« En Suède, on a deux rois. Il y en a un qui vit ici, dans le château. L’autre, il joue avec les Rangers de New York. »

Martin Biron ne manque pas d’anecdotes au sujet du nouvel immortel des Rangers, qu’il a secondé pendant trois saisons. Il y a celle de 2012, quand les Rangers ont commencé leur saison avec un match à Stockholm, en Suède. Avant la rencontre, le natif de Lac-Saint-Charles et quelques coéquipiers ont décidé de faire un tour de la ville. Leur guide, ignorant qu’il avait devant lui des joueurs des Rangers, a laissé entendre la phrase qui coiffe cet article.

PHOTO FOURNIE PAR MARTIN BIRON

Henrik Lundqvist et Martin Biron lors de la Classique hivernale de 2012

C’est au lendemain de la cérémonie du retrait du chandail du numéro 30 que Biron a pris l’appel de La Presse. « C’était fantastique », nous dit-il au sujet de la soirée qu’il a vécue au Madison Square Garden.

Lisez notre article sur le retrait du chandail d’Henrik Lundqvist

« On riait parce qu’on disait : “C’est quasiment un autre mariage”, raconte-t-il. Les gens, quand ils se marient, disent toujours qu’ils n’ont pas le temps de parler à quiconque. […] Henrik nous a dit : “Ça fait quatre jours que c’est comme ça ! Ça n’arrête pas !” »

« Henrik, c’est le gars le plus sympathique et le plus généreux, ajoute-t-il. Il a pris le temps d’arrêter pour parler avec tout le monde au moins 5 ou 10 minutes. »

PHOTO FRANK GUNN, LA PRESSE CANADIENNE

Martin Biron, en octobre 2010, alors gardien des Rangers de New York

L’organisation des Rangers n’a pas manqué son coup avec une émouvante cérémonie pour l’un des meilleurs joueurs de son histoire. Biron, bien installé dans une loge, a profité du spectacle.

Aussitôt qu’ils ont annoncé Lundqvist pour qu’il vienne sur la patinoire, tu voyais les gens… Ils ont montré une fille sur l’écran géant, elle pleurait. On aurait dit qu’elle était en présence des Beatles dans le temps ! C’est ça, l’effet qu’il a sur les gens à New York.

Martin Biron, ancien coéquipier d’Henrik Lundqvist

Retour dans le temps

Martin Biron s’est joint aux Rangers à l’été 2010. Âgé de 33 ans à l’époque, il en était à sa 11e campagne dans la Ligue nationale. Son rôle était clair : seconder Lundqvist.

Dès sa première saison chez les Bleus, Biron et son nouveau coéquipier se sont bien entendus, même s’il y avait « une petite compétition au début », admet-il. C’est l’année suivante, en 2011-2012, que leur relation d’amitié « a vraiment monté d’un cran ».

« La personne qui s’asseyait à côté de lui dans l’avion, Marc Staal, n’a pas commencé l’année parce qu’il était blessé. Il y avait un siège disponible. Au premier vol, j’ai dit : “Henrik, veux-tu que je m’assoie là ?” »

« On a commencé à jaser, à regarder des films, des émissions de télé, à parler de la vie, de la Ligue, des joueurs et des équipes, de ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. »

Biron a pris sa retraite en octobre 2013, après une grande carrière de 16 ans, dont 3 avec les Rangers. Il ne garde que de bons souvenirs de Lundqvist… et de son intensité.

« Mon plus grand apport à Henrik, c’est probablement hors glace, lance-t-il. Après un vol d’une heure et demie, on débarquait de l’avion, et il avait encore de la fumée qui lui sortait des oreilles [en raison] du match qu’il venait de jouer. »

« Moi, je suis un gars assez décontracté. Si on gagne, OK, si on perd, on a un match demain, peu importe. Lui, c’était complètement le contraire. C’était un peu mon job de l’amener à ne pas avoir ces swings d’émotions. C’est là que j’ai dit : “On va regarder des films, la télé, essayer de débrancher un peu.” »

Biron garde aussi en mémoire ce matin de la Classique hivernale de 2012. Il déjeunait à l’hôtel avec sa famille quand la femme de Lundqvist, Therese Andersson, est venue le voir.

« Comment il va, Henrik, ce matin ? lui a-t-elle demandé.

— Il est correct. Pourquoi ? a répondu Biron.

— Je lui ai envoyé un texto. J’ai écrit : “Bon matin, j’espère que tout va bien. Bonne chance aujourd’hui, on t’aime beaucoup, on est très fiers de toi et tout va bien aller.” Il a répondu : “OK.” »

L’homme de 44 ans éclate de rire en racontant cette anecdote. « [Henrik] était tellement dans sa bulle que, même quand sa femme lui envoyait un texto d’encouragement, il restait dans sa bulle ! »

Intense, disait-on. Et ce n’est pas tout. « Le roi Henrik » était aussi un coéquipier particulièrement généreux.

« Chaque fois qu’il avait un jeu blanc, il allait acheter quatre bouteilles de vin. Dans l’avion, le voyage d’après, il faisait une loterie et donnait les quatre bouteilles. Il pigeait au hasard, mais c’était une récompense pour l’avoir aidé à avoir un jeu blanc. Il en a eu 64 dans la Ligue nationale. Ça lui a couté cher de vin, mais les gars aimaient ça ! »

Ultimement, tout ce que Lundqvist n’aura pas réussi à avoir, c’est une bague de la Coupe Stanley. Néanmoins, selon Biron, il ne fait aucun doute que son ami sera intronisé au Temple de la renommée dès sa première année d’admissibilité.

PHOTO FOURNIE PAR MARTIN BIRON

Kevin Weekes, Henrik Lundqvist et Martin Biron

« [L’ex-joueur] Kevin Weekes l’a dit dans son speech : le prochain voyage de Lundqvist dans le monde du hockey, c’est à Toronto, au Temple de la renommée. Il était tellement dominant. C’est sûr qu’une Coupe Stanley, ç’aurait été du bonbon pour lui. Ç’aurait été une réalisation incroyable. Mais il a gagné les Olympiques. »

Et le cœur des partisans de New York. Et ça, on s’imagine bien que ça n’a pas de prix.