Un point de presse d’un entraîneur-chef frustré après une défaite, ça donne parfois de la bonne télé. L’envolée de Michel Therrien avec les Penguins, qui avait suggéré que ses joueurs soient payés « 50 % de leur salaire parce qu’ils jouent seulement 50 % du temps », est un classique que les initiés récitent par cœur.

Idem pour Guy Carbonneau, qui, après une défaite à Detroit, avait rappelé qu’il ne pouvait pas sauter sur la patinoire. « Kirk Muller ne peut pas embarquer sur la patinoire », avait-il pris soin d’ajouter.

Au risque de vous décevoir, ce type d’explosion n’arrivera probablement jamais avec Dominique Ducharme, parce qu’il semble constamment avoir la maîtrise de ses émotions. Dans les circonstances, sa réaction à la suite de la défaite injustifiable de 4-1 du Canadien contre les Flames de Calgary, mercredi, est peut-être ce qui se rapprochera le plus d’une crise.

« On a eu ce qu’on méritait, c’est tout », a-t-il sèchement balancé comme première réponse. Le ton était donné.

On peut comprendre sa frustration. De façon plus globale, il voit son équipe laisser filer une chance en or d’assurer en avance sa place pour les séries, ce qui lui permettrait éventuellement de souffler un peu. Le Tricolore a toujours trois matchs en main sur les Flames, mais son avance n’est plus que de quatre points, et à voir la façon dont les Albertains embêtent les Montréalais, cette avance pourrait bien fondre à deux points vendredi.

De façon plus précise, il a vu son équipe se faire dominer dans un aspect du jeu qui ne devrait pas être un problème, soit les batailles pour la rondelle. Tout ça malgré le fait que le Canadien a eu congé mardi, pendant que les Flames se rendaient en prolongation, à Toronto, avant de rentrer tard en soirée à Montréal.

« On savait que les circonstances étaient en notre faveur, qu’on pouvait avoir un pas d’avance sur eux », a justement souligné le défenseur Brett Kulak.

Là où ça devient inquiétant pour Ducharme et l’état-major de l’équipe, c’est que Marc Bergevin avait justement bâti un club qui devrait éviter ce genre de problème. À son arrivée en poste, Bergevin avait hérité d’une équipe frêle, dont le noyau était composé de joueurs de petite taille, une époque où même l’homme fort – Brandon Prust – n’était pas un colosse.

Ces derniers mois, cette équipe a mis la main sur les poids lourds Eric Staal, Josh Anderson, Corey Perry et Joel Edmundson, qui s’ajoutaient aux Ben Chiarot, Shea Weber et Jeff Petry parmi les hommes qui ne portent pas du « médium ».

Malgré cela, voyez comment Ducharme a décrit comment les Flames s’y sont pris pour piétiner le CH.

« C’est une équipe patiente, qui envoie des rondelles dans le fond de territoire, qui crée beaucoup de batailles. On n’en a pas gagné assez. Ils nous ont largement dominés de ce côté. Ça revient à la base du jeu. Le niveau de compétition était plus élevé de l’autre côté. »

« Les deux premiers buts étaient des tirs de la pointe. On doit mieux dégager le devant du filet », a rappelé Petry, qui a justement été incapable de tasser Elias Lindholm du champ de vision de son gardien sur le deuxième but.

Puis, sur le troisième but, ç’a été au tour de Weber, Kulak et Josh Anderson de perdre une bataille pour la rondelle, avant que Weber ne la remette sur le bâton ennemi de Josh Leivo.

Ironiquement, cette inquiétante baisse de régime coïncide avec la perte de Brendan Gallagher, un des derniers survivants de l’ancienne « petite » équipe, mais dont l’implication n’a jamais laissé le moindre doute. Sans Gallagher, c’est maintenant une petite victoire en cinq matchs et seulement neuf buts marqués.

Les solutions ne viendront pas de l’extérieur, maintenant que la date limite des transactions est passée. Elles ne viendront pas non plus de Laval ; si Cole Caufield est rappelé, ce sera principalement pour son explosion en attaque, pas pour tasser les gros défenseurs adverses et gagner des luttes pour la rondelle. Pas à 20 ans et à 170 lb !

Bref, les solutions devront venir de l’intérieur. Le retour prochain de Chiarot pourrait aider, mais ça ne réglera pas comme par magie certains cas individuels comme Weber, justement, qui demeure méconnaissable depuis maintenant trop longtemps.

Et ces solutions devront venir rapidement, sans quoi le Canadien permettra à un rival que l’on tenait pour battu de remonter à la surface. Et de compliquer une fin de saison déjà chargée.

Dans le détail

Un rare but pour Kulak

Il est toujours dommage, pour un joueur qui marque rarement, de s’inscrire au pointage dans une défaite des siens. C’est un peu la raison pour laquelle Brett Kulak avait la célébration sobre après la rencontre, lui qui avait pourtant mis fin à une séquence de 95 matchs de saison sans buts – 105 si l’on inclut les séries éliminatoires de l’été dernier. Il a accepté une passe de Jonathan Drouin au centre de la patinoire et a foncé en zone adverse. Faisant fi de la couverture de Noah Hanifin, il s’est retrouvé seul devant Jacob Markström, qu’il a déjoué d’un joli tir du côté du bouclier. Le défenseur a ainsi inscrit son 9e but dans la LNH. « L’équipe ne s’attend pas à ce que je crée de l’attaque, a dit Kulak. Je ne sens pas de pression, ce n’est pas mon style. Mais s’il y a une ouverture, j’y vais. » Alexander Romanov, avec 36 matchs, « revendique » maintenant la plus longue séquence active sans buts chez le Canadien.

