(Montréal) « On a été mauvais. Peu importe la situation, on a été mauvais. C’est aussi simple que ça. »

Hormis cette analyse fournie par l’entraîneur-chef Dominique Ducharme, il n’y a, en effet, à peu près rien d’autre à dire sur cette défaite gênante de 5-1 subie par le Canadien aux mains des Sénateurs d’Ottawa.

Mais pour des raisons se situant quelque part entre la tyrannie du clic et l’acharnement pur et simple, tentons tout de même de creuser un peu plus loin.

Des matchs comme celui de mercredi n’ont, théoriquement, rien d’exceptionnel. Un de ces fameux soirs ennuyeux de février, après une bonne raclée, on invoquera les jambes lourdes, les petits bobos, l’ensoleillement limité, la saison des REER… Puis on s’empressera de jeter le film du match et de passer au suivant.

Au cours de la seule saison en cours, le Tricolore a connu quelques-uns de ces matchs dits « à oublier ». Contre ces mêmes Sénateurs, tiens, il y a un peu plus de deux semaines : 4-0. Contre les Jets de Winnipeg, la semaine précédente : 5-0. La plupart des rencontres disputées à Calgary, étalées sur ce qui nous a semblé 5000 heures de hockey.

Est-ce trop de déconfitures ? Possible. Mais là n’est pas la question.

C’est que la dernière en date est singulière à deux égards.

Le premier : l’adversaire. Nous savons tous que les Sénateurs d’Ottawa seront le pire cauchemar des clubs de leur division au cours des prochaines années. À finir si souvent dans la cave du classement et à liquider tout ce qui ressemblait à un joueur de plus de 26 ans, on a fini par se concocter une sacrée banque d’espoirs.

Or, les Sénateurs et leurs jeunes prodiges n’ont pas encore atteint la terre promise. Malgré leur bonne tenue des dernières semaines, ils représentent encore une équipe vulnérable. Le Canadien le leur a rappelé, pas plus tard que samedi dernier, en comblant un déficit de deux buts contre eux avant de gagner en prolongation.

Ajoutez à cela le fait que leur meilleur défenseur (de loin) n’était pas en uniforme, et vous obtenez ce qui, malgré tous les blessés du CH, s’annonçait comme un duel inégal. À tout le moins sur papier.

Or, « on a été à plat du début à la fin », a avoué Josh Anderson. « On n’a pas trouvé l’énergie nécessaire pour atteindre leur niveau. On doit leur donner ce qui leur revient : ils étaient la meilleure équipe. Ils méritaient de gagner », a-t-il ajouté, lucide.

« Notre niveau de compétition n’était pas là… On s’est fait battre toute la soirée et ils en ont tiré avantage », a renchéri le défenseur Joel Edmundson, animé de la même clairvoyance.

Mauvais moment

Le deuxième élément qui, on peut le deviner, a grafigné l’orgueil des joueurs en bleu, blanc et rouge a été le moment où survient une telle contre-performance.

Au risque de se répéter : ces matchs arrivent. Mais à quelques jours de la fin de la saison ? Et après trois victoires de suite ?

« Je ne sais pas quoi dire. Vous avez regardé le match… Ce n’était pas notre soir », a encore reconnu Anderson, l’un des plus francs porte-parole de cette équipe cette saison.

« On n’était pas prêts à composer [avec leur intensité], a souligné Jeff Petry. Ça ne peut pas arriver, surtout à ce moment de l’année. On ne peut pas laisser les mauvaises habitudes s’inviter. »

Au rayon des mauvaises habitudes, notons la désormais célèbre difficulté à « connecter » qu’éprouvent les défenseurs et les attaquants montréalais pour sortir la rondelle de leur zone et s’installer en territoire ennemi. Ça s’était franchement amélioré au cours des derniers matchs, mais les mauvais plis sont réapparus. Un coup accéléré de fer à repasser s’impose, car les Maple Leafs de Toronto, adversaires de ce jeudi soir, ne demandent pas mieux que de venger la défaite que leur a infligée le Canadien lundi dernier.

Une nouvelle tendance s’est également installée, plus ou moins subtilement. Les trois victoires acquises à la suite de remontées traduisent autant de matchs au cours desquels un retard a dû être comblé.

Mercredi soir, le Tricolore a vu son opposant marquer le premier but pour la cinquième partie de suite. En fait, au cours de cette séquence, malgré trois gains, le CH n’a joué avec l’avance que pendant 4 min 50 s. Il a, en contrepartie, dû jouer en déficit d’un but ou plus pendant un peu plus de 182 minutes. Soit environ 60 % du temps.

Malgré les joueurs clés qui manquent à l’appel, c’est énorme, et surtout, essoufflant, encore davantage alors qu’on tente de se donner un élan pour arriver en séries gorgés de confiance.

