La fin des matchs nuls dans la LNH nous prive depuis plus de 15 ans des nulles « à saveur de victoire » ou « à saveur de défaite » qui coiffaient les pages sportives une dizaine de fois par année.

La courte victoire de 2-1 du Canadien sur les Flames de Calgary pourrait très bien être classée dans la catégorie de ces rencontres « à saveur de ». À voir le duo de Shea Weber et Ben Chiarot peiner contre le premier trio adverse au premier vingt, on devinait un avant-goût de défaite. Avec une marque de 1-1 en troisième période, les arômes de prolongation se précisaient. Et en définitive, le Tricolore peut se dire repu par les deux points au classement. Mais il ne s’est pas, pour autant, régalé.

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Il faut donner à cette équipe ce qui lui revient : ç’a été beaucoup moins pénible que mercredi dernier. « Un peu mieux », a nuancé Dominique Ducharme. Néanmoins, il « ne pense pas qu’on puisse dire qu’on l’a volée ».

Il semble décidément y avoir quelque chose d’infiniment complexe à vaincre les Flames cette saison. Au cours des quatre dernières rencontres contre eux, soit depuis l’entrée en poste du très strict et méthodique Darryl Sutter, seulement 90 des tirs du Canadien ont atteint le filet adverse. C’est exactement 10 de moins en moyenne par match que le rythme de croisière du CH cette saison (22,5 contre 32,5).

La statistique des tirs au but est imparfaite, mais dans ce cas précis, elle est éclairante. Elle trahit à quel point les attaquants montréalais ont de la difficulté à s’approcher du filet des Flames et à obtenir des lancers de qualité.

La question se pose donc : si cet état de fait s’est répété samedi soir, pourquoi le Canadien s’en est-il tiré avec une victoire ?

« On n’a pas lâché, a expliqué Shea Weber. Il y a eu des moments où on aurait pu craquer, mais on s’en est tenus au plan de match et on a trouvé le moyen de gagner. »

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Corey Perry (94) et Mikael Backlund (11)

Cela ne signifie pas pour autant que la structure n’a pas été testée. Les 30 revirements qu’ont reçus les Flames en cadeau auraient pu coûter bien plus cher. Les joueurs du CH ont certes trimé dur pour passer moins de temps dans leur zone, péché récurrent des dernières rencontres, mais les sorties de territoire n’ont pas été une partie de plaisir pour autant. À un certain point, c’était à se demander si les défenseurs s’étaient lancé le défi d’envoyer un maximum de passes imprécises vers le centre de la glace.

N’empêche, et il importe de le souligner à gros traits, les hommes de Dominique Ducharme ont tenu le coup. Le Canadien a souvent prouvé qu’il est capable de perdre ce type de match. Seulement au cours des dernières semaines, on a vu la formule des cadeaux en début de rencontre, celle des matchs amorcés correctement, mais échappés en cours de route et celle, cruelle, des corrections en règle.

Après avoir jonglé entre ces cas de figure et échappé cinq des sept matchs précédents, le fait de signer une victoire serrée, pas tellement élégante, mais contre un rival particulièrement coriace, ne peut que faire du bien.

Du bon, du moins bon

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Tyler Toffoli

De cette victoire, justement, retenons la performance inspirée du trio de Nick Suzuki, Joel Armia et Tyler Toffoli. Les deux buts de cette unité ont fait la démonstration d’à quel point cette équipe peut être efficace lorsqu’elle fait bien les choses.

Sur le deuxième, surtout, Armia a gagné contre Christopher Tanev une de ces « batailles 50-50 » dont Ducharme a souvent parlé, tandis que Toffoli a gagné la sienne contre Mark Giordano devant le filet.

« C’est un exemple parfait de ce qui doit arriver, a salué Weber. On a beaucoup parlé de notre volonté à réussir ces jeux. Et ç’a marché. »

Dans le rayon de ce qui n’a pas marché, impossible de ne pas insister sur les difficultés du groupe de vétérans — non pas ici au sens large, mais bien les plus vétérans des vétérans.

Beaucoup d’encre a coulé à ce sujet, mais Weber n’est pas ce qu’il a déjà été. Son duo plus ou moins dynamique avec Ben Chiarot a été opposé au trio de Johnny Gaudreau, Elias Lindholm et Matthew Tkachuk. Les deux défenseurs du Canadien doivent un breuvage à Jake Allen de leur avoir sauvé les fesses, car ça tournait vite autour d’eux.

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Ben Chiarot

Interrogé sur sa soirée ponctuée de plus de hauts que de bas, Weber a esquissé un sourire et a mis l’accent sur la « grosse victoire » et sur le « travail » à reprendre dès le lendemain, cette fois contre les Sénateurs d’Ottawa.

Circonspect, Ducharme a rappelé que Chiarot doit encore « trouver ses repères » après une absence de plus de cinq semaines.

L’entraîneur-chef a été plus évasif au sujet d’Eric Staal. Après sept matchs, le portrait se précise dans son cas, et ce n’est pas à son avantage. Depuis son arrivée avec le Canadien, il n’a encore été sur la glace pour aucun but de son équipe à 5 contre 5. Ses jambes lourdes n’allègent pas le travail de Corey Perry, quasi invisible depuis qu’on l’a muté à la droite de Staal.

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Eric Staal et Sean Monahan

« Il nous amène des choses qui sont peut-être intangibles, a dit Ducharme. Il va nous aider ». Heureusement, car ce qui est tangible, c’est qu’à moins d’un redressement drastique, il deviendrait difficile de justifier que Jake Evans ronge son frein dans les gradins indéfiniment.

À une question sur la compétition interne qui se profile dans le groupe de défenseurs, Ducharme a indiqué qu’il évaluait ses joueurs « à chaque match » et que « les choses changent vite ».

