Quand le nom d’Elizabeth Mantha a retenti dans les hauteurs du Centre d’excellence Sports Rousseau avant la mise en jeu officielle de la rencontre entre l’Armada et les Huskies, samedi soir, la foule a applaudi vigoureusement. Même du haut de la galerie de presse, le sourire de l’officielle était perceptible. Elle devenait ainsi la première femme à arbitrer un match dans la LHJMQ.

Mantha affichait un franc sourire après le match, quand le directeur de l’arbitrage du circuit Courteau, Richard Trottier, est entré dans la chambre des officiels pour livrer ses commentaires. À ses côtés, les trois autres officiels souriaient eux aussi, visiblement heureux pour leur nouvelle collègue.

Quand on lui demande ce qui s’est passé dans sa tête quand elle a entendu les encouragements de la foule à son endroit, Mantha laisse entendre un petit rire. « Je n’aime pas trop l’attention… Mais c’était une fierté ! », lance-t-elle.

« C’est un rêve de petite fille, continue-t-elle. Quand je venais voir mon frère [Anthony Mantha] jouer, jamais je n’aurais pensé qu’un jour j’arbitrerais dans cette ligue-là. C’est plus pour ça que j’essaie de me pincer et de me dire que c’est réel. »

Le statut de pionnière, Elizabeth Mantha le portait déjà avant samedi. Pas plus tard qu’en octobre, elle faisait partie des 10 premières femmes – arbitres et juges de ligne – à se joindre au groupe d’officiels de la Ligue américaine. Depuis, elle a patrouillé dans quatre matchs de ce circuit, le deuxième en importance sur le continent.

« J’étais pas mal moins nerveuse ce soir », affirme-t-elle avant de préciser : « Mais c’est sûr que j’étais quand même un peu nerveuse. »

Mais les choses se sont très bien passées. Et ses collègues, des officiels expérimentés comme Olivier Gouin et Sylvain Losier, lui ont fait sentir qu’elle « était dans la famille ». « Ils m’ont déstressée avant le match », confie-t-elle.

Une inspiration

Elizabeth Mantha a beaucoup fait parler d’elle au cours des derniers mois. Il n’y a même pas une semaine et demie, elle se trouvait à Pékin pour ses premiers Jeux olympiques.

« C’est une affaire après l’autre qui me font dire : “Oh, mon Dieu, je ne m’attendais pas à ça !” C’est sûr que c’est beaucoup d’émotions, de sacrifices, de temps. Je le sens que mon corps est fatigué. En même temps, j’ai un job à temps plein. Je le réalise et je le vis à fond. Ce sont des souvenirs que je vais conserver toute ma vie. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Quand on lui demande ce qui s’est passé dans sa tête quand elle a entendu la foule l’encourager avant de déposer la rondelle au centre de la patinoire, Mantha répond en riant : « Je n’aime pas trop l’attention… Mais c’était une fierté ! »

Sans trop s’en rendre compte, la femme de 31 ans prépare la voie aux prochaines qui rêveraient d’arbitrer dans les plus grandes ligues.

Je sais que ce n’est pas facile d’être la première quelque part, mais je fonce la tête baissée en me disant que ça va être payant pour l’avenir et qu’il y en a d’autres qui vont arriver. À un moment donné, ça va juste être normal. Il n’y aura pas toute cette attention médiatique. C’est ce que je souhaite.

Elizabeth Mantha

« Une petite fille qui habite aux États-Unis m’a dit que j’étais inspirante pour elle, que je la motive à aller à l’école tous les jours. Jamais je n’aurais pensé. […] C’est dans ces moments-là que je réalise l’ampleur [de ce que je vis]. »

Porte ouverte

Richard Trottier s’est entretenu avec La Presse entre la première et la deuxième période. « Elle fait bien ça », dit-il d’entrée de jeu.

Avant que Mantha n’accède à la Ligue américaine, en octobre, Trottier avait prévu aller l’évaluer dans les rangs universitaires. Il n’avait pu le faire l’année précédente en raison de la COVID-19. De sorte que, étonnamment, l’officielle a fait le saut chez les professionnels avant de passer par le junior majeur.

« La Ligue américaine a remplacé le circuit universitaire, où je n’ai pas pu aller la voir travailler, explique-t-il. C’est un excellent niveau. Ça m’a confirmé qu’elle était capable d’arbitrer dans des niveaux supérieurs au junior AAA. »

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Richard Trottier

Selon M. Trottier, l’arrivée de Mantha ouvre la porte à « toutes celles qui veulent grossir les rangs de la Ligue, que ce soit en tant qu’entraîneur, dépisteuse, officielle ».

« Si elles ont les compétences, les qualités pour performer à ce niveau-là, on ne va pas s’opposer, dit-il. On va leur donner une chance, mais il reste que ma responsabilité est de m’assurer que les officiels qu’on a sur la glace sont en mesure de faire le travail pour la sécurité des joueurs. C’est ce qui est le plus important pour la Ligue. Et pour leur propre sécurité aussi. »

« C’est la même chose avec un garçon, ajoute-t-il. Maintenant, ce sera à [Elizabeth] de prouver au fil des matchs et au fil des saisons qu’elle peut s’établir. »

La principale intéressée, de son côté, affirme qu’elle n’a pas senti un plus grand besoin de faire ses preuves auprès de la LHJMQ.

« La Ligue nationale est censée être un leader. C’est ce qu’elle a démontré avec la Ligue américaine. Elle a été la première à embaucher des femmes et je pense que les autres ligues ont juste réalisé que c’est quelque chose de possible et faisable. »