(Edmonton) Avez-vous déjà tenté de travailler alors que votre patron regardait par-dessus votre épaule ? Votre pouls a-t-il augmenté ? Avez-vous précipité des gestes ?

Si vous avez répondu oui à la première question, l’affirmative a probablement suivi après les deux autres.

Entre ici en scène Kaiden Guhle. Choix de premier tour du Canadien en 2020 (16e au total), il disputait vendredi soir dernier un match avec les Oil Kings d’Edmonton. Comme le Tricolore était en ville afin d’y affronter les Oilers le lendemain, l’état-major de l’équipe a fait un saut à l’aréna afin d’y voir jouer celui qui est considéré comme le plus bel espoir du club en défense.

Kent Hughes, directeur général du club, y était. Son adjoint John Sedgwick aussi. Tout comme l’entraîneur-chef Martin St-Louis ainsi que ses adjoints Alex Burrows, Luke Richardson, Trevor Letowski et Mario Leblanc. Autant de paires d’yeux qui, on s’en doute, n’étaient pas là pour scruter le quatrième trio des Hitmen de Calgary, adversaires des Oil Kings.

Logiquement, après la rencontre, Guhle a été interrogé sur son état d’esprit avant le match, sachant que ses futurs patrons seraient dans les gradins – Hughes lui avait envoyé un texto en matinée.

On aurait aussi bien pu lui parler du piètre état des rues d’Edmonton après la bordée de neige du jour qu’il aurait affiché le même niveau d’émotions.

« J’ai simplement joué à ma manière, a-t-il résumé. Ils avaient certainement déjà entendu parler de mon jeu. Je n’ai pas essayé d’être un joueur que je ne suis pas, c’est tout ce que je peux faire. »

Il a néanmoins ajouté qu’il y avait « des choses qu’[il] aurait pu faire mieux ».

Probablement avait-il en tête le revirement qu’il a commis à sa ligne bleue en début de deuxième période et qui a mené à un but des Hitmen. Ou encore son positionnement plus ou moins à point, quelques minutes plus tard, sur le deuxième (et dernier) filet des visiteurs, qui ont du reste affronté un barrage de 51 tirs et subi un revers cuisant de 7-2.

Outre ces deux séquences moins flatteuses, Guhle a eu l’occasion d’étaler avec panache les raisons pour lesquelles le Canadien l’a repêché. Un coup de patin supérieur à la moyenne, une présence physique forte, qui ne fera que s’améliorer à mesure qu’il gagnera du coffre, ainsi qu’un flair offensif certain.

C’est d’ailleurs lui qui avait donné l’avance 2-0 à son équipe en première période après avoir brillamment appuyé l’attaque. Fonçant au filet, il a accepté une passe sur le flanc gauche et a décoché un tir des poignets qui n’a laissé aucune chance au gardien.

Névralgique

La présente saison est névralgique dans la jeune carrière de Guhle. Elle n’en est pas moins chargée en rebondissements.

Il s’agit très certainement de sa dernière avant de passer chez les professionnels, que ce soit directement avec le Canadien ou avec le Rocket de Laval, dans la Ligue américaine.

Il a été nommé capitaine de l’équipe canadienne en vue du Championnat du monde junior, annulé après seulement deux rencontres à la fin du mois de décembre – le tournoi sera repris l’été prochain. Il a été échangé au début de décembre dans une transaction monstre qui l’a fait passer des Raiders de Prince Albert, dont il était le capitaine, aux Oil Kings, sérieux aspirants à la Coupe Memorial.

Malgré les évènements, Guhle reste de glace. Depuis qu’il a été repêché, nombreuses sont les comparaisons avec Shea Weber, capitaine du Canadien. Elles ne sont pas farfelues. Leur jeu sur la glace est similaire, sans être un calque l’un de l’autre. Et sur le plan de la personnalité, il y a une évidente parenté.

Le calme olympien et la confiance qu’il affiche malgré ses 20 ans ont quelque chose de presque déstabilisant. Les journalistes couvrant les activités du Canadien l’ont constaté, pendant le dernier camp d’entraînement du club, lorsque le jeune homme s’est présenté devant eux en point de presse sans complexe ni arrogance.

Il sait bien qu’il traverse des mois déterminants. Mais il résume néanmoins son quotidien le plus simplement du monde : « Je fais juste jouer au hockey et continuer à m’améliorer. »

« Je pense qu’il ne sue jamais ! s’est exclamé en riant son coéquipier Shea Van Olm. Récemment, après un match pendant lequel il avait certainement joué 25 ou 26 minutes, je suis allé toucher à ses cheveux pour vérifier. »

Il est tellement calme… C’est notre quart-arrière, il nous parle beaucoup sur la glace. C’est un pilier pour nous.

Shea Van Olm, des Oil Kings d’Edmonton

Van Olm, 18 ans, n’a pas caché son immense respect envers le défenseur. « C’est Kaiden Guhle », a-t-il naïvement dit, comme s’il parlait de Victor Hedman. « C’est le genre de gars qu’on admire. Il mène par l’exemple. Il ne parle pas beaucoup, alors quand il parle, on l’écoute. »

Fait amusant, Van Olm, bien que né à Calgary, a passé une partie de son enfance et de son adolescence dans l’ouest de Montréal. Il dit avoir déjà averti son coéquipier que la folie du marché montréalais, « ce n’est pas des blagues ». Avec le sourire, il a néanmoins estimé que Guhle « allait aimer ça ».

« Il est emballé, car il adore le hockey. Les gens vont l’aimer. »

Vers la LNH

Il a beau ne pas s’emballer, mais Guhle sait bien que sa vie risque de changer de façon draconienne après la saison.

Atteindre la LNH le plus vite possible est évidemment son objectif, encore qu’il conçoive qu’il dispose de « beaucoup de temps pour [s]’améliorer ». Jusqu’à nouvel ordre, il se concentre à aborder les choses « un jour à la fois, un match à la fois ». La conquête de la Coupe Memorial avec les Oil Kings, la plus puissante équipe de la Ligue junior de l’Ouest, est sa priorité du moment. Il a goûté au tournoi en 2019 ; cette fois, il veut soulever le trophée.

Sept de ses coéquipiers ont, comme lui, déjà été repêchés par des équipes de la LNH, dont trois au premier tour. « On s’aide les uns les autres afin de passer au prochain niveau », dit-il. Sur le plan personnel, il connaît la meilleure saison offensive de sa carrière junior, avec déjà 38 points en 39 matchs.

Vendredi, il a brièvement discuté avec Kent Hughes après le match. C’était leur premier contact en personne, si bien qu’on a surtout fait les présentations. Il se réjouit à l’idée de jouer sous les ordres de Martin St-Louis, un gars « incroyable » selon les témoignages qu’il entend.

La première moitié de saison catastrophique du Tricolore ne l’a jamais inquiété, assure-t-il. « Ils comptent sur beaucoup de gars qui peuvent faire changer les choses, c’était une question de temps avant qu’ils recommencent à gagner. »

On pourrait presque croire que rien ne réussira à ébranler cette force tranquille qui l’habite. Et c’est aussi bien ainsi.

« Je suis un gars positif, j’ai toujours cru que le vent allait tourner. Je ne me suis jamais demandé dans quoi je m’étais embarqué. »