« Ce serait bien de sortir en lions, de trouver notre intensité avant eux et de marquer les premiers », a convenu Edmundson.

« C’est certain qu’on voudrait marquer le premier but tous les soirs », a confirmé Ducharme. Quoique, a-t-il précisé, marquer en premier ne veut pas dire connaître un bon départ.

« Ce soir, on n’a juste pas été bons, tout simplement. »

Cette fois, c’est vrai : on n’a vraiment plus rien à ajouter.

En hausse

Michael Frolik

Jamais une bonne nouvelle quand l’attaquant le moins intéressant de l’organisation au grand complet se retrouve là. Trois tirs et trois mises en jeu gagnées en trois tentatives pour lui, au sein du seul trio qui n’a pas connu une soirée misérable.

En baisse

Joel Edmundson

Il incarne la stabilité au sein de la défense du CH cette saison. Mais personne n’est parfait. Mal positionné sur le but de Tkachuk, complètement battu de vitesse sur celui de Formenton. On efface et on recommence.

Le chiffre du match

10

Pas moins de 10 joueurs en uniforme mercredi soir pour les Sénateurs comptaient moins de 100 matchs d’expérience dans la LNH. Quatre d’entre eux n’ont pas encore joué leur dixième : Jacob Bernard-Docker, Olle Alsing, Shane Pinto et Vitaly Abramov.

Dans le détail

Mete en état de grâce

Avouons-le franchement, on n’aurait pas parié notre maison là-dessus. Mais en l’absence de Thomas Chabot, c’est Victor Mete qui est devenu l’homme de confiance de l’entraîneur D.J. Smith pour combler le vide sur le premier duo en défense. Contre le CH, mercredi, l’ancien numéro 53, qui porte maintenant le 98, a passé 23 min 48 s sur la glace, dépassant de 2 secondes son record personnel établi… lundi. Après la victoire, Smith s’est lancé dans une tirade qu’on n’aurait jamais cru entendre il n’y a pas si longtemps. « Il a été très bon pour nous. Je ne saurais être plus enthousiaste et heureux en général de pouvoir obtenir un gars comme lui en fin de saison », a dit Smith de son défenseur, insistant sur le fait qu’un joueur comme lui peut se relancer en changeant d’environnement. Les sceptiques ne sont peut-être pas tout à fait confondus. Mais à l’évidence, Mete vit de bien meilleurs moments qu’à Montréal. Qui sommes-nous pour nous opposer à son bonheur ?

Un voyage sans Price ni Weber

Le Canadien a amorcé mercredi un voyage condensé de trois matchs en quatre jours à Ottawa et à Toronto (jeudi et samedi). Il est déjà acquis que tout ce périple ontarien se déroulera sans Shea Weber, dont on ne sait pas s’il disputera les deux derniers matchs de la saison la semaine prochaine. Carey Price n’est pas dans l’entourage de l’équipe lui non plus. Des images diffusées mercredi l’ont montré patinant en survêtement de sport. Il enfilera son équipement de gardien ce jeudi, mais il le fera au centre d’entraînement du CH, à Brossard. Dominique Ducharme ne s’est pas avancé sur un potentiel retour samedi à Toronto. Interrogé sur la possibilité de revoir le gardien numéro 1 d’ici le dernier match de la saison, Ducharme s’est borné à dire que « si Carey peut jouer, on va le faire jouer ». Sa présence dépendra de son état de santé, mais également de la position du Tricolore au classement. La situation sera évaluée « au jour le jour ».

Trios chamboulés

Après avoir gardé les mêmes trios pendant trois matchs, Dominique Ducharme a de nouveau jonglé avec son effectif en vue du duel contre les Sénateurs. Cole Caufield a ainsi rejoint Phillip Danault et Josh Anderson, tandis que Jesperi Kotkaniemi a retrouvé son poste au centre, flanqué d’Artturi Lehkonen et de Jake Evans. Ne vous étouffez pas dans votre rafraîchissement si ces unités ne tiennent pas le coup jusqu’au match de jeudi soir à Toronto. Testée depuis une dizaine de matchs, la complicité entre Danault et Anderson tarde à s’installer. Le puissant ailier n’a connu qu’un match de deux buts à la droite du Québécois. Sinon, il a été complètement blanchi. Et ça ne se replace résolument pas pour Kotkaniemi, qui n’a pas réussi à entretenir la flamme qui animait ses deux nouveaux ailiers lorsqu’ils jouaient avec Caufield. Tomas Tatar s’approcherait d’un retour : son entraîneur l’accueillera à bras ouverts. Et Phillip Danaut aussi, on s’en doute.