Les victoires arrivent enfin. Le plaisir a succédé aux idées noires. L’instinct et les concepts ont chassé le système. L’arrivée de Martin St-Louis derrière le banc du Canadien a eu un effet bien réel sur le moral de l’équipe. Mais comment cet effet se traduit-il réellement sur le plan statistique ? Le point en sept constats.

Avant-propos

Pour tenter de mesurer l’« effet St-Louis », nous avons comparé ses six premiers matchs comme entraîneur-chef du Canadien (3-3-0) aux 11 derniers de Dominique Ducharme, soit du 12 janvier au 8 février derniers (1-7-3). Nous avons privilégié cette période afin de quantifier le mieux possible le redressement (ou non) de certains indicateurs.

Une défense encore fragile

Aussi bien le dire tout de suite : sous Martin St-Louis, le Canadien s’est amélioré sur à peu près tous les plans. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il l’a fait de manière égale. En défense, par exemple, le nombre de tirs accordés à cinq contre cinq est demeuré au beau fixe, mais on en a réduit la dangerosité. On concède un peu moins de chances de marquer de qualité, et le nombre de buts attendus – ceux qui « devraient » être accordés, selon les probabilités statistiques – a légèrement fléchi. Ce n’est toutefois pas encore reluisant. Avec 11,87 chances accordées et 2,83 buts attendus par tranche de 60 minutes, le Canadien se classe aux 24e et 28e rangs de la LNH, respectivement, depuis le 9 février, selon le site Natural Stat Trick. Exprimé autrement : la défense est encore fragile.

Les gardiens se ressaisissent

Quand les défenseurs sont vulnérables mais que le succès est au rendez-vous, c’est parce que quelqu’un a compensé. Et force est de constater que les gardiens arrêtent plus de rondelles qu’auparavant. Au cours de ses 11 derniers matchs, Ducharme n’a compté sur Jake Allen que pendant 17 minutes. En relève, Samuel Montembeault a d’abord brillé, mais une blessure l’a ensuite ralenti. Et le jeune Cayden Primeau, on le sait, a perdu tous ses repères. Il a ensuite été renvoyé dans la Ligue américaine après seulement un départ sous St-Louis. Andrew Hammond est arrivé en renfort, et Montembeault a retrouvé la forme. La différence est sidérante. Avec un nombre de buts attendus similaire, on a accordé plus d’un but et demi de moins par 60 minutes de jeu. Et le taux d’arrêts à 5 contre 5 a gagné 4,4 points de pourcentage. En tout respect pour le nouvel entraîneur, son équipe reçoit un sacré cadeau de ses hommes masqués.

L’attaque se réveille

L’attaque se porte, elle aussi, bien mieux sous la gouverne de St-Louis. Est-ce le résultat de meilleures lectures de jeu ou d’un travail plus efficace en zones restreintes, deux éléments clés de la nouvelle administration ? À cinq contre cinq, l’amélioration est indiscutable. On tire davantage et on crée plus de chances de marquer de qualité, mais, surtout, on en profite. Seul bémol, et il est anecdotique : un nombre de buts marqués supérieur au nombre de buts attendus témoigne de quelques largesses des gardiens adverses. Mais laissons aux attaquants le crédit qui leur revient.

L’avantage numérique en panne sèche

Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’avantage numérique est tombé en panne sèche depuis le changement d’entraîneur. Alors que l’unité d’attaque massive avait bonne mine dans les derniers milles de Dominique Ducharme (7 en 32, ou 21,9 %, en 11 matchs), elle est anémique depuis son congédiement. Un seul but, le soir même de l’entrée en scène de St-Louis, puis plus rien. Le Tricolore a gaspillé ses 15 occasions depuis. En contrepartie, le désavantage numérique se porte plutôt bien, avec un taux de succès de 83,3 % (15 en 18) depuis 6 matchs.

Les gagnants et les perdants

Il faudrait bien demander à Kale Clague son appréciation du changement derrière le banc. Car en dépit du fait que Ben Chiarot a manqué deux matchs et malgré l’absence à long terme de David Savard, le maladroit défenseur de 23 ans a perdu presque 3 minutes de temps de glace depuis que Martin St-Louis est en poste. Les quatre derniers matchs du club correspondent à ses quatre plus faibles utilisations cette saison. Avec son jeu simple, mais efficace et constant, Corey Schueneman est quant à lui tombé dans l’œil du nouvel entraîneur, qui lui a donné une vingtaine de minutes dans les deux matchs qu’il a disputés avant de contracter la COVID-19. En attaque, c’est Cole Caufield qui profite le plus de la nouvelle ère : 2 min 51 s se sont ajoutées à sa charge de travail. Nick Suzuki (+ 2 min 8 s) en a aussi profité. À l’inverse, Mike Hoffman (- 1 min 1 s), Ryan Poehling (- 1 min 59 s) et Joel Armia (- 2 min 8 s) cherchent encore à charmer leur patron.

Caufield à un rythme insoutenable

Le constat est unanime : Cole Caufield est le joueur du Canadien qui semble le plus transformé par l’arrivée de Martin St-Louis. En témoignent ses cinq buts et huit points en six matchs, deux sommets dans l’équipe. Or, son nombre de tirs par match (2,5) est au beau fixe depuis le début de la saison et son temps de glace, bien qu’en hausse, ne justifie pas à lui seul son explosion offensive. Il faut donc regarder du côté qualitatif. Le jeune homme respire la confiance. Il ne doit pas jouer dans la crainte de commettre des erreurs, a dit son entraîneur. Toutefois, aussi bien se faire à l’idée rapidement : son rythme effréné ralentira. Au cours des 6 derniers matchs, il compte 1 but tous les 3 tirs (5 en 15, ou 33 %), ce qui est une anomalie, tout comme l’était son famélique taux de 1,4 % sous Dominique Ducharme. Aux fins de comparaison, depuis 2005-2006, sur les 443 performances de 30 buts en une saison complète dans la LNH, seulement 15 ont été réalisées avec un taux de réussite supérieur ou égal à 20 %, et aucune supérieure à 23,4 %.

L’effet de la nouveauté

Ce n’est pas un mythe : il est habituel qu’un nouvel entraîneur-chef, après son embauche, profite d’une période de grâce de quelques matchs. Martin St-Louis n’y fait pas exception. Son équipe a remporté trois des six matchs sous sa gouverne, contre un seul des 14 précédents. La Presse s’est intéressée aux 10 dernières équipes à avoir changé d’entraîneur en cours de saison en comparant les six matchs précédant le mouvement de personnel aux six suivants – nous avons volontairement exclu le renvoi de Joel Quenneville, dont le congédiement en Floride n’avait pas de lien avec les performances de l’équipe, mais gardé Paul Maurice, qui a démissionné à Winnipeg. Le verdict ne pourrait être plus clair. Avant le changement de garde, on remarque une fiche compilée de 15-36-9, ou 39 points sur 120 (32,5 %). Après : 35-18-7, ou 77 points sur 120 (64,2 %). On peut présumer que le Canadien, qui amorce à peine sa reconstruction, ne voguera pas éternellement sur l’effet St-Louis. Mais il redonne le sourire, au moins pour un mois, à des joueurs qui en avaient bien besoin.