Quand une organisation comme le Canadien embauche une figure aussi connue que Martin St-Louis au poste d’entraîneur-chef, il tombe sous le sens que c’est le membre du Temple de la renommée qui reçoit l’essentiel de l’attention, et non celui qu’il remplace derrière le banc.

Jeff Gorton et Kent Hughes, respectivement vice-président aux opérations hockey et directeur général du CH, ont néanmoins justifié leur décision de congédier Dominique Ducharme.

« Quand je suis arrivé ici, mon intention était de finir la saison avec Dom », assure Gorton. Or, depuis l’entrée en poste de ce dernier, le 28 novembre 2021, l’équipe est, de loin, la pire de la LNH. À peine deux victoires en 22 rencontres ; au dernier rang en attaque et en défense.

Les plus récentes défaites ont été particulièrement douloureuses, surtout celle de mardi dernier contre les Devils du New Jersey, qui a sonné le glas pour Ducharme.

Ses patrons avaient vu la même chose que les partisans : une formation désengagée.

« Je voyais les choses évoluer, la manière de jouer [du club], et je sentais que ça se détériorait », a poursuivi Gorton. Le niveau d’effort et d’énergie avait « plongé ».

Il était devenu « évident que l’équipe avait besoin d’une étincelle » en vue des 37 matchs restants du calendrier.

La direction avait déjà décidé depuis un moment, apparemment, que Ducharme ne serait pas de retour la saison prochaine. Des discussions avec Martin St-Louis ont donc été amorcées au cours des deux dernières semaines, et une entente a été conclue avec lui au retour de la pause du match des Étoiles.

On assure avoir voulu donner « un peu de temps » à Ducharme pour remettre l’équipe sur les rails, vu, notamment, le retour attendu de quelques joueurs blessés. Mardi, après la déconfiture de 7-1 aux mains des Devils, « on a senti que c’était le temps ».

« L’équipe avait besoin de changement et on devait avancer », a encore dit Gorton. Car, rappelle-t-il, « il ne reste pas juste cinq matchs à disputer ». Il reste encore « un gros morceau de la saison », des mois qui seront le prétexte de « beaucoup d’enseignements et de développement ».

Pas d’aide

Il est de bon ton de rappeler que Dominique Ducharme, sans égard aux résultats, a été forcé de travailler avec les maigres ressources à sa disposition. C’est-à-dire une formation souvent décimée par les blessures ou la COVID-19, une défense désorganisée, des gardiens inexpérimentés et une attaque inefficace.

Du 28 décembre au 1er janvier, on a persisté à jouer même si de nouveaux cas de COVID se déclaraient chaque jour. On déployait une équipe composée principalement de joueurs de la Ligue américaine pour affronter les meilleures équipes de l’Association de l’Est. Contre les Panthers de la Floride, au jour de l’An, on n’a même pas pu réunir une formation complète tant l’état de santé des troupes était critique.

Depuis la mi-janvier, moment où Jake Allen s’est blessé, les gardiens Cayden Primeau et Samuel Montembeault se font malmener soir après soir. On n’a pas cherché à leur trouver du renfort. Kent Hughes, dans une récente entrevue à La Presse, a notamment justifié cette décision par le nombre de contrats élevé que possède déjà le Canadien — 48 sur une possibilité de 50 — et l’incertitude sur un possible retour de Carey Price cette saison.

En réalité, depuis son entrée en poste, Jeff Gorton a posé un seul geste qui a eu un impact sur le personnel sur la glace. Il a réclamé le défenseur Kale Clague au ballottage.

Interrogé à savoir s’il aurait pu aider davantage son entraîneur, Gorton a acquiescé. « Oui, bien sûr, on aurait pu le faire », a-t-il affirmé.

Or, même au moment de son arrivée, et encore davantage lorsque Hughes a été embauché, « la saison était déjà mal en point ». On a donc priorisé l’évaluation des joueurs en place plutôt que l’amélioration de l’équipe sur la glace.

Car, a insisté Kent Hughes, la direction ne planifie pas « de match en match », mais en fonction d’« objectifs à long terme ».

« Il y aura des changements », a-t-il promis, et le remplacement de Ducharme par St-Louis « est le premier de plusieurs » autres à venir.

« Délicat »

Martin St-Louis se retrouve par ailleurs dans une situation inusitée, alors qu’il remplace un ami de longue date en Dominique Ducharme.

