(Vancouver) Émilie Castonguay nous accueille dans un coin de l’aréna Rogers, à Vancouver, dans un anonymat assez relatif.

Autour de nous, des ouvriers passent et repassent, sans se douter que la dame vêtue de noir et de souliers argentés est une pionnière. En fait, elle est la première femme de l’histoire des Canucks à accéder à un poste de direction, celui d’assistante au directeur général Patrik Allvin. Sans oublier qu’elle est seulement la deuxième femme à occuper un poste de direction dans toute la LNH.

Mais cela ne l’intéresse pas tant. Même pas en ce 8 mars.

« Ma réticence de parler de tout ça vient un peu du fait qu’on veut seulement me parler de ça, commence-t-elle par expliquer. C’est difficile pour moi de m’identifier à ça, parce que je n’ai jamais pensé comme ça, je n’ai jamais pensé que parce que je suis une femme, il allait falloir que je passe par un autre chemin. Je suis allée dans la direction où je voulais aller. J’ai peut-être juste choisi une approche différente, et ça m’a aidée. »

Émilie Castonguay est comme ça : fière, mais pas trop, modeste dans son quotidien.

On peut bien lui rappeler tout ça, lui rappeler sa position, son importance dans le grand livre de la LNH, elle ne bronche pas. Souvent, on l’invite à des conférences pour venir parler de l’importance des femmes dans le sport. Elle refuse tout le temps. « Invitez-moi à des conférences sur les gens compétents dans le sport et je vais y aller sans problème », précise-t-elle.

Respect

Émilie Castonguay est catégorique : depuis le début de ses années dans le monde du hockey, à titre d’agente en 2012, elle n’a pas senti une seule fois qu’on lui avait manqué de respect.

« Jamais. Peut-être que c’est arrivé dans mon dos, mais ça, c’est leur problème. S’il y a quelqu’un qui sent que tu vas être intimidée, que tu ne connais pas tes affaires, peut-être que ça va ouvrir une porte. Mais je n’ai jamais eu personne qui m’a dit de prendre mon trou ou quelque chose du genre. Je n’ai jamais vécu ça.

« Les choses évoluent, et c’est le fun de voir ça. Je pense que ç’a toujours été possible pour une femme de faire son chemin au hockey, mais là, ça le devient encore plus. Les mentalités changent. Ça ne change rien au fait qu’au bout du compte, à mon avis, il faut prendre les meilleures personnes pour faire le travail. Je ne voudrais pas qu’une femme soit engagée juste parce qu’elle est une femme. Je veux qu’on arrive à engager la meilleure personne, homme, femme, trans. »

C’est important d’ouvrir les horizons, oui, mais c’est aussi important de pouvoir miser sur les meilleures personnes.

Émilie Castonguay

Les Canucks ont jugé qu’elle faisait partie des « meilleures personnes », et Jim Rutherford, président des opérations hockey, l’a contactée, pour essuyer un non sur le coup. Elle avoue d’ailleurs qu’elle a eu besoin d’une bonne période de réflexion, et aussi de quelques nuits sans sommeil, avant de finalement dire oui.

Au même moment, le Canadien était engagé dans une course au directeur général au Centre Bell, et son nom a fait surface dans les coulisses.

« Mais je n’ai pas parlé avec le Canadien, tient-elle à préciser. À Montréal, ils cherchaient un directeur général, et je n’ai pas la prétention de penser que j’aurais dû être sur cette liste-là. Je n’ai aucune idée pourquoi mon nom a circulé, d’ailleurs. »

« Un jour à la fois »

La voilà maintenant impliquée dans les décisions à Vancouver, la voilà autour de la grande table, « à 100 % », dira-t-elle, en train de participer à toutes les discussions. C’est ce qu’elle voulait : Vancouver, le hockey, un poste important. Ça allait arriver un jour, ça lui arrive maintenant, à 38 ans, après 10 ans passés dans le monde des agents.

Dans son cas, on a un peu l’impression que ce n’est que le début du récit, et qu’il y aura des chapitres, plein d’autres chapitres, qu’elle rédigera avec plaisir au cours des prochaines années.

On lui demande où ça va la mener, et elle sourit avant de répondre.

« Je ne sais pas où ça va me mener… Actuellement, c’est un peu comme quand tu conduis le soir, et que tu peux voir seulement au bout de la lumière de tes phares. C’est là où j’en suis. Pour moi, c’est un jour à la fois. On verra où ça me mène… »