Avec une fin de calendrier compressée, il faudra bien que la grille d’analyse soit appliquée à tous ses hommes. Qu’ils aient disputé 50 ou 1200 matchs dans la LNH.

En hausse

Joel Armia

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Juuso Valimaki et Joel Armia

Une de matchs au cours desquels le Finlandais a des mains de velours. La connexion avec Nick Suzuki a fonctionné pendant toute la soirée.

En baisse

Eric Staal

On ne veut pas s’acharner, mais le vétéran est un véritable éteignoir pour son trio. C’est difficile autant en attaque qu’en défense pour lui.

Le chiffre du match

38

C’est le nombre de matchs dont a eu besoin Tyler Toffoli pour atteindre la marque des 20 buts. C’est la quatrième récolte la plus rapide chez le Tricolore depuis 1990. Dans l’intervalle, Gilbert Dionne, en 1991-1992, a été le plus efficace, avec 20 buts en 34 rencontres.

Ils ont dit

Si vous regardez la reprise, la rondelle change de côté derrière le filet, et notre centre et notre ailier droit n’ont pas fait le bon changement.

Darryl Sutter, expliquant pourquoi Tyler Toffoli a été laissé seul sur le premier but du Canadien

Il est tellement gros et il a de bonnes mains pour un gros joueur. Ce soir, on aurait dit que la rondelle était attachée à son bâton par un fil. Il a fait des jeux partout sur la patinoire.

Toffoli, à propos de Joel Armia

Toutes les défaites ont été difficiles cette année, surtout maintenant, parce qu’on s’est placés dans la position dans laquelle on est. On sait que ces matchs contre Montréal sont cruciaux. Nous avons beaucoup d’amertume.

Mikael Backlund, attaquant des Flames

Ce sont de bons joueurs, ils ont marqué deux buts, mais on ne leur en a pas trop donné d’occasions. On a réussi à les tenir en périphérie. Mais ils sont très dangereux et quand ils ont des chances, ils marquent, comme ils l’ont fait aujourd’hui.

Backlund, à propos du trio de Nick Suzuki

On se retrouve parfois dans des situations où on essaie de faire [des jeux] trop vite alors qu’on n’a pas de pression. On veut trop se dépêcher. Il faut revenir entre les deux : montrer assez de confiance avec la rondelle au bon moment. Ça part avec la communication.

Dominique Ducharme

Il y a des séquences où ces tirs rentrent, d’autres où ils ne rentrent pas. C’est comme ça, le hockey.

Jake Allen sur les trois poteaux frappés par les Flames en deuxième période

Dans le détail

Kulak à droite… en attendant ?

Le retour de Ben Chiarot a pour effet de changer la donne au sein du troisième duo de défenseurs du Canadien. Brett Kulak et Alexander Romanov ont renoué, après avoir formé un tandem en début de saison. Sauf que maintenant que Dominique Ducharme préfère voir Romanov de son côté naturel à gauche, c’est Kulak qui s’est retrouvé à droite, où on l’a très peu vu depuis son arrivée à Montréal. Ducharme a offert une évaluation succincte du numéro 77. « C’est un bon patineur, son ajustement s’est assez bien fait », a dit l’entraîneur-chef. Le duo n’a pas été dominant, mais a été sur la patinoire pour les deux buts des Montréalais. Kulak a obtenu une aide sur le premier but du match, mais c’était sur une simple remise en fond de territoire. Son cas sera intéressant, car sa capacité à jouer à droite pourrait bien déterminer s’il garde sa place dans la formation quand Jon Merrill et Erik Gustafsson auront terminé leur quarantaine, la semaine prochaine.

Une frousse pour les Flames

Les Flames ont eu chaud en troisième période. Ils s’accrochent déjà à de minces espoirs de participer aux séries, et ont vu Noah Hanifin retraiter au vestiaire, après qu’il eut durement donné contre la bande. Hanifin est finalement revenu rapidement et a semblé avoir plus de peur que de mal. En avant-midi, Darryl Sutter expliquait d’ailleurs que la progression de Hanifin l’avait incité à former un « super duo » avec ses deux meilleurs défenseurs, Mark Giordano et Christopher Tanev. Ce faisant, Sutter a pu jumeler Giordano à un partenaire plus fiable que le jeune Rasmus Andersson, qui connaît des hauts et des bas. « Je ne dis pas que [Giordano] était menotté, mais il devait couvrir un peu plus les arrières d’Andersson », a fait valoir Sutter. Giordano a connu un bon match, jusqu’à ce qu’il soit battu par Tyler Toffoli sur le but gagnant.

Toujours au neutre

L’avantage numérique du Tricolore est officiellement revenu au neutre. L’arrivée d’Alex Burrows comme entraîneur responsable de l’attaque à cinq avait eu un effet immédiat, effet qui se sentait encore au moment où la COVID-19 a interrompu la saison du CH, qui avait inscrit quatre buts à ses quatre matchs avant la pause. Depuis ? Deux buts en 27 tentatives, seulement 31 tirs en 52 minutes, selon Natural Stat Trick. Vendredi, le Tricolore a fait chou blanc en deux occasions et a obtenu trois tirs en quatre minutes. Josh Anderson a eu la plus belle occasion à la toute fin de la première période, mais a semblé rater son tir avec Jacob Markstrom qui était couché. Sinon, lors du deuxième avantage numérique, le manque d’options a sauté aux yeux quand Jonathan Drouin a tourné en rond à deux reprises avant de se résoudre à rejoindre Toffoli, qui n’avait pas un très bon angle. Le Canadien ne s’entraînera pas avant le match de samedi, et devra donc trouver des solutions sur vidéo.