Il dit faire confiance au « procès » et avoir appris dans les « tranches ». Traduction : le processus et les tranchées. Ou « process » et « trenches », en anglais.

Martin St-Louis est né à Laval. Ses racines sont 100 % québécoises, il a été élevé en français et il n’a jamais renié ses origines. Mais il l’avoue sans détour : la langue dans laquelle il s’exprime avec le plus d’aisance, c’est aujourd’hui l’anglais. Ce n’est pas une décision qu’il a prise et certainement pas une posture politique. Simplement un état de fait qui explique les multiples calques qui ponctuent ses allocutions.

Voilà presque 30 ans qu’il baigne dans un environnement anglophone. Il avait 18 ans lorsqu’il a été admis à l’Université du Vermont, où il a rencontré celle qui est devenue sa femme. Il a amorcé sa carrière dans la LNH à Calgary, puis l’a poursuivie à Tampa et à New York. Depuis sa retraite, il réside au Connecticut.

Toutefois, depuis quelques jours, non seulement l’entraîneur pratique son métier au Québec, mais il doit aussi parler en français sur une tribune publique quotidiennement, parfois plusieurs fois par jour.

Il ne prend pas cette responsabilité à la légère.

« Je sais que c’est l’équipe du peuple, alors je veux informer le peuple du mieux que je peux », dit-il.

« Je veux travailler à m’exprimer de la même manière en français qu’en anglais, parce que je veux que les gens sachent comment je me sens. Je ne veux pas que ça sorte de la mauvaise manière : la perception, c’est la réalité. Je dois choisir mes mots, penser à ce que je veux vraiment dire. »

En anglais, je n’ai pas besoin d’y penser. En français, il faut que j’y pense un peu. Je vais m’améliorer.

Martin St-Louis

Apprentissage

Bien qu’il n’ait jamais complètement arrêté de parler français, son passage à l’anglais s’est fait à une période charnière de sa vie, souligne St-Louis.

« Tu ne t’exprimes pas de la même manière quand tu as 12 ou 13 ans ou comme adulte, fait-il remarquer. Comme adulte, j’ai appris à m’exprimer en anglais. Je sais que les gens comprennent mieux comment je me sens en anglais. »

Ses enfants comprennent le français, dit-il, mais ne peuvent pas vraiment tenir une conversation soutenue. Une récente entrevue de La Presse avec Ryan, l’aîné, s’est d’ailleurs déroulée en anglais.

L’ex-attaquant rappelle que pendant sa carrière de joueur, ses garçons étaient jeunes et c’est leur mère qui passait avec eux les nombreux jours, voire les semaines d’absence du paternel. « Papa n’était pas beaucoup à la maison pendant les années où c’est vraiment important d’apprendre une langue », avoue-t-il. Selon lui, les bases qu’ils possèdent leur permettraient de rapidement se débrouiller s’ils vivaient une immersion.

Sa femme Heather n’a pas appris la langue de René Lecavalier, mais elle la comprend en partie. « Il faut que je fasse attention ! », révèle St-Louis en riant.

Un effort certain

Ses efforts pour faire mieux sont déjà tangibles. En quelques jours, le procès est déjà devenu le processus. Pendant ses points de presse, on le voit humblement se tourner vers les relationnistes du Canadien afin de s’informer sur la traduction ou le bon usage d’un mot.

Plusieurs fois, en entrevue, il a demandé l’aide des représentants de La Presse lorsqu’il butait sur un terme précis. Au milieu d’une réponse, il a même cherché en silence, pendant de longues secondes, comment exprimer sa pensée. Invité à passer à l’anglais, il a poursuivi sa réflexion avant de se résoudre à prononcer sa phrase – la seule de tout l’entretien – dans la langue de Sam Pollock. Son agacement était manifeste.

Abandonner n’a jamais été une option pour lui sur la glace. Apparemment, ce ne l’est pas non plus derrière un micro.

Avec Guillaume Lefrançois, La Presse

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