(Calgary) Reste-t-il un doute, chez quiconque s’intéresse aux activités du Canadien, que cette équipe est dorénavant celle de Nick Suzuki ?

Le joueur de centre a offert une performance magistrale, jeudi soir à Calgary, dans la victoire de 5-4 des siens acquise en prolongation contre les Flames.

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Le jeune homme a littéralement tout fait. Une passe lumineuse à Jeff Petry, qui a nivelé la marque à 1-1 en première période. Un but marqué en avantage numérique après qu’il a détecté, en une fraction de seconde, le déplacement du gardien Jacob Markstrom. Une interception et une montée déterminante sur le premier but de Ben Chiarot, qui a fait 3-3 en troisième période. Du travail acharné en infériorité numérique. Trois tirs bloqués. Permettons-nous d’insister : il a tout fait.

« On l’a vu au fil des années, en saison et en séries éliminatoires, il se lève dans les gros matchs », a fait remarquer Ben Chiarot après la rencontre.

C’est probablement ce que je préfère de lui. C’est dur à trouver, surtout parmi les joueurs d’élite. Je pense qu’il sera un leader pendant longtemps pour cette équipe.

Ben Chiarot, à propos de Nick Suzuki

Le hasard a fait en sorte que le nom de Suzuki s’était retrouvé dans la conversation plus tôt dans la journée, après l’entraînement matinal. Mike Hoffman, loin d’être le plus éloquent des tribuns, avait dit de son coéquipier qu’il « agit et joue comme un gars plus âgé ». Darryl Sutter, entraîneur-chef des Flames, l’avait décrit comme une version plus jeune d’Elias Lindholm – l’un des centres les plus dominants de la LNH cette saison.

Peu porté à parler de lui-même et de ses performances, Suzuki a préféré rappeler qu’en jouant de cette façon, son club pouvait « surmonter tous les déficits », faisant ainsi écho au fait que le Canadien a tiré de l’arrière deux fois dans ce match. « Tout le monde s’est battu ce soir », a-t-il ajouté.

C’est vrai. Mais Nick Suzuki n’est pas tout le monde. « Il s’est levé contre une grosse équipe et il a été un leader », a noté l’entraîneur-chef Martin St-Louis. À ses yeux, le numéro 14 a joué son meilleur match depuis qu’il est entré en poste, le 9 février dernier.

PHOTO SERGEI BELSKI, USA TODAY SPORTS

Les joueurs du Canadien célèbrent après le but vainqueur de Ben Chiarot en prolongation.

Autorité

On sait depuis son arrivée dans la LNH, il y a bientôt trois ans, que l’Ontarien aujourd’hui âgé de 22 ans est un bon joueur. Mais l’autorité et l’assurance qu’il a gagnées forcent l’émerveillement.

Le fait qu’il a en outre offert cette performance dans un match sur la route n’est pas sans importance. On le sait, avec l’avantage du dernier changement que possède l’équipe qui joue à domicile, c’est l’entraîneur local qui dicte l’essentiel des confrontations sur la glace.

Suzuki, avec Cole Caufield et Josh Anderson, a donc eu la lourde tâche de se mesurer à Mikael Backlund, Andrew Mangiapane et Blake Coleman, unité à la fois dangereuse offensivement et tenace défensivement. Ce n’était pas une mince affaire, et ça n’a pas été parfait, mais le premier trio du Canadien a réussi à tirer son épingle du jeu.

De fait, Suzuki apparaît comme un joueur transformé sur la route depuis quelques semaines. Alors qu’il n’avait amassé que 7 points à ses 21 premiers matchs à l’étranger cette saison, il a récolté 10 points à ses 8 dernières joutes loin du Centre Bell – une séquence amorcée le 18 janvier, soit avant l’arrivée de Martin St-Louis.

« En début de saison, personne ne jouait bien sur la route et je savais que je pouvais être meilleur », a dit Suzuki, qui a surtout mis l’accent sur la « cohésion » qui règne actuellement dans son trio et qui lui permet de « bâtir ».

À n’en point douter, une large partie du mérite lui revient, un constat qui fait consensus parmi ses coéquipiers. Mais lui-même n’osera pas s’approprier ce mérite.

On peut appeler ça de l’humilité. Ou encore du leadership. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas plus mal pour une équipe qui amorce sa reconstruction.

Ils ont dit

PHOTO SERGEI BELSKI, USA TODAY SPORTS

Ben Chiarot a marqué le but gagnant en prolongation.

[Ben Chiarot] a connu un grand match. C’est notre cheval en défense. Il connaît une bonne saison. Il méritait le but gagnant.

Nick Suzuki

Envoyer cinq attaquants à cinq contre trois était notre plan depuis que Martin St-Louis est arrivé. On n’avait juste pas eu l’occasion [de le montrer]. On a eu deux chances, il fallait marquer sur l’une d’elles.

Nick Suzuki

Je le dis depuis le début, je me sens plus à l’aise avec la vitesse du jeu [de la LNH]. Une de mes forces est la lecture du jeu. Ce sont les meilleurs joueurs du monde, alors 99 % des fois, ils vont faire le bon jeu.