Faux départs

Dominique Ducharme a mis l’accent sur le fait que son équipe avait passé beaucoup trop de temps dans sa zone. Les raisons de ces insuccès sont multiples, mais un chiffre saute aux yeux : le Canadien n’a remporté que 4 des 21 mises au jeu dans son territoire à cinq contre cinq. Eric Staal (2 sur 3) a bien fait, mais Phillip Danault (1 sur 9), Nick Suzuki (1 sur 4) et Jesperi Kotkaniemi (0 sur 4) ont été pitoyables. Avec un peu plus du quart de la saison à écouler, il commence à se faire tard pour apporter des correctifs durables à ce chapitre, surtout pour les plus jeunes joueurs de centre, a convenu Ducharme. « Ils doivent prendre des mises en jeu contre des gars qui le font depuis 10, 12, 15 ans dans cette ligue et qui ont pas mal de trucs dans leur coffre à outils », a-t-il souligné. La conséquence est évidente : « Quand tu n’as pas la rondelle, il faut que tu coures après. » Sur le même sujet, le gardien des Flames, Jacob Markström, a fait remarquer que le fardeau ne revient pas qu’aux joueurs de centre. « Les ailiers et les défenseurs doivent être alertes pour sauter sur la rondelle. C’est un effort collectif », a-t-il rappelé.

Plus de temps à perdre

L’entraîneur-chef des Flames a beau prétendre que ce n’est pas le cas, ses hommes ont bel et bien déployé la proverbiale « énergie du désespoir ». Les Flames ont un important retard à combler sur le Canadien au classement – quatre points avec trois matchs de moins à jouer –, mais ils n’ont pas encore baissé les bras. Surtout pas avec quatre autres duels à disputer contre le Tricolore au cours des 10 prochains jours. « Il fallait commencer du bon pied, et on l’a fait, a reconnu le défenseur Noah Hanifin. Ça nous donne une bonne base pour la suite. » Les Flames ont maintenant remporté leurs trois derniers matchs, contre trois des quatre meilleures équipes de la division Nord au demeurant. Arrivé à la tête du club au mois de mars, Sutter a rappelé que ses hommes avaient récemment profité du congé imprévu causé par l’éclosion de COVID-19 chez les Canucks de Vancouver, ce qui a permis à son équipe de s’entraîner et de renforcer sa « structure ». « C’est du travail difficile à faire en jouant match après match. Ça prend des entraînements, a-t-il dit. Une fois que la structure est en place, on peut s’y fier dans les moments où ça se passe moins bien. »

Ils ont dit

Ce soir, on n’avait pas assez de joueurs qui jouaient à leur plein potentiel. On a besoin de plus de certains joueurs.

Dominique Ducharme

On n’arrive pas à envoyer des rondelles au filet. Il faut que les tireurs trouvent une solution, au lieu que nos tirs soient bloqués et que le jeu reparte dans l’autre direction.

Nick Suzuki

On se bat nous aussi pour une place en séries. Les matchs qui s’en viennent contre eux seront gros. On doit être désespérés.

Nick Suzuki

Avec la quantité de vidéos qu’on regarde, les choses sur lesquelles on travaille à l’entraînement, on a plein de temps pour travailler sur le système. C’est mental. On doit se concentrer sur notre style, et peu importe ce qui arrive, on doit se fier à ça. Avec la séquence qui s’en vient, on doit être au sommet de notre jeu.

Jeff Petry

On a des joueurs de tous les styles. Notre système peut battre toutes les équipes. On sait qu’on a les joueurs pour faire le travail, se rendre loin et gagner la Coupe Stanley. On aimerait recommencer ce match.

Brett Kulak

On a connu un bon départ. On savait qu’on devait envoyer des rondelles derrière leurs défenseurs et jouer de manière très rapide contre eux. On l’a fait les dernières fois et il fallait le faire de nouveau. On s’attend à un autre gros match [vendredi].

Noah Hanifin, sur les quatre victoires de suite des Flames contre le CH

Notre équipe n’a jamais eu de problème de confiance en soi. Le problème, c’était son incapacité de jouer au rythme du reste de la ligue. Ce n’est pas quelque chose qui se change du jour au lendemain.

Darryl Sutter, sur les récents succès de son club

Il nous reste 13 matchs, et même si [Jacob Markström] les joue tous, ça lui fera à peu près le même total que l’an dernier. Ce n’est pas grand-chose pour lui.

Darryl Sutter

Il n’y a rien que j’aime davantage que de sauter sur la glace avec 20 gars qui veulent gagner autant que moi. C’est pour ça qu’on joue au hockey. Je me sens bien, je suis prêt.

Jacob Markström, sur le même sujet

En hausse

Josh Anderson

Il a bien failli ouvrir la marque dès sa première présence et a joué avec intensité toute la soirée.

En baisse 

Tomas Tatar

Ça allait très bien pour lui dernièrement, mais il a disparu mercredi.

Le chiffre du match

3

C’est le nombre de buts du Canadien dans les quatre derniers matchs contre les Flames. Ce sont eux, la véritable bête noire du Tricolore…