Les deux ont joué ensemble pendant deux saisons à l’Université du Vermont. C’est même Ducharme qui a fait visiter le campus à son coéquipier, de deux ans son cadet, à son arrivée là-bas.

Sans surprise, le nouveau venu a parlé de circonstances « délicates », jeudi.

« C’est difficile pour moi, à mon premier emploi dans la LNH, de prendre la job d’un de mes chums, a-t-il convenu. Je sais qu’à un moment donné, on va s’en reparler, lui et moi. Je sais aussi que Dom est une bonne tête de hockey et un bon homme. Il va rebondir et faire de bonnes choses dans le hockey. »

St-Louis, en outre, travaillera à court terme avec les adjoints qui étaient déjà en poste pendant le règne de Ducharme – et même celui de Claude Julien, dans le cas de Luke Richardson.

Ce dernier a déjà été le coéquipier de St-Louis à Tampa Bay, et le Québécois a déjà affronté Alex Burrows et Trevor Letowski.

« Je ne les connais pas comme entraîneurs, a-t-il avoué. Je veux les observer, connaître leur philosophie. Je ne veux pas de quelqu’un qui me dise toujours oui, je veux quelqu’un qui va me challenger, avec qui avoir des discussions. Je n’arrive pas comme un dictateur. Je veux apprendre des autres. J’ai hâte de travailler avec eux. »

En bref

Une pensée pour ses parents

Le moment le plus émotif du point de presse de Martin St-Louis est survenu lorsqu’un journaliste lui a parlé de ses parents. L’ex-joueur a d’abord dit être certain que sa mère, morte il y a quelques années, « sourit en me regardant ». Il s’est ensuite enflammé en parlant de l’amour de son père pour le Tricolore. Natif d’une famille modeste de Mont-Laurier et 10e enfant d’une fratrie en comptant 14, Normand St-Louis ne pouvait regarder les matchs à la maison, faute de télévision. Avec sa famille, il se rendait donc à la boutique d’électronique du coin et regardait la fin des rencontres de l’extérieur, en hiver évidemment, sur les télés allumées derrière la vitrine du magasin. « Mon père est un énorme partisan du Canadien, a assuré St-Louis. Alors de voir son fils derrière le banc, il est très fier. Je sais que c’est spécial pour lui. Croyez-moi, il en fera partie aussi ! »

Caufield « va continuer à grandir »

PHOTO DAVID BOILY ARCHIVES, LA PRESSE

Cole Caufield

À la seconde où l’embauche de Martin St-Louis a été officialisée, mercredi, les comparaisons avec Cole Caufield ont commencé à fuser sur les réseaux sociaux. Même si les deux n’ont pas le même parcours du tout — l’un n’a jamais été repêché et l’autre a été un choix de premier tour —, un flair offensif certain et un gabarit menu définissent évidemment les deux athlètes. L’entraîneur a d’emblée prévenu qu’il attendrait de passer du temps avec l’équipe avant d’élaborer un plan pour l’attaquant qui connaît une déroute complète sur le plan offensif : un seul but en 30 matchs cette saison. « C’est un jeune qui a eu beaucoup de succès toute sa vie jusqu’à cette année, a noté St-Louis. C’est difficile, rencontrer des obstacles. Mais pour moi, les obstacles, c’est la première étape pour grandir comme joueur. J’ai confiance que Cole va continuer à grandir. Je vais essayer de l’aider. Ce qu’il traverse, je l’ai traversé moi aussi. »

Peut-être des échanges

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Martin St-Louis et Kent Hughes

Plus d’une fois, au cours du point de presse, Kent Hughes a prévenu que l’objectif qu’il poursuivait était de bâtir une équipe gagnante, mais pas forcément à court terme. Vu la position du Canadien au classement général, le premier choix de l’équipe au repêchage de 2022 sera, on s’en doute, avantageux, mais le repêchage n’est pas l’unique avenue envisagée pour la relance du club, a assuré Hughes. Il a rappelé que, sous le règne de Jeff Gorton comme DG des Rangers de New York, le repêchage avait évidemment permis de sélectionner des joueurs de talent comme Alexis Lafrenière, Kappo Kakko ou K’André Miller, mais que des « transactions de hockey » avaient aussi été possibles, notamment celles ayant amené Ryan Strome et Mika Zibanejad à Manhattan. On se garde donc l’option de reproduire le même modèle à Montréal. « Si on trouve des échanges qui peuvent aider l’équipe, on va les faire, a dit Hughes. On ne transigera pas seulement pour des choix. On va tout évaluer. »