On ne pourra pas dire que Martin St-Louis ne nous avait pas prévenus.

En matinée, avant cette autre défaite du CH et sa première à lui, le nouveau pilote montréalais avait averti Montréal, le Québec et une partie du Canada que « ça va prendre un peu de temps ». Autrement dit, que les fans du CH allaient devoir être patients, parce que le monsieur avec les gants blancs qui se promène avec la coupe Stanley n’est pas exactement aux portes du Centre Bell.

Une autre preuve, comme si c’était nécessaire : cette défaite, celle-là par la marque de 5-2, face à des Capitals de Washington qui étaient sans leur meilleur marqueur, Alex Ovechkin, et aussi sans T. J O’Shie.

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Alors oui, ça va prendre du temps, parce que ce club-là est le même que Dominique Ducharme avait sous la main. On évoquera à l’occasion que dans l’histoire du sport professionnel, il est arrivé, déjà, qu’un changement d’entraîneur produise des résultats renversants, et c’est avec un immense plaisir qu’on peut ramener ici l’exemple des Blues de 2019. Mais ces transformations ont l’habitude de se faire avec des équipes qui ont beaucoup de talent à la base.

Le Canadien n’est pas l’une de ces équipes.

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Martin St-Louis dirigeait jeudi son premier match derrière le banc du Canadien.

« J’adore gagner, mais je suis un gars qui est tout le temps en réflexion, a expliqué Martin St-Louis en fin de soirée. En tant que joueur, même si je marquais, ça ne voulait pas dire que j’avais bien joué. C’est la même chose ; on n’a pas gagné, mais on a très bien joué. Si tu te concentres juste sur les victoires, ça peut être très difficile sur le moral des joueurs. J’ai été impressionné par l’éthique de travail de nos gars, par leur vitesse. On n’a pas donné beaucoup d’espace à Washington lors des deux dernières périodes. »

Ce thème de l’éthique de travail est revenu souvent jeudi en fin de soirée, tout comme le thème, autrement plus crucial, de l’engagement. C’est probablement le bout le plus important pour St-Louis : ces joueurs-là, pour la plupart complètement désintéressés lors des trois derniers matchs de Dominique Ducharme, ont enfin démontré de l’énergie et de l’ardeur au boulot. Au minimum, il s’agit d’un pas dans la bonne direction.

« On a pu voir du début à la fin que chaque gars était engagé, que tout le monde était concentré et fin prêt, a noté Josh Anderson. Si on regarde un peu les chances de marquer, et aussi le nombre de tirs au but, tout ça a été à notre avantage. J’ai aimé notre degré de compétition, et il faut continuer à bâtir là-dessus. »

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Josh Anderson et Dmitry Orlov

Parmi ceux qui peuvent bâtir sur quelque chose : Cole Caufield, qui a peut-être disputé son meilleur match de l’année, et qui a eu l’air du Caufield du printemps dernier—il a marqué son deuxième de la saison, et il s’en est vu refuser un autre. S’il peut retrouver sa touche magique, les matchs du Canadien d’ici à avril vont être pas mal plus excitants.

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Cole Caufield

Maintenant, le nouveau pilote devra se poser des questions sur Cayden Primeau, qui aurait intérêt à prendre la direction de Laval au plus vite. Le pauvre jeune homme, après avoir accordé 4 buts en 14 tirs, a dû laisser sa place à Samuel Montembeault, ayant été sorti d’un match pour une cinquième fois en neuf départs cette saison.

De mémoire, c’est Gustave Flaubert, vers la fin de sa vie, qui avait écrit qu’un coach est aussi bon que le gardien qu’il envoie devant le filet. C’est exactement ce à quoi on a pu penser jeudi soir au Centre Bell, en voyant Martin St-Louis réviser ses notes derrière le banc, puis en voyant ce pauvre Primeau placé dans une situation qui lui est de plus en plus intenable.

Avec un avantage de 34-12 au tableau des tirs lors des deux dernières périodes, le Canadien aurait pu gagner ce match avec une performance respectable devant le filet.

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Ilya Samsonov a été bombardé par le Canadien jeudi soir.

« Je n’en suis pas déjà à prendre des décisions, a ajouté St-Louis. C’est sûr que je me sens mal pour le jeune, sa confiance est affectée présentement. Mais je dis toujours que la journée la plus importante, c’est demain, et c’est ça qu’on va faire. Cayden va continuer à travailler sur son jeu. Avec le temps, il va prendre confiance, et on va l’aider de plus en plus en jouant de la bonne manière devant lui. »

De la bonne manière, donc. Celle-là aussi, on l’a entendue souvent jeudi soir. Jeff Petry, qui de toute évidence ne va pas inviter Dominique Ducharme à un party de piscine cet été, a longuement expliqué que sous St-Louis, les joueurs du Canadien, enfin, allaient avoir la liberté de contrôler le jeu, de garder la possession de la rondelle, de relancer l’attaque, et que tout ça, en retour, allait pousser le club à jouer avec une confiance renouvelée.

En premier, c’est ce que Martin St-Louis vient apporter à ce club : de l’espoir. Dans les circonstances, ce n’est quand même pas rien.

En hausse Cole Caufield

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Cole Caufield

Un but, mais surtout, Caufield a trouvé le moyen de se placer en position de marquer très souvent. Dans son cas, ça doit continuer.

En baisse : Jeff Petry

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Jeff Petry

Du jeu mou et peu inspiré, encore une fois (fiche de -3), et seulement 18 minutes et 16 secondes de temps de jeu, son plus bas total de la saison.

Le chiffre

44

Le nombre de tirs du Canadien, le plus haut total de tirs du club dans un match cette saison.

