre forme sous nos yeux.

On sait déjà que Ben Chiarot ne finira pas la saison actuelle dans ce même uniforme, lui qui n’a pas joué mardi pour des raisons préventives. Mais la direction de ce club n’est pas en mode panique, et il ne faudrait pas s’attendre à ce que la moitié du club se retrouve ailleurs avant la date limite du 21 mars.

« Nous sommes conscients de la réalité, a répondu Paul Byron en fin de soirée. Pour les joueurs, ce match a été comme un autre match, et on essaie de ne pas penser à ce qui se passe à l’extérieur. Chaque année, à ce moment-ci, il y a des acheteurs et il y a des vendeurs. Mais pour nous, l’important, c’est de mettre toute notre concentration sur les matchs. Un gars comme Ben [Chiarot], tu en veux avec ton équipe, et il est parfait pour un club qui tente d’obtenir une place en séries. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Cayden Primeau fait un arrêt devant Alex Galchenyuk en deuxième période.

Ce ne sera pas le cas de cette équipe en bleu, blanc et rouge, bien évidemment, mais le but sera de tenter un retour à la pertinence dès la saison prochaine. C’est du moins ce que l’on entend en coulisses depuis peu : que le club sera actif sur le marché des joueurs autonomes, que personne ne sera offert pour des arachides d’ici au 21 mars, parce que le directeur général Kent Hughes n’est pas du tout intéressé par une vente de feu. Si un rival veut obtenir un Lehkonen ou un Byron, par exemple, alors là, il faudra y mettre le prix.

Ce regard optimiste existe parce qu’il y a des raisons d’être optimiste, d’abord en voyant aller Cole Caufield. Même séparé de son ami Suzuki – il a amorcé le match en compagnie de Lehkonen et de Pitlick –, Caufield s’est permis de rayonner avec une soirée de deux buts en huit secondes.

Ce bout-là n’a pas semblé l’impressionner (« c’est assez cool », a-t-il sobrement répondu, quand on lui a fait remarquer que seulement deux autres joueurs avaient marqué deux buts aussi rapidement dans l’histoire du club, et qu’il était à égalité avec Maurice Richard au troisième échelon), mais ça permet de croire que le jeune attaquant est en train de gagner un peu de maturité.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Cole Caufield

Martin St-Louis en a profité pour le comparer à un jeune Steven Stamkos.

« En raison de son tir, de la manière dont il cache son geste, a expliqué l’entraîneur-chef. J’ai modifié ce trio lors de la deuxième période de dimanche à Philadelphie, et on a gagné. Les gars ne joueront pas 82 matchs avec les mêmes coéquipiers, c’est impossible. Ce sont des choses que tu dois gérer comme entraîneur, et j’ai été content du jeu de ces trios-là. Quand on se présente et qu’on se donne une chance comme ça, on va gagner plus souvent qu’on va perdre. »

C’est bien pour dire. D’ordinaire, une défaite de 6-3, contre une mauvaise équipe en plus, devrait mener à des huées au Centre Bell, et à l’explosion pure et simple de l’internet. Mais ce n’est pas le cas. Parce que ce club, malgré tout, est peut-être en train de bâtir quelque chose.

Dans le détail

Chiarot sur son départ

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Ben Chiarot

Au moment où vous lisez ces lignes, il n’est pas impossible que Ben Chiarot ait déjà été échangé. Car même si le défenseur est en pleine forme, il a été laissé de côté mardi : une « décision de la direction », dixit Martin St-Louis, qui confirme que le numéro 8 fera l’objet d’une transaction très bientôt. On savait depuis des semaines que le Canadien l’échangerait, mais jamais encore cela n’avait paru si imminent. Les blessures subies par d’autres joueurs demandés ailleurs dans la ligue, par exemple Jakob Chychrun, des Coyotes, ont sans doute convaincu le CH d’user de prudence avec celui qui constitue son principal atout à l’approche de la date limite des transactions. Mardi, l’équipe a en outre dû se défendre sans les attaquants Josh Anderson et Ryan Poehling, blessés au bas et au haut du corps, respectivement.

