L’entrevue que Charlie Lindgren avait accordé à la voix du Rocket de Laval, Anthony Marcotte, et à La Presse tirait à sa fin. À quelques mètres, le long du mur, l’entraîneur des gardiens du Rocket, Marco Marciano, attendait. L’entrevue terminée, Lindgren et Marciano se sont enlacés chaleureusement.

« En cinq ans ici, j’ai connu de très bonnes personnes. Il y a eu des hauts et des bas. Mais ça a fait de moi une meilleure personne et un meilleur gardien. »

En ce lundi pluvieux, gris et glissant, Lindgren revenait à Laval pour la première fois depuis son départ du Canadien, l’été dernier. Avec une victoire de 5-2 en soirée contre le Rocket, l’Américain a fait un deuxième pied de nez à son ancienne organisation, cette fois dans l’uniforme des Thunderbirds de Springfield. Le 11 décembre dernier, il avait en effet signé un gain de 4-1 avec les Blues de St. Louis, contre le Canadien.

« Je voulais me prouver devant les dirigeants du Canadien, leur montrer que je peux jouer dans la LNH. C’est pourquoi cette victoire était si spéciale, a dit Lindgren, au terme de l’entraînement matinal des Thunderbirds.

« Les gars dans ce vestiaire savent que je peux jouer dans la LNH. Stéphane Waite, Marco, ils croyaient en moi. Mais il y a des gens qui ne croyaient pas nécessairement que je pouvais jouer dans la LNH. Donc c’était spécial de les battre. »

Marc Bergevin avait été congédié deux semaines auparavant quand Lindgren a bloqué 22 des 23 tirs du Canadien à St. Louis. Était-ce lui qu’il visait dans son commentaire ? Lindgren refuse de se prononcer.

« Quand j’ai été rappelé, je trouvais que je jouais bien, a-t-il martelé. J’espérais avoir ma chance. Des gens diront que j’ai eu ma chance. D’autres diront que non. Mais je sais que je suis capable de jouer dans la LNH. »

« Il ne faisait pas l’unanimité, admet Waite, entraîneur des gardiens du Tricolore jusqu’à son congédiement, en mars 2021. Mais ça, je pourrais dire ça de tous les joueurs. Il y en a toujours un qui l’aime, un qui ne l’aime pas. Sans parler pour les autres, moi, j’ai toujours cru en lui. »

Courtes nuits

Jamais repêché, embauché comme joueur autonome, Lindgren était un projet intrigant. Il avait d’ailleurs fait une entrée remarquée en l’emportant 4-2 en Caroline à son tout premier départ dans la LNH, le 7 avril 2016, arrivant directement de l’universitaire.

Mais il ne s’établira jamais en permanence à Montréal. La saison 2017-2018 a été la seule où il a eu une véritable chance « en haut », jouant 14 matchs derrière une équipe qui donnait à David Schlemko 18 minutes de jeu par match, doit-on rappeler.

Mais c’est vraiment la saison écourtée 2021, en pleine pandémie, qui a été la plus difficile. Il n’a disputé que trois matchs, tous avec le Rocket. Il a passé le reste de la saison dans l’escouade de réserve, essentiellement un cimetière pour un joueur de 27 ans de son statut : pas encore établi dans la LNH, mais trop vieux pour être LE gardien à développer, en raison de la présence du jeune Cayden Primeau.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Charlie Lindgren avec le Rocket de Laval

« Peu de gens le savent, mais à partir des séries dans la bulle en juillet 2020, j’ai eu de gros problèmes d’insomnie, a confié Lindgren. J’avais souvent des nuits de deux ou trois heures. Tu n’as pas d’énergie en te levant le matin, tu es vidé. »

Une explication ? « C’est dur à dire. J’étais loin de ma femme, de mon chien. Il y avait le couvre-feu, on ne pouvait pas sortir, socialiser. Les mesures affectaient tout le monde. Certains gars posent la tête sur l’oreiller et s’endorment. Ils ne réalisent pas à quel point ils sont chanceux. Les gens seraient surpris de savoir le nombre de joueurs qui ont du mal à dormir. Avec notre mode de vie, ce n’est pas facile de dormir après un match. »