Dans le détail

Le tour de magie de Jeff Petry

Ça n’avait aucune espèce de rapport avec le congédiement imminent de Dominique Ducharme, mais l’entraîneur des défenseurs du CH, Luke Richardson, avait longuement discuté avec les membres des médias, mercredi matin, après l’entraînement des siens. Il a notamment expliqué que les exercices du jour avaient porté sur l’engagement en zone défensive et sur l’importance de « tuer des jeux plus rapidement et ne pas gaspiller d’énergie ». « Je pense que les gars ont bien saisi le message », avait ajouté Richardson. C’était, rappelons-le, avant que son patron ne perde son emploi. Avance-rapide à jeudi soir. Après la rencontre, Jeff Petry s’est enthousiasmé du fait que ses coéquipiers et lui avaient été « solides » dans leur zone, qu’ils avaient « tué des jeux plus rapidement » et qu’ils n’avaient pas gaspillé indûment leur énergie. Du même souffle, Petry a salué la plus grande « clarté » en zone défensive, qu’il a de toute évidence attribuée aux indications fournies par Martin St-Louis — en opposition à celles de Ducharme, déduit-on. C’est tout de même assez extraordinaire ce que le discours d’avant-match d’un entraîneur-chef qui n’a toujours pas supervisé d’entraînement avec sa nouvelle équipe peut apporter comme changements structurels en défense. On croirait presque à un tour de magie. Dans tous les cas, le vétéran numéro 26 a conservé ses bonnes habitudes : il a terminé la soirée avec un différentiel de -3 et raté sa couverture sur le quatrième but des Capitals.

Caufield se dégêne

Le principal concerné n’est pas allé jusqu’à invoquer un « effet Martin St-Louis », mais il faut avouer que de voir Cole Caufield briser une léthargie de 17 matchs sans but, le soir même où son idole de jeunesse s’amène derrière le banc, avait quelque chose de poétique. Le sourire de l’attaquant en disait long sur le soulagement qu’il a éprouvé, d’autant plus qu’il venait de réaliser une manœuvre réservée aux plus fins manieurs de bâton. De fait, Caufield a disputé un fort match dans l’ensemble, à forces égales comme en avantage numérique. « Je sens la confiance revenir », a dit celui qui portait le numéro 26 au hockey mineur en l’honneur de St-Louis. « Peu importe le pointage ou le type de saison qu’on a, je veux jouer de la bonne manière. D’autres buts vont venir. » Le jeune homme est certainement l’un de ceux qui pourraient le plus profiter de la créativité offensive qu’attend le nouvel entraîneur de ses hommes. Le but de Caufield a par ailleurs été inscrit en avantage numérique, une première pour lui cette saison. Avant la rencontre, il faisait partie du petit groupe de 11 attaquants qui, malgré 75 minutes ou plus de jeu à 5 contre 4, n’avaient toujours pas marqué en pareilles circonstances.

Josh Anderson et l’imputabilité

Le congédiement de Dominique Ducharme a beau être encore frais, c’était presque rendu une vieille nouvelle, jeudi soir, après le baptême de Martin St-Louis comme entraîneur-chef dans la LNH. Josh Anderson a néanmoins abordé succinctement le sujet, rappelant la « situation difficile » que traversait son équipe. « Tout le monde est responsable de ce qui est arrivé, pas juste Dom, a-t-il dit. Il revient aux joueurs de performer sur la glace. Nous devons tout faire pour recommencer à gagner des matchs. » Interrogé sur le réveil subit de son club après plusieurs rencontres sans passion, il a avoué n’être « pas sûr » de l’explication à donner, mais il a insisté sur le fait qu’après le coup de tonnerre de la veille et la contre-performance de mardi (défaite de 7-1), « il fallait être prêt ». « On a encore 36 matchs à jouer, on ne peut pas abandonner. Nous évoluons dans un marché d’exception, nous devons travailler chaque jour et être compétitifs. » Il ne reste plus qu’à mettre ce plan à exécution.

Ils ont dit

À Columbus [en 2019], Martin est venu nous aider à travailler en avantage numérique. Il nous a souligné des éléments à corriger, comme notre positionnement sur la glace. Tu pouvais voir tout le savoir qu’il avait. Il est au Temple de la renommée, il a joué longtemps, il a gagné la Coupe Stanley. Il est le gens de gars que tu écoutes quand il parle.

Josh Anderson

Toute l’année a été difficile, je vois ça comme un nouveau départ. On doit construire sur le match de ce soir. Rien n’est parfait, mais je vais essayer de revenir au joueur que j’étais. C’est dur de retrouver ta confiance quand tu passes le match à courir après la rondelle dans ta zone.

Jeff Petry

Quand j’étais jeune, je portais le numéro 26 à cause de Martin St-Louis. Je suis vraiment emballé. Chaque fois qu’il parle, je veux écouter et absorber ce qu’il dit. Il a beaucoup à m’apprendre.

Cole Caufield

Quand je jouais dans la LNH, aux alentours de 2004, il y avait juste deux entraîneurs derrière le banc. Là, il y a du monde en maudit ! On a des masques, c’est dur de se parler, je ne connais pas encore les surnoms de tous les joueurs ou leurs numéros… Une chance que j’avais des assistants !

Martin St-Louis

[Nick Suzuki] est très intelligent, ses habiletés sont très précises. Il utilise bien ses coéquipiers. Je pense que sa plus grande qualité est sa rapidité de réaction, sa manière de dénouer des impasses en un instant. Défensivement, il sent le danger et l’éteint rapidement. J’ai été très impressionné par son match.

Martin St-Louis