Andrew Hammond

C’est une grosse victoire, surtout contre une équipe comme ça. Ils sont au sommet du classement et on voit pourquoi. Ils ne donnent aucun espace. Quand tu obtiens une chance, ils ont aussi un bon gardien. C’est bon pour la confiance, on voit qu’on peut battre n’importe qui.

Ben Chiarot

J’ai toujours su ce que Mike Hoffman pouvait faire offensivement, mais les gens ne respectent pas autant son jeu défensif que son jeu offensif. Ces gars-là, s’ils me rejoignent à mi-chemin, ils ont beaucoup de valeur.

Martin St-Louis

Cette victoire a de la valeur pour la confiance. On commence à prouver qu’on peut jouer contre n’importe qui. Les Flames ont une équipe pour se rendre loin en séries. Je suis content de la manière dont ça s’est passé.

Martin St-Louis

Dans le détail

Un rare but en avantage numérique

Ce n’est pas la première fois qu’on le mentionne dans cette rubrique, mais l’avantage numérique du Canadien est anémique depuis l’entrée en poste de Martin St-Louis. Seulement deux buts en 29 occasions avant la rencontre de jeudi (6,9 %, au 31e rang de la LNH). Encore à Calgary, les chances gaspillées se sont accumulées, et ce n’est qu’après la sixième punition mineure des locaux que le CH a rompu le mauvais sort – à 5 contre 3 par ailleurs. Notons deux éléments dignes d’intérêt en lien avec cette phase de jeu. D’abord la non-utilisation de Jeff Petry, limité à 40 secondes au total, soit largement moins que Kale Clague, Ben Chiarot et Chris Wideman. Ensuite la formation à cinq attaquants déployée à 5 contre 3, avec Cole Caufield et Mike Hoffman à la pointe, ainsi que Nick Suzuki, Brendan Gallagher et Rem Pitlick près du filet. Suzuki a expliqué que cette stratégie était dans les cartons depuis un bon moment, mais que son équipe n’avait simplement pas encore eu l’occasion d’y recourir.

Mangiapane chez les étoiles

Dans une équipe qui compte sur Matthew Tkachuk, Elias Lindholm, Johnny Gaudreau, Sean Monahan et maintenant Tyler Toffoli, on n’aurait pas parié nos épargnes sur Andrew Mangiapane comme meilleur buteur du club. C’est pourtant en haut de cette colonne que se retrouve le petit ailier de 25 ans. Depuis son arrivée à temps plein dans la LNH, en 2018-2019, ce lointain choix de sixième tour améliore constamment sa production. À ses trois premières campagnes, il a récolté l’équivalent de 15, 21 et 26 buts si l’on reporte son rythme de production sur des saisons complètes de 82 matchs. Voilà qu’après 53 rencontres, il en a déjà marqué 29, en route vers une possible récolte de 40 à 45 buts. Jeudi soir, il a inscrit le troisième filet de son équipe, en infériorité numérique, en se défaisant d’abord de Ryan Poehling puis en déjouant Andrew Hammond d’un exceptionnel tir du revers dans la partie supérieure du filet. Du grand art.

Invincible Hammond

Ce n’est pas flatteur de l’exprimer ainsi, mais lorsque le Canadien a acquis Andrew Hammond du Wild du Minnesota, c’était pour remplir un chandail et des jambières devant le filet afin que Cayden Primeau puisse aller se refaire une estime de soi dans la Ligue américaine. Voilà toutefois que le vétéran de 34 ans a remporté ses trois premiers départs, et avec brio. Dans ces trois matchs, il a conservé un taux d’efficacité de,925 et rendu une moyenne de buts alloués de 2,26. Pas vilain, pour un gardien qui n’avait pas goûté à la LNH depuis presque quatre ans ! Il semble toutefois que sa présence au sein du groupe dépasse largement les arrêts spectaculaires. « Il calme les choses et joue bien avec la rondelle, a souligné Ben Chiarot. C’est un vétéran, un gardien professionnel, et il joue comme tel. » Interrogé sur la pression de garder son équipe dans le match en troisième période, amorcée en déficit d’un but, Hammond s’est limité à dire qu’il « ne pouvait pas trop y penser », et ce, même s’il savait pertinemment qu’un but accordé couperait les jambes de ses coéquipiers. Du reste, son équipe a « fait confiance au système » et n’a jamais abandonné. On connaît la fin.

En hausse

Mike Hoffman

Il n’est toujours pas le plus vaillant de sa génération en défense, mais des matchs comme celui-là rappellent pourquoi on le paie à fort prix. Un tir parfait en fin de troisième période et deux passes savantes qui ont directement mené à des buts.

En baisse

Chris Wideman

Il n’a pas été atroce, mais son manque de robustesse lui nuit contre des équipes adeptes du jeu physique. Il a joué moins de 8 minutes à cinq contre cinq, le plus bas total chez les défenseurs.

Le chiffre

3

Le but gagnant de Ben Chiarot était le troisième de sa carrière en prolongation. Ses deux premiers remontaient à la saison 2019-2020.