Lors de son embauche par le Canadien, Jeff Gorton mentionnait le développement des joueurs comme l’une de ses priorités. « Les personnes en place font du bon travail. Ça nous en prend plus. »

Comme premier ajout officiel, Gorton s’est tourné vers une ressource qui fait essentiellement ça de sa vie, du développement des joueurs. Cette personne, c’est Adam Nicholas, embauché la semaine dernière dans le rôle de « directeur du développement du hockey ».

Son mandat sera aussi large que son titre. Il aura en effet des responsabilités au sein du Canadien, du Rocket de Laval et des espoirs disséminés un peu partout, nous explique-t-on. Sa tâche consistera surtout à « élaborer des plans de développement », plus qu’à travailler directement sur les habiletés, ce qui a longtemps été sa spécialité.

Le Tricolore a fait savoir que Nicholas préférait « rester dans l’ombre » et ne pas accorder d’entrevues.

Ce que l’on sait, par contre, c’est qu’il arrive d’une organisation qui a présenté un bilan spectaculaire en matière de développement des joueurs : le Steel de Chicago, dans la USHL.

« Je pense que Montréal a réalisé une très bonne embauche », affirme Brock Sheahan, entraîneur-chef du Steel, en entrevue avec La Presse.

« Il a aidé à structurer notre modèle de développement. Le hockey est un sport d’équipe, mais notre responsabilité est de développer les individus au plus haut niveau. »

Le cas Farrell

Sean Farrell est possiblement l’espoir le plus intrigant du Canadien à l’attaque. Invité aux Jeux olympiques par l’équipe américaine cet hiver, meilleur marqueur de la USHL la saison dernière… Pour un joueur réclamé au 124e rang en 2020, sa progression excède les attentes.

« Sean a toujours été un fabricant de jeu », affirme Sheahan, au sujet de l’attaquant qui joue maintenant à Harvard.

« Mais il est devenu un marqueur d’élite avec des capacités de fabricant de jeu de l’élite. Adam lui a appris à exceller quand le jeu est plus robuste, afin qu’il puisse se rendre à la LNH. Adam l’a vraiment aidé. »

Farrell est arrivé avec le Steel à l’automne 2019, soit en même temps que Nicholas. La saison précédente, il avait inscrit 11 buts en 64 matchs avec le Programme de développement américain. Il en a inscrit 15 en 44 matchs en 2019-2020 avec le Steel, puis 29 en 53 matchs la saison suivante avec cette même équipe. Et à Harvard, le voici avec 8 filets en 18 matchs.

Farrell est un cas, mais le Steel a été une véritable usine à choix de repêchage depuis que Nicholas est arrivé dans la Ville des vents. « Nos gars ont bénéficié de sa présence, affirme Sheahan. Owen Power, Matt Coronato, Brendan Brisson, Sam Colangelo, Sean Farrell… Ils sont au collège, mais ils joueront tous dans la LNH. Et il y a Adam Fantilli, qui sera repêché dans le top 3 en 2023. »

Les chiffres du Steel sont éloquents. Lors des deux repêchages de la LNH ayant précédé l’arrivée de Nicholas (2018 et 2019), 4 joueurs de l’équipe ont été réclamés sur un total de 51 joueurs de la USHL (en excluant le Programme national de développement des États-Unis, qui joue dans ce circuit). C’est donc 7,8 %, un chiffre relativement proportionnel pour une ligue à 18 équipes.

Lors des deux derniers repêchages, le quart des joueurs repêchés dans la USHL (11 sur 43) provenaient du Steel ! Et si on se fie au palmarès de la centrale de recrutement de la LNH, cette proportion pourrait encore être respectée lors de l’encan 2022.

« Si les gens savaient comment notre développement fonctionne, ils seraient sous le choc de voir à quel point tout est planifié », renchérit Sheahan.

Vous verrez une grosse différence dans le développement des espoirs. Il est un des meilleurs de notre milieu, il va implanter la culture, mais aussi établir un plan.

Brock Sheahan, entraîneur-chef du Steel de Chicago

Sheahan estime que Nicholas venait à Chicago « deux fois par mois, trois ou quatre jours à la fois », afin de travailler en personne avec les jeunes. Du reste, le nouvel employé du CH est établi au Maine, d’où il vient. Il n’est pas clair s’il délaissera ses fonctions avec le Steel ; au moment de publier, son nom apparaissait encore au sein du personnel hockey de l’équipe.

Auparavant, Nicholas avait travaillé à l’Université du Massachusetts à Lowell entre 2013 et 2018 à titre d’entraîneur de patinage. L’institution n’a pas développé de joueurs établis dans la LNH pendant ces années, à l’exception notable du gardien Connor Hellebuyck, mais les River Hawks n’ont jamais eu la réputation de Boston College, Boston University et d’autres institutions de la région.

Avec Chara

Nicholas n’arrive pas non plus sans expérience dans la LNH. Il a œuvré chez les Rangers de New York – donc sous Gorton – en 2016-2017, puis chez les Maple Leafs de Toronto de 2019 à 2021.

En parallèle, son école de hockey, Stride Envy Skating, a eu plusieurs joueurs de la LNH comme clients. Son plus gros nom : Zdeno Chara. L’impact de Nicholas était d’ailleurs décrit dans un portrait du défenseur publié dans Sports Illustrated en avril 2018, quand le Slovaque était un jeune loup de 41 ans.

Lisez l’article de Sports Illustrated (en anglais)

Les relations sont visiblement encore bonnes, puisque Sheahan raconte que Chara s’est adressé aux joueurs du Steel, en visioconférence, à l’automne 2020, à la demande de Nicholas.

La familiarité

Le directeur général Kent Hughes et Gorton se sont de nouveau tournés vers un homme qu’ils connaissent.

En consultant la liste de ses mandats sur le site internet de Stride Envy, on voit que Nicholas a frayé dans les mêmes milieux. Il y a eu les Rangers, mais aussi les Junior Eagles de Boston, là où Hughes a été entraîneur et où ses fils ont joué, de même que Brunswick Middle School, le programme scolaire où Martin St-Louis aidait avant de devenir entraîneur-chef par intérim du Canadien.

Lors de l’embauche de Nicholas, St-Louis avait été interrogé sur l’ajout d’entraîneurs responsables du développement des habiletés.

« Je ne sais pas exactement à quoi ça ressemblera, mais on va travailler ensemble, avait répondu St-Louis. Comme entraîneur-chef, t’as beaucoup de job et tu dois être capable de déléguer. J’ai toujours été un joueur d’équipe, et ça ne me dérange pas de déléguer, de faire confiance aux gens qui passent plus de temps dans une spécialisation. »

« La raison pour laquelle ça fonctionne si bien chez nous, c’est que les entraîneurs et le personnel de développement sont liés, souligne Brock Sheahan. C’est la même chose avec nos dépisteurs. Il y a une vision claire de la façon dont on veut jouer. À Montréal, Adam comprendra comment les entraîneurs veulent jouer et il aidera à bâtir ces qualités chez les joueurs. »