Dans le monde du sport professionnel, le mot « surprise » est employé trop souvent, pour tout et pour rien, mais en ce qui concerne le Canadien de 2021, il s’agit probablement du seul mot qui vaille.

Pendant que le Canadien attend de connaître l’identité de ses adversaires du troisième tour – ce sera l’Avalanche du Colorado ou bien les Golden Knights de Vegas, qui n’ont pas fini d’en découdre –, il convient probablement de prendre un peu de temps pour respirer par le nez, se verser la boisson bien froide de son choix, et mieux saisir ce que le club montréalais est en train de réaliser.

En premier, rappelons ce détail passablement important : de tous les clubs inscrits au tableau éliminatoire de la Ligue nationale de hockey cette année, c’est le Canadien qui est entré par la plus petite porte, avec une récolte de seulement 59 points. L’Avalanche et les Golden Knights ont tous deux obtenu 82 points, un sommet dans le circuit.

Ensuite, des 16 clubs qualifiés, seuls le Canadien et les Blues de St. Louis ont conclu le calendrier de saison avec un différentiel négatif au chapitre des buts, soit - 1 pour les Blues… et - 9 pour le Canadien. Au sommet, les Golden Knights ont terminé avec un joli + 67, et l’Avalanche avec + 64.

On pourrait ajouter que de tous les clubs des séries, seuls le Canadien et les Predators de Nashville n’ont pu placer un seul joueur parmi les 45 premiers marqueurs de la ligue. Ça donne une bonne idée de ce qui est en train de se passer.

Et puis malgré tout ça, le Canadien persiste, et de façon spectaculaire en plus.

Depuis le milieu du premier tour, il y a eu sept victoires de suite, dont trois en prolongation. Il y a aussi, en ce moment même, une improbable série de 437 min 53 s de jeu sans avoir eu à accuser un retard dans aucun match. Seul le Canadien de 1960 a déjà fait mieux, avec un total de 488 min 38 s de jeu sans avoir eu à combler un écart.

« Il n’y a eu personne pour croire en nous », a expliqué Tyler Toffoli, auteur du but gagnant lors du quatrième et dernier match de la série contre les Jets de Winnipeg, lundi soir au Centre Bell.

Tout ce que nous avions, c’était nous-mêmes, ainsi que nos partisans. Nous nous sommes appuyés les uns contre les autres et nous avons été unis. Nous avons triomphé, nous nous sommes amusés.

Tyler Toffoli

À ce sujet, les paroles de Toffoli ne sont pas sans évoquer celles de Voltaire, qui a déjà dit ceci : rien ne se fait sans un peu d’enthousiasme. N’est-ce pas ce qui décrit le mieux ce Canadien de 2021, une équipe qui ne devait pas gagner mais qui est encore là, forte et véritable comme le vent du printemps, à attendre d’écrire la suite de son histoire ?

Comme en 1986 ?

À ce chapitre, par ailleurs, les surprises ne sont peut-être pas terminées.

S’il fallait que le Canadien poursuive sa route pour atteindre la grande finale, il deviendrait seulement le deuxième club depuis le lock-out de 2005 qui se rend en finale après avoir accédé aux séries avec le pire dossier des clubs qualifiés. Les Predators ont eu le pire dossier des équipes des séries de 2017 et ils ont atteint la finale, pour ensuite perdre en six matchs face aux Penguins de Pittsburgh.

La Coupe ? Ça, c’est une autre histoire, et les équipes qualifiées avec les pires dossiers n’ont pas l’habitude de la gagner, à part peut-être à une autre époque, et dans le temps des « six clubs », avant l’expansion de 1967.

Depuis 1967, au fait, les champions les plus « faibles » demeurent le Canadien de 1986, qui avait causé la surprise malgré une récolte de seulement 87 points en saison. Mais de toutes les équipes qualifiées de 1986, les Rangers de New York avaient fait encore pire, avec une récolte de 78 petits points… sauf que les Rangers avaient fait au Canadien la faveur d’éliminer les Flyers de Philadelphie et les Capitals de Washington, les deux puissances de l’Association de l’Est, jadis baptisée Prince-de-Galles.

Tout était tombé en place pour le Canadien de 1986, comme pour celui de 1993. On pourrait presque croire que c’est un peu la même chose qui est en train de se produire en ce moment.