Si vous jouez à Génies en herbe dans une dizaine d’années, on vous demandera peut-être quel a été le premier joueur de l’histoire du Kraken de Seattle. Retenez la réponse : Luke Henman.

En signant son contrat d’entrée avec la nouvelle formation du Kraken de Seattle il y a deux semaines, Henman a aussi écrit son nom dans l’histoire de la LNH. Il est devenu le premier joueur de l’organisation, qui n’a même pas encore d’entraîneur-chef.

Le capitaine de l’Armada de Blainville-Boisbriand est de retour chez lui, en Nouvelle-Écosse, depuis l’élimination de son équipe des séries éliminatoires de la LHJMQ, il y a quelques semaines. Au moment de s’entretenir avec La Presse, il était toujours en quarantaine. Il pouvait au moins fêter la nouvelle avec sa famille.

« Pour être honnête, c’est assez cool d’être le premier joueur d’une organisation »,
lance-t-il.

Je me sens bien. C’est un honneur pour moi. Les dernières semaines ont été excitantes et c’est plaisant de pouvoir célébrer ça avec ma famille.

Luke Henman, premier joueur du Kraken de Seattle

Le célèbre adage qui dit que rien n’arrive pour rien s’applique bien à Henman. En 2018, il avait été sélectionné en quatrième ronde par les Hurricanes de la Caroline. Ceux-ci avaient jusqu’au mois de juin 2020 pour lui accorder un premier contrat d’entrée, ce qu’ils n’ont pas fait. Le joueur de centre avait pourtant connu une saison de 25 buts et 49 passes pour 74 points en 63 matchs l’an dernier, bon pour le 16rang des marqueurs de la LHJMQ.

« C’était assurément décevant, admet-il. J’ai eu une très bonne saison. Je sentais que je méritais un contrat, mais c’est la vie. Dans la vie, tu fais face à de l’adversité. C’était un message pour me dire que je devais travailler encore plus fort et c’est ce que j’ai fait. »

Le circuit Courteau étant le seul de la Ligue canadienne à avoir présenté une saison avec séries cette année, l’attaquant a eu l’occasion de montrer une nouvelle fois ce dont il est capable sur la patinoire. En 41 matchs au total, il a récolté 25 buts et 30 passes pour 55 points.

Son entraîneur-chef avec l’Armada, Bruce Richardson, souligne la grande maturité dont il a fait preuve au cours de la dernière année.

« Luke et moi, on était assez proches, dit-il. C’était mon leader. On avait une relation de communication, de respect. Quand il n’a pas signé de contrat, j’ai senti la déception. Mais je lui ai dit que c’était leur perte et que c’était quelqu’un d’autre qui gagnerait dans cette situation-là. Il y en a pour qui ça prend plus de temps, qui ont besoin d’une année de plus dans leur développement, et c’était son cas. Le fait qu’il ait pu jouer cette année, prouver sa valeur, être dominant, ça a fait en sorte qu’il signe un contrat avec une équipe qui le veut. »

Une annonce chargée d’émotion

Au moment où l’entente s’est conclue avec le Kraken, Henman était en deuxième ronde des séries éliminatoires avec l’Armada. La veille, son équipe s’était inclinée face aux Tigres de Victoriaville, qui prenaient ainsi une avance de 2 à 1 dans la série. Le coach ne s’attendait pas à recevoir la visite de son capitaine à sa chambre d’hôtel, ce matin-là.

« À 9 h, Luke cogne à ma porte, bien habillé comme à son habitude, raconte l’entraîneur-chef. Il me dit : “Est-ce que je peux te parler ?” Il avait l’air triste. Il n’avait pas l’air d’un gars qui voulait me dire quelque chose de positif. Il y a beaucoup de choses qui me sont passées par la tête. Je pensais que quelque chose était arrivé à sa blonde, à sa famille… Il me demande de m’asseoir. Je commençais à lui poser des questions. Il s’est assis et il m’a annoncé la nouvelle. Je lui ai sauté dans les bras, j’étais tellement content. »

Comme entraîneur, tu veux gagner la Coupe du Président, tu veux progresser, mais tu es là aussi pour aider les jeunes. Luke, je l’avais pris sous mon aile et je voulais vraiment travailler avec lui.

Bruce Richardson, entraîneur de Luke Henman avec l’Armada de Blainville-Boisbriand

L’entraîneur et son joueur ont monté un stratagème pour l’annoncer aux autres joueurs de l’équipe quelques minutes avant que le Kraken n’en fasse l’annonce sur ses réseaux sociaux. Le joueur de centre avait justement reçu un colis de sa nouvelle organisation par la poste.

« J’ai fait une réunion d’équipe pour dire qu’on oubliait le match d’hier, raconte Richardson. J’ai dit que j’avais reçu un cadeau pour Luke, je le lui ai donné. Il l’a ouvert, c’était la casquette du Kraken. Il l’a annoncé à tous ses coéquipiers, tout le monde était excité, s’est levé, l’a applaudi et l’a pris dans ses bras. Ce soir-là, il a joué tout un match. On a gagné pour aller au match 5. »

Un moment que le joueur, comme le coach, n’oubliera jamais.

« C’était assez plaisant de célébrer ça avec eux [ses coéquipiers] parce que ça n’aurait pas été possible sans eux et sans mes coachs, évidemment, dit Henman. Malheureusement, nous étions dans la bulle alors il n’y avait pas grand-chose à faire, mais c’était plaisant de voir leurs sourires. Tout le monde était heureux pour moi. »

Quel est le plan ?

La nouvelle formation de Palm Springs, dans la Ligue américaine de hockey, qui doit être affiliée au Kraken, ne jouera pas avant 2022. Henman ignore donc quel uniforme il enfilera la saison prochaine.

« Je ne sais pas vraiment où je vais aller encore, ils n’ont pas été affectés à une équipe de la LAH, explique-t-il. Je suis un peu stressé de voir où ce sera, mais j’essaie de seulement profiter de tout ça en ce moment. Je me préoccuperai de ça plus tard. »

Pour les prochains mois, le centre de 6 pi et 168 lb entend acquérir de la masse musculaire et travailler sur son tir, notamment.

Peu importe où je joue, je vais essayer d’apprendre et de contribuer du mieux que je le peux. Je crois en mon jeu et si je continue de travailler fort, que je deviens plus grand et plus gros, je pense que je peux jouer dans la LNH un jour.

Luke Henman

Et aux dires de Richardson, il saura faire sa place chez les professionnels avec le temps. L’entraîneur ne tarit d’ailleurs pas d’éloges à l’endroit de son capitaine.

« Connaissant Luke, c’est un gars mature et il va s’adapter, croit-il. Il s’est incroyablement adapté lors des trois dernières années. Il est très réceptif. Ça va lui prendre quelques années dans la Ligue américaine pour apprendre c’est quoi, être un professionnel, mais je le vois dans deux, trois ans avoir une occasion de faire sa place. »

« C’est tout un professionnel, Luke, dans sa manière d’être comme individu », ajoute-t-il.