Avis à tous les lecteurs qui m’ont trouvé sans cœur après les trois défaites consécutives du Canadien. Je vous confirme que j’en ai un. Et qu’il a été malmené, pendant le match de jeudi soir, comme une balle de spikeball dans un petit party déconfiné.

Le Canadien menait 1-0. Puis 2-0. Puis 3-0. Ça s’enlignait pour être une soirée facile, où la chronique s’écrit toute seule.

Puis les Leafs ont marqué un but.

1-3.

Puis un autre.

2-3.

Puis un autre.

3-3.

Rendu là, ma chronique était tellement raturée, on aurait dit une réponse à nos demandes d’accès à l’information pour le projet de stade de baseball au centre-ville…

À la corbeille. Dommage. J’aimais bien le titre. Pricetaculaire. Car si le Canadien était en avance jusque-là, c’était beaucoup – une fois de plus – grâce au travail spectaculaire de son gardien Carey Price. Sa mitaine était aussi fiable que celle de Tim Wallach. Il l’a sortie pour frustrer William Nylander, en fin de première période, ainsi qu’Alex Kerfoot, tout juste après le retour de l’entracte. Price s’est aussi distingué plusieurs fois sur des tirs du bas de l’enclave. Notamment contre Zach Hyman, Mitchell Marner et T.J. Brodie. Il a quitté Toronto avec 32 arrêts de plus à sa fiche.

« Chaque soir, il fait un arrêt spectaculaire qui nous donne des ailes. Il nous donne toujours une chance de gagner », a dit Phillip Danault après la rencontre. « [Carey] est phénoménal. Il veut gagner et le démontre soir après soir. »

Ses détracteurs me souligneront qu’il a quand même accordé trois buts. Ce n’est pas faux. Sauf que sur le premier but des Leafs, trois de ses coéquipiers étaient littéralement à genoux sur la glace. Sur le deuxième, quatre joueurs étaient alignés en rangée pour lui bloquer la vue. Une éclipse parfaite. Et le troisième but a été dévié.

J’insiste : la seule chance pour le Canadien d’éliminer les Maple Leafs, c’est si Carey Price est le meilleur joueur des deux équipes sur la patinoire. Match après match. Jusqu’ici, il connaît une très bonne série. Il a arrêté près de 92 % des tirs dirigés vers lui. Il garde l’équipe en vie lorsque la situation se corse. Dans les moments où ses coéquipiers jouent plus nerveusement. Ce qui fut encore le cas, jeudi.

Après le deuxième but des Leafs, on a senti les joueurs du Canadien faiblir. « C’est sûr que ça met une équipe sur les talons », a reconnu l’entraîneur-chef Dominique Ducharme. Or, après le but égalisateur, a-t-il ajouté, « une couple de joueurs se sont levés et ont dit : on est capables de faire mieux. D’aller chercher le prochain but ». Ce qu’a fait Nick Suzuki, dès la première minute de la prolongation, dans une montée à deux contre zéro avec Cole Caufield.

Une belle échappée qui a permis au Canadien de l’échapper belle.

Cela dit, en dépit de la remontée, le Tricolore méritait la victoire. Il est enfin parvenu à régler plusieurs problèmes qui l’affligeaient depuis une semaine.

D’abord, il a augmenté le niveau d’intensité. Le meilleur exemple, ce fut dans les luttes des attaquants pour la possession de la rondelle en zone adverse. Le Canadien a remporté plusieurs batailles individuelles le long des bandes et autour du filet de Jack Campbell. Ces efforts ont mené au premier but de Joel Armia, et à celui de Jesperi Kotkaniemi. Le deuxième d’Armia fut aussi le résultat d’un effort – collectif celui-là – d’Eric Staal, Corey Perry et lui-même dans l’enclave.

Le Canadien m’a également semblé avoir ouvert le jeu un peu plus qu’à l’habitude. C’est dangereux. Surtout contre un club aussi fort à l’attaque que les Maple Leafs. On tente d’éviter le plus possible les interceptions, les contre-attaques et les surnombres. Mais Carey Price étant solide, ce fut à l’avantage des Montréalais.

Par ailleurs, Phillip Danault mérite une belle grosse étoile dans son cahier. Il a connu son meilleur match de la série. Il a particulièrement excellé contre Auston Matthews. Tellement qu’à la fin de la rencontre, l’entraîneur des Leafs tentait d’éviter les confrontations directes entre les deux joueurs. Danault, qui en arrachait récemment au cercle des mises en jeu, a remporté près des deux tiers de ses duels jeudi soir. C’est loin d’être anodin : lorsque la rondelle n’est pas sur le bâton de Matthews, Marner, Hyman ou Nylander, le Canadien augmente grandement ses chances de gagner.

Un petit mot en terminant sur le défenseur Erik Gustafsson, inséré dans la formation à la place de Brett Kulak – et promu avant Alexander Romanov. Le Canadien prévoyait surtout l’employer en supériorité numérique. Mais comme il n’y a eu qu’un seul surnombre, on l’a principalement vu à forces égales. Ce fut loin d’être le désastre anticipé. Ses ratios de possession de rondelle à cinq contre cinq furent même les meilleurs de l’équipe. Je ne serais pas étonné de le revoir en uniforme, samedi soir, à Montréal.

Ma prédiction pour ce sixième match ?

Une victoire du Canadien, qui profitera de l’appui d’une foule locale considérable – 2500 partisans – pour la première fois depuis 15 mois.