Waite était au fait de la situation. « Le personnel médical nous a mis au courant, indique le Sherbrookois. Charlie n’est pas du genre à se plaindre, donc il n’en parlait pas. Mais le matin, il avait l’air d’un gars qui avait couché sur la corde à linge. Pourtant, s’il y a un gars très discipliné dans la vie, c’est bien lui ! »

La renaissance

L’été venu, Lindgren s’est donc entendu pour un an avec les Blues. « J’avais besoin de changer de décor », dira-t-il à plus d’une reprise.

Ses statistiques le prouvent. Il montre une fiche de 16-3-1 à Springfield, et de 5-0-0 à St. Louis. En 27 matchs dans les deux ligues, il n’a permis que 54 buts. Il dort maintenant « comme un bébé », jure-t-il.

« Les partisans à Laval méritaient une équipe gagnante et on n’y est pas parvenus », a affirmé Lindgren. À la défense du Rocket, l’équipe a connu une excellente saison 2021, mais il n’y a pas eu de séries en raison de la pandémie.

« À Springfield, on est premiers de notre division. C’est beaucoup plus plaisant de venir à l’aréna et ça fait longtemps que je ne me suis pas autant amusé. »

Selon Waite, cette saison pourrait lui servir de tremplin vers la LNH. « Corey Crawford est arrivé à 26 ans, Antti Niemi à 27 ans, souligne Waite. Charlie a 28 ans, il arrive dans les meilleures années de sa carrière. Quand il est en santé, physiquement et mentalement, il a tout ce qu’il faut pour jouer dans la LNH. »

De l’incertitude pour Josh Brook

Le malheur s’acharne sur Josh Brook. Le défenseur, choix de 2e tour du Canadien en 2017, est de nouveau blessé à un genou. Il s’agit du même genou auquel il a dû être opéré à la fin de la dernière saison, et qui lui a fait rater les quatre premiers mois de la présente campagne. L’entraîneur-chef du Rocket, Jean-François Houle, a indiqué qu’il faudra encore attendre « une ou deux semaines » avant de savoir si Brook devra être opéré ou non, le temps que l’enflure diminue. Un des très rares défenseurs droitiers au sein de la relève du Canadien, Brook avait fait tourner les têtes à sa dernière saison dans le junior, en 2018-2019, amassant 75 points en 59 matchs, ce qui lui avait valu une invitation au Championnat du monde junior. Il n’a toutefois pas connu autant de succès dans la Ligue américaine, et voilà que les blessures s’en mêlent. Le jeune homme de 22 ans n’a disputé que quatre matchs depuis son retour au jeu, le 12 février.

Une prolongation pour Smith-Pelly

Par ailleurs, Houle a annoncé que le contrat d’essai professionnel de l’attaquant Devante Smith-Pelly avait été prolongé. Le gros ailier a disputé 15 matchs jusqu’ici avec le Rocket, inscrivant six points (trois buts, trois passes). Si le vétéran de 395 matchs dans la LNH peut ainsi s’accrocher, c’est notamment parce que les blessés sont nombreux, à Laval comme à Montréal. Seulement chez les attaquants, Lukas Vejdemo, Alex Belzile, Brandon Gignac et Jean-Christophe Beaudin sont sur la touche, tandis que chez le Canadien, Jonathan Drouin, Paul Byron, Christian Dvorak et Jake Evans manquent à l’appel. Tout cela survient pendant une portion éprouvante du calendrier du Rocket. Le club-école du Tricolore dispute quatre matchs en six soirs cette semaine, et est au milieu d’une séquence de 7 duels en 11 jours.

En savoir plus
  • 10-12-2
    En 24 matchs avec le Canadien, Lindgren a montré une fiche de 10-12-2, avec une moyenne de 3,00 et une efficacité de ,907.