« Qu’est-ce qu’ils ont à perdre à m’essayer ? ». La boutade de Patrick Roy, lancée à l’aube de la ronde d’interviews pour le poste de directeur général, fin novembre, a beaucoup fait réagir.

À première vue, la décision d’embaucher un entraîneur sans expérience au niveau professionnel, Martin St-Louis, pour succéder à Dominique Ducharme, aurait pu donner cette impression.

C’est pourtant mal connaître Gorton et Hughes, deux hommes de hockey extrêmement cartésiens.

La première conférence de presse de Martin St-Louis à titre de nouvel entraîneur du Canadien a d’ailleurs jeté de nombreux sceptiques au plancher tellement le nouveau coach du CH a parlé avec aplomb, franchise, cœur et intelligence.

À un certain moment, Gorton a mentionné avoir eu la chair de poule lors du premier discours de St-Louis à ses joueurs dans le vestiaire avant la conférence de presse. Personne dans la salle n’a eu de misère à le croire.

Même s’il est difficile de rester de glace devant une telle démonstration de confiance et de convictions de la part de Martin St-Louis, il faut aussi garder une certaine rationalité et attendre avant de tirer des conclusions, dans un sens comme dans l’autre.

Martin St-Louis a été un joueur extraordinaire, mais il n’a pas de fiche à titre d’entraîneur sur laquelle nous pouvons nous appuyer. On ne sait pas non plus s’il a le tempérament pour diriger des joueurs de la LNH. Sera-t-il patient avec des joueurs qui ne possèdent pas le talent qu’il avait ?

Certains comparent sa situation avec celle de Rod Brind’Amour en Caroline. Mais Brind’Amour, s’il n’avait pas d’expérience à titre d’entraîneur en chef, avait été adjoint chez les Hurricanes pendant sept ans avant d’obtenir une promotion.

Plusieurs ont fait le parallèle avec Mario Tremblay, nommé coach du Canadien en 1995 sans la moindre expérience. Il n’avait même pas dirigé des U14 ou encore agit à titre de consultant d’une équipe de la LNH pour relancer le jeu d’un club en supériorité numérique, comme St-Louis l’a fait à Columbus il y a quelques années. Encore là, St-Louis et Tremblay ont deux personnalités, deux visions et deux bagages différents, et ils n’ont pas vécu à la même époque. Aucune comparaison n’est possible.

Dans la NBA, les Nets de Brooklyn ont embauché en 2020 l’ancienne gloire Steve Nash pour les diriger. Nash n’avait pas la moindre expérience, mais il connait beaucoup de succès depuis son arrivée. Mais encore une fois, pouvons-nous comparer les deux situations, qui comportent deux hommes et deux sports bien distincts ?

En plus du jugement généralement sûr de Gorton et Hughes et des propos éclairés et éclairants de Martin St-Louis lors de son baptême médiatique comme coach, les déclarations de l’ancien coach de St-Louis à Tampa, John Tortorella, peuvent nous donner un indice favorable. Malgré son tempérament exécrable, Tortorella est un entraîneur hors pair et il n’a pas l’habitude d’enrober ses déclarations de miel.

« Le mariage est parfait, avec la situation de l’équipe et celle de Marty, a confié Tortorella à Athlétique mercredi soir. Il débute sa carrière d’entraîneur et ils seront en reconstruction là-bas. Ses connaissances de hockey sont vraiment impressionnantes. Il va adorer ça. Ils vont l’adorer. Et ils vont réussir. »

En fin de saison 2019, Tortorella a embauché St-Louis pour relancer l’avantage numérique des Blue Jackets. L’équipe avait un taux de succès de 14,6 % (28es dans la LNH) lors de son embauche, le 21 janvier. Ils ont grimpé au 23e rang dans les 34 derniers matchs avec un taux de 16,9 %. En séries, les Blue Jackets ont marqué cinq fois en dix occasions en pareilles circonstances lors de la première ronde et éliminé en quatre matchs consécutifs le Lightning, pourtant largement favori.

« Il voulait être entraîneur, rappelle Tortorella. Il se préparait. Il observait les tendances de la ligue. Il est solide au plan stratégique. Maintenant il doit savoir lire son club. Combien d’information peux-tu leur donner pour qu’ils puissent encore jouer librement ? Ça sera son plus grand atout. Les détails sont importants pour un coach, mais le flair l’est davantage. Il va comprendre l’état d’esprit de ses joueurs. Ont-ils besoin d’être poussés ? De repos ? Est-ce qu’ils ont besoin qu’il aille dans les tranchées avec eux ? Ce flair-là va bien lui servir. »

Tortorella vante aussi les qualités de pédagogue de son ancien joueur. « C’est une ligue tellement jeune qu’il faut enseigner. Aussi inexpérimenté soit-il, il y aura des questions, mais il est prêt pour ce poste-là. » À écouter Martin St-Louis jeudi matin, on comprend beaucoup mieux l’enthousiasme de Tortorella.

Sean Farrell explose !

Le Canadien compte un espoir aux Jeux olympiques, l’attaquant Sean Farrell, un choix de fin de quatrième ronde en 2020. Farrell, un ailier de 5 pieds 9 pouces, n’a pas raté sa rentrée à Pékin avec trois buts et deux aides dans une victoire américaine contre la Chine. Il faut prendre ce match avec un grain de sel puisque les Chinois sont au hockey ce que le Canada est au cricket, mais il donne néanmoins un aperçu de l’arsenal du jeune homme. Farrell a produit partout où il est passé : 101 points en 53 matchs l’an dernier dans l’USHL, où il a été nommé le joueur par excellence, puis 19 points en 17 matchs cet hiver à Harvard, à sa première saison dans la NCAA. Un entraîneur au gabarit semblable vient d’être nommé à Montréal. Ça ne saurait être une mauvaise nouvelle pour le jeune homme…

À ne pas manquer !

1- Relisez la couverture en direct de cette conférence de presse de Martin St-Louis !

2- Jeff Gorton et Kent Hughes jouent gros, écrit Philippe Cantin.

3- Guillaume Lefrançois a parlé à ceux qui connaissent Martin St-Louis.