« Vous allez être agréablement surpris… »

L’homme au bout du téléphone, mercredi soir, connaît le nouvel entraîneur-chef du Canadien, Martin St-Louis, mieux que quiconque. Vincent Lecavalier et St-Louis ont joué ensemble pendant 12 ans à Tampa Bay, parfois sur le même trio.

« Il était toujours plutôt réservé avec les médias, mais dans le vestiaire, sur le banc, sur la glace, c’est un communicateur extraordinaire, confie l’ancien capitaine du Lightning. Martin me disait à l’époque qu’il voulait un jour devenir entraîneur-chef dans la Ligue nationale. Je n’avais pas de misère à le croire. Je lui disais qu’il serait à sa place. »

Lecavalier veut rassurer les fans du Canadien sur le manque d’expérience de son ancien coéquipier. « On a tellement parlé de hockey ensemble. Il a un QI hockey incroyable. En plus, il prône le style de hockey [offensif] que Kent [Hughes] veut instaurer à Montréal. »

Lecavalier était en Floride lorsqu’il a répondu à notre appel. Il se dit surpris par les rumeurs qui font de lui dès ce jeudi le prochain adjoint au directeur général. « Je suis dans mon garage à Tampa en ce moment. Tout le monde n’arrête pas de me texter. Je ne sais pas d’où ça sort. »

Notre homme vit beaucoup d’émotions depuis quelques semaines. L’appel de Hughes, son ancien agent, à la mi-janvier, a replongé Lecavalier dans ses souvenirs. Son ancien agent envisageait d’accepter le poste de directeur général à Montréal. Lecavalier repensait à cette fois où il a accepté l’offre des Flyers de Philadelphie, en juillet 2013, à l’ouverture du marché des joueurs autonomes.

Lecavalier a fortement recommandé à Hughes d’accepter le défi, vous l’aurez deviné.

« Je ne dirais pas des regrets, mais plein de choses te passent par la tête, a confié Lecavalier à La Presse ces derniers jours au téléphone. Des fois, j’y repense et je me dis : “Quelle occasion j’ai ratée lorsque je suis devenu joueur autonome…” »

Quatre ans plus tôt, le directeur général de l’époque, Bob Gainey, croyait avoir conclu une transaction pour obtenir les services du capitaine du Lightning. L’échange a avorté au dernier instant. Une foule de noms ont été avancés, mais une offre regroupant Chris Higgins, Tomas Plekanec, Josh Gorges et l’un des deux espoirs en défense, P.K. Subban ou Ryan McDonagh, semble le scénario le plus plausible.

Je voulais vraiment aller à Montréal quand il y a eu les rumeurs en 2009.

Vincent Lecavalier

En 2013, le Lightning et son directeur général Steve Yzerman ont racheté le contrat de Lecavalier, d’une valeur de 85 millions lors de sa signature en 2009. Joueur autonome, tout semblait se jouer entre Montréal et Dallas.

« Montréal a été dans l’équation jusqu’à la fin, raconte-t-il. Philadelphie n’était même pas sur ma liste. J’ai accepté de les rencontrer juste pour les écouter. L’entraîneur-chef Peter Laviolette m’a fait changer d’idée. Ce n’est pas pour dénigrer les autres entraîneurs, à Dallas ou à Montréal, mais ç’a été un coup de foudre professionnel. Je suis sorti de ce meeting, j’ai dit : wow ! Je n’aurais jamais pensé aller à Philadelphie. Les choses ont basculé. »

Le coup de foudre n’a pas duré longtemps. Les Flyers ont connu un mauvais départ et Laviolette a été congédié après… trois matchs. Son successeur, Craig Berube, n’avait pas la même admiration pour Lecavalier, qui s’est vite retrouvé dans un rôle secondaire, avant d’être échangé à Los Angeles deux ans plus tard pour y terminer sa carrière.

Au moment de sa retraite, en 2016, Lecavalier était à 51 petits points de la marque des 1000, en 1212 matchs, au 106e rang de l’histoire, à quelques points d’Henrik Zetterberg, Shane Doan, Rick Tocchet et… Maurice Richard.

Honnête

Lecavalier a eu ce même coup de foudre professionnel pour Kent Hughes en 1999, à l’époque où il cherchait à changer d’agence, en début de carrière.

« J’avais 19, 20 ans. Je cherchais une grosse agence. Je me suis quand même dit que j’irais rencontrer Kent, un gars de Montréal. Mon frère [Philippe] patinait avec son frère Ryan. Les familles se connaissaient, même si je ne connaissais pas Kent. Après le meeting, j’ai ressenti la même chose que lors de ma rencontre avec Laviolette. »

Comment Hughes s’y est-il pris pour séduire son client potentiel ? « Il était juste honnête. Quand tu rencontres quelqu’un, il y a comme une chimie. C’était une bonne personne, il avait l’air loyal. J’avais un bon feeling même s’il n’avait pas une tonne de joueurs. »

Lecavalier cherchait d’abord un négociateur de contrats.

« Même après avoir signé mon contrat, je lui ai dit : “Je t’aime beaucoup, Kent, mais je ne cherche pas une relation où je vais parler à mon agent toutes les semaines.” Les choses ont changé et on est devenus de super bons amis ! On s’appelait souvent, au minimum une fois par semaine, et quand j’avais besoin de conseils sur le hockey, je l’appelais. Quand ma confiance était à plat, c’est lui que j’appelais, avec mon frère et mon père aussi. »

Sa plus grande force comme agent ? « Il était toujours très créatif quand il négociait. C’est facile de dire trois ans, 2 millions par année. Il cherchait toujours d’autres manières de rendre les deux parties heureuses. Et il ne cherchait pas à piéger les équipes. C’était vraiment pour que tout le monde soit content. »

Lecavalier est convaincu que Hughes deviendra un excellent DG. « C’est un passionné de hockey. Il sait que ça prend de bons leaders, et il va vouloir bâtir cette équipe-là avec les bonnes personnes. Il connaît son hockey. Il s’entoure de bonnes personnes. »

Lecavalier dit suivre les activités du Canadien de près.

« J’ai regardé pas mal le Canadien ces deux derniers mois. Surtout depuis que Kent a été nommé. Ils ont de bons morceaux : Nick Suzuki, Cole Caufield, Alexander Romanov. J’aime [Josh] Anderson aussi. Je comprends leur situation. Je suis déjà passé par là. J’ai déjà gagné, et deux ans plus tard, 30e au classement. Tu as vu l’effort quand Kent a pris l’équipe. Mais ils ne jouent pas en confiance. Ça fait tellement la différence entre gagner et perdre. »

En attendant, Lecavalier assume son rôle de père à temps plein. Il joue au golf le matin et prend soin de ses deux filles de 11 et 8 ans et de son garçon de 10 ans à leur retour de l’école.

« C’est la même chose les cinq dernières années. Mes deux filles font de la compétition au golf et je coache l’équipe de mon garçon au hockey. J’étais à Buffalo avec lui dernièrement. On voyage au moins une fois par mois. Je suis libre entre 8 h et 14 h et je suis avec les enfants à partir de 14 h 30 ! »