L’étoile Vejmelka

Peu nombreux sont ceux qui connaissaient le nom de Karel Vejmelka avant le début de la saison – et cela inclut l’auteur de ces lignes. Embauché au mois de mai dernier, le Tchèque de 25 ans, qui avait exclusivement joué dans son pays natal jusque-là, s’est présenté au camp de développement des Coyotes, puis à celui des recrues, puis au camp principal, avant de décrocher un poste avec le grand club. Quelques mois plus tard, le voilà dans le rôle officieux de gardien numéro 1 de son équipe. Mardi, il a repoussé 36 tirs et signé sa 10victoire de la saison – et sa deuxième contre le CH. « Il a été fantastique pour nous cette saison, a commenté le défenseur Anton Stralman après la rencontre. Il a constamment tenu le fort, et on a une grande confiance en lui. » L’entraîneur-chef André Tourigny s’est pour sa part amusé en rappelant que Vejmelka était « le seul partant de la ligue qui arrive en point de presse avec un t-shirt du camp de développement ». « C’est un gars qu’on a appris à connaître, a-t-il repris. Il a commencé en force, puis a connu une baisse de régime, mais il est maintenant sur la pente montante. Il est très bon. »

Un groupe de francs-tireurs

Seulement 15 tirs ont suffi aux Coyotes pour l’emporter 5-3 lundi à Ottawa. Le lendemain, à Montréal, 19 lancers se sont convertis en 6 célébrations. Le long voyage de cinq matchs que l’équipe vient de boucler dans l’est du continent s’est soldé non seulement par une fiche fort enviable (4-1-0), mais également par un taux de réussite hors de ce monde. « L’un des meilleurs de la ligue », s’est risqué André Tourigny. Il a visé juste. Du 8 au 15 mars, 23,3 % des tirs des Coyotes sont devenus des buts. Presque un sur quatre ! C’est évidemment un sommet dans la ligue dans l’intervalle. Tourigny a parlé d’un juste retour du balancier, après un début de saison catastrophique (11 défaites de suite) caractérisé notamment par une incapacité chronique à marquer des buts. « Quand tu crois en toi, que tu te fais confiance, de bonnes choses arrivent, a-t-il dit. On voit la passion et le caractère des joueurs. Même lorsqu’ils tirent de l’arrière, ils savent qu’ils peuvent revenir. »

Ils ont dit

On veut revenir à cette culture d’équipe, à la force de caractère du groupe, et revenir à ce qu’on fait de mieux. Même après la mauvaise première période, on ne s’est pas découragés, on sentait qu’on avait quand même une chance.

Brendan Gallagher

C’est toujours bien de revenir dans le match comme on a pu le faire. Notre jeu en première période n’a pas aidé avec le momentum, par contre. Dans mon cas, il y a des hauts et des bas, ça fait partie du sport… Quand la rondelle va dans le filet, on se sent mieux.

Cole Caufield

Ben Chiarot a été un bon coéquipier pendant trois années et c’est un peu triste de le voir partir, si cela s’avère. Mais c’est la vie et c’est le hockey.

Paul Byron

Ils ont pris l’avance, mais ils ont passé 10-12 minutes sans lancer… On a eu de vrais bons moments. On s’est battus, on a gagné la deuxième période, et même lors de la troisième période, on avait des occasions. De la façon dont on a joué dans l’ensemble, je suis très confiant.

Martin St-Louis

Quand la saison a commencé, tout était à faire, avec un nouveau personnel d’entraîneurs et un nouveau système de jeu à apprendre. C’était dur, mais à mesure que la saison a avancé, on n’a jamais perdu le moral. L’atmosphère dans le vestiaire est restée bonne. Et ça paie. On s’amuse beaucoup en ce moment.

Anton Stralman

Une des beautés de notre équipe, c’est qu’on sait qui on est. Jamais, dans une victoire, on n’a dominé nos adversaires d’un bout à l’autre d’un match. Nos gars savent se défendre. On aimerait être capables de fermer les matchs comme le Lightning de Tampa Bay le fait, mais ça va prendre une couple d’années avant que ça arrive.

André Tourigny

En hausse

Cole Caufield

Deux buts en huit secondes, et une récolte de sept points à ses cinq derniers matchs.

En baisse

Samuel Montembeault

Il n’a certes pas été aidé par sa défense (bonjour, Jeff Petry), mais quatre buts en sept tirs, ce n’est jamais idéal.

Le chiffre

11

C’était la 11fois que le Canadien effectuait un changement de gardien depuis le début de la saison.