Quand il est question de reconstruction, les Sabres de Buffalo n’incarnent pas exactement un modèle de réussite.

Au terme de cette saison, l’équipe ratera les séries éliminatoires pour la 11fois de suite. Dans l’intervalle, 4 directeurs généraux et 6 entraîneurs-chefs se sont succédé, et 14 joueurs ont été repêchés au premier tour, dont 4 au premier ou au deuxième rang.

De l’avis unanime, rebâtir une franchise sportive peut prendre du temps. Mais il y a des limites, et Kevyn Adams en est pleinement conscient. L’actuel DG des Sabres n’en est qu’à sa deuxième saison à ce titre. « Réaliste », il connaît toutefois bien l’organisation qui lui a confié différents rôles depuis 2009. « Il faut comprendre le passé et respecter ce que les partisans ont vécu, croit-il. Mais je ne peux pas vivre dans ce passé non plus. Je dois me concentrer sur ce qu’on peut faire pour avancer. »

Assis dans les gradins du Centre Bell, Adams s’est entretenu avec La Presse, mercredi dernier, quelques heures avant le match entre son équipe et le Canadien.

Depuis son entrée en poste, en juin 2020, pratiquement aucun des gestes qu’il a faits, à l’exception de l’embauche de Taylor Hall sur le marché des joueurs autonomes, n’était destiné à une amélioration immédiate de son équipe.

Brandon Montour, Taylor Hall, Eric Staal, Rasmus Ristolainen, Sam Reinhart et Jack Eichel ont tous été troqués contre des choix au repêchage, des espoirs ou des joueurs de soutien. Seul Alex Tuch, obtenu des Golden Knights de Vegas dans l’échange d’Eichel, est un joueur établi et a déjà un fort impact sur sa nouvelle équipe.

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Alex Tuch (89)

Cette exception mérite qu’on s’y attarde. Tuch, 25 ans, n’a pas encore atteint son plein potentiel, estime-t-on. Il a en outre grandi à trois heures de route de Buffalo en rêvant de jouer pour les Sabres, et il arrivait avec en poche un contrat abordable auquel il restait beaucoup de temps. Le mariage semblait parfait.

Nous voulons construire avec des joueurs qui veulent jouer ici. Des gars qui aiment être membres des Sabres, qui aiment la ville. Alex incarne totalement ce que nous cherchons.

Kevyn Adams, DG des Sabres

Honnêteté

Deux thèmes reviennent plus d’une fois au cours de la discussion avec le DG des Sabres : l’honnêteté et l’importance de respecter le plan en place.

« Vendre » un plan à long terme n’est pas chose facile, tant auprès des joueurs que des partisans, convient Kevyn Adams. D’où l’importance d’expliquer, beaucoup, patiemment. « Quand Alex [Tuch] est arrivé, on a soupé ensemble et on a abordé tous les aspects de l’organisation : où on en est, où on veut aller, comment on va y parvenir », raconte l’ex-attaquant, qui a remporté la Coupe Stanley avec les Hurricanes de la Caroline en 2006.

« On doit s’améliorer dans plusieurs facettes. Aussi bien être honnête », poursuit-il.

La même transparence s’impose, croit-il, envers celles et ceux qui paient des centaines de dollars pour voir jouer leur équipe préférée à l’aréna.

« Évidemment qu’on veut gagner chaque soir, mais il y a plus gros que ça : on veut construire de la bonne manière et se placer dans une position qui nous permettra de connaître du succès longtemps, poursuit le DG. Notre message est donc : on a un plan, on veut voir nos jeunes joueurs former un noyau, disputer de grosses minutes, les accompagner et les voir devenir meilleurs. C’est ce qui est en train de se produire. »

Je sens, dans notre communauté, que les gens voient que le vent commence à tourner. Je rappelle aux joueurs qu’ils doivent gagner le respect des fans, et ils le comprennent. Quand on montre du respect aux partisans, ils reviennent, ils veulent faire partie de l’aventure.

Kevyn Adams, DG des Sabres

Discipline

La patience n’étant pas toujours chose facile, il peut être tentant, à la première embellie, de faire des gestes précipités.

« Nous sommes tous des gens compétitifs et les partisans veulent du succès instantané », reconnaît Kevyn Adams. Or, contre vents et marées, « il faut rester fidèle au plan », prêche-t-il – encore que nous ne lui avons pas demandé si offrir un contrat à fort prix à Taylor Hall, pendant l’été 2020, faisait partie du « plan ».

« Tu ne peux pas laisser le quotidien, les hauts et les bas ou la pression externe influencer tes décisions. Il faut rester discipliné. C’est facile d’être impatient et de faire des erreurs. »

Cet appel au sang-froid rend toutefois difficile l’établissement d’un échéancier clair avant de renouer pour de bon avec la victoire.

« On doit faire jouer les gars [dans la LNH] quand ils sont prêts. Par exemple, Jack Quinn connaît une saison exceptionnelle dans la Ligue américaine, mais que fera-t-il exactement l’an prochain ? C’est très dur de le savoir. »

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Jack Quinn

Bien que la position de gardien reste encore à consolider, il est indéniable que le bassin d’espoirs de qualité des Sabres tirera tôt ou tard l’équipe vers le haut. À 21 ans, Rasmus Dahlin approche déjà le plateau des 250 matchs en carrière. Dylan Cozens gagne en maturité. Peyton Krebs trouve lentement ses repères. Jack Quinn, J. J. Peterka et Owen Power, tout premier choix du dernier repêchage, sont bientôt attendus en renfort. Même les vétérans Tage Thompson et Alex Tuch, qui animent l’attaque depuis quelques semaines, n’ont que 24 et 25 ans.

« On a bon espoir qu’on s’en va dans la bonne direction, soutient Kevyn Adams. C’est très emballant. »

En souhaitant aux Sabres et à leurs partisans que cette fois soit enfin la bonne.

De bons mots pour Devon Levi

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Le gardien montréalais Devon Levi

Parmi la liste des espoirs de son équipe qui l’enthousiasment, Kevyn Adams a mentionné le nom du gardien Devon Levi. Le Montréalais a été acquis en compagnie d’un choix de premier tour, l’été dernier, dans l’échange qui a envoyé Sam Reinhart chez les Panthers de la Floride. Levi est tout simplement dominant cette saison devant le filet des Huskies de l’Université Northeastern : 16 victoires en 24 matchs, une moyenne de buts alloués de 1,55 et un taux d’efficacité de ,948. L’ascension de ce lointain choix de septième tour des Panthers en 2020 est spectaculaire, au point où qu’il a représenté le Canada aux récents Jeux olympiques de Pékin. « Ce qu’il accomplit en ce moment est remarquable, et on croit qu’il a un brillant avenir avec nous », a vanté Adams. Il n’empêche que, malgré la situation précaire devant le filet à Buffalo, l’équipe « ne veut rien précipiter, [elle] veut le laisser aller à son rythme, comme tous les autres joueurs ». En respectant le plan, finalement.