Dominique Ducharme a une tâche beaucoup plus complexe qu’on pourrait le croire.

Un entraîneur recrue, intérimaire par surcroit, aura la vie plus facile avec un jeune club. Ce même entraîneur devra éviter les pièges avec une équipe bondée de vétérans. Il doit carrément éviter les mines avec une formation dotée à la fois de vétérans et de jeunes premiers !

Assez délicat d’envoyer un éventuel membre du Temple de la renommée, Eric Staal, 1032 points en carrière, gagnant d'une Coupe Stanley, sur un quatrième trio dès son premier match à Montréal. Alors on tasse le jeune Kotkaniemi à l’aile pour ne pas faire de vagues.

Il faut garder ses leaders heureux. On tente d’accommoder Shea Weber en lui offrant le meilleur défenseur gaucher disponible après la perte de Ben Chiarot, quitte à séparer sa meilleure paire. On veut relancer le capitaine.

Difficile aussi d’engueuler Corey Perry, 386 buts en carrière, gagnant d'une Coupe Stanley, après un écart de conduite en troisième période.

D.J. Smith dispose à Ottawa d’une liberté que Dominique Ducharme n’a pas à Montréal. Le meilleur défenseur des Sénateurs a 24 ans. Les autres sont plus jeunes ou guère plus âgés que Thomas Chabot. Les leaders à l’attaque ont tous 23 ans ou moins. Et l’équipe n’a rien à perdre.

Ducharme doit à la fois gagner et ménager les susceptibilités. S’il « perd son vestiaire », c’est-à-dire l’appui de ses vétérans, il est cuit. Il le sait. Surtout avec un titre par intérim.

Les trois défaites consécutives, la semaine dernière, ont peut-être fourni à Dominique Ducharme l’occasion de manœuvrer davantage à sa guise lundi soir contre Toronto.

Il a enfin réuni Joel Edmundson à Jeff Petry et en a fait sa première paire pour affronter le redoutable duo composé d’Auston Matthews et de Mitch Marner.

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Jeff Petry et Joel Edmundson

Edmundson a joué 26:46, un sommet cette saison, et Petry 25:40. Weber s’est contenté de 21:13 au sein d’une deuxième paire avec Brett Kulak, utilisé avec parcimonie.

L’entraîneur des Leafs Sheldon Keefe a tenté de jouer au chat et à la souris avec son meilleur trio, mais l’entraineur des défenseurs Luke Richardson a pu utiliser Petry et Edmundson presque en tout temps contre Matthews. Celui-ci a marqué son seul but du match lors d’une rare présence contre Weber et Kulak.

Dans les quatre dernières minutes, avec une mince avance d’un but à protéger, Ducharme a réduit son groupe défensif à quatre. Weber a fait la paire avec Petry et Edmundson avec la recrue Alexander Romanov. Celui-ci a non seulement été efficace dans cette situation, mais il a frappé solidement Matthews le long de la rampe, avant de mettre Marner sur le derrière près du filet de Jake Allen. En voilà un qu’on ne pourra garder éternellement sur une troisième paire.

À l’attaque, Ducharme a replacé Kotkaniemi au centre, avec Josh Anderson et Jonathan Drouin, et ce trio a été très dynamique. Avec un peu d’opportunisme de ses ailiers, Kotkaniemi aurait obtenu au moins une passe, sinon deux. Le jeune homme a été fort efficace sur 200 pieds du début à la fin du match. Kotkaniemi a aussi été le plus efficace au chapitre des mises en jeu avec un taux d’efficacité de 69 %.

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Jesperi Kotkaniemi

Staal a été rétrogradé au centre du quatrième trio avec Corey Perry et Artturi Lehkonen, un poste qui sied mieux à ses capacités actuelles. On lui a quand même donné une présence en fin de troisième entre Anderson et Drouin pour protéger l’avance.

Phillip Danault a disputé un autre match gigantesque au centre de Tomas Tatar et Paul Byron. Faudra le mettre sous contrat rapidement ce Danault. Le CH ne peut s’en passer. Il a encore été le centre le plus utilisé de son club lundi (18:32), devant Kotkaniemi (14:34), Suzuki (13:44) et Staal (12:12). Logique.

Ducharme a coaché avec ses tripes lundi. Marc Bergevin aura peut-être lui aussi des décisions douloureuses à prendre à la fin de la saison. On prend pour acquis le départ de Tomas Tatar en raison de la situation salariale du CH.

Mais pourrait-il devoir choisir entre Drouin et Tatar ? Drouin touche 5,5 millions par année pour les deux saisons suivantes. En liquidant son contrat, par un échange ou le repêchage de l’élargissement des cadres, on peut se permettre de garder Tatar. Mais les deux ne pourront sans doute pas rester en même temps.

L’arrivée de Ducharme devait relancer Drouin, son ailier de confiance dans les rangs juniors avec Halifax. Le contraire s’est produit. Drouin s’est éteint et Tatar a rebondi. Tatar, auteur de deux buts lundi, a 18 points, dont 6 buts, en 21 matchs depuis l’arrivée de Ducharme. Drouin en a dix, mais n’a toujours pas marqué pour son nouvel entraîneur.

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Tomas Tatar et Phillip Danault

À la défense de Drouin, il a quatre ans de moins que Tatar, 30 ans. Mais Tatar forme avec Danault et Gallagher le trio le plus efficace de l’équipe depuis plusieurs années.

Il reste encore beaucoup de hockey à jouer. Drouin a le temps de nous faire mentir. Et Tatar de connaitre d’autres séries éliminatoires discrètes.

À lire

1- Richard Labbé a profité de son analyse du match de lundi entre le Canadien et les Leafs pour rappeler que ces deux clubs-là ne se sont pas affrontés en séries depuis… 1979.

2- Alexandre Pratt n’est pas très optimiste pour la suite des choses chez le Canadien, statistiques à l’appui. Le résultat du match de lundi lui aurait-il fait changer d’avis ? Connaissant Alexandre, probablement pas !

3- Analyse des principaux échanges survenus dans la LNH depuis trois jours.