Cela fera bientôt deux ans jour pour jour.

Le 6 avril 2019, un tout jeune Ryan Poehling réussissait un tour du chapeau à son premier match dans la LNH et ajoutait un filet supplémentaire en tirs de barrage.

Les partisans montréalais n’ont rien oublié de cette soirée magique, sorte de baume sur une saison qui se terminait (encore) sans séries éliminatoires.

Deux années ont passé, donc. Et voilà que, ces jours-ci, l’Américain connaît ses meilleurs moments au hockey professionnel depuis ce jour où on lui a décerné la première étoile du match au Centre Bell.

Juger le parcours de Ryan Poehling depuis qu’il a tenté un saut direct de la NCAA à la LNH, c’est se demander si l’on désire voir le verre à moitié vide ou à moitié plein.

Le verre à moitié vide, c’est un énième choix de premier tour du Canadien (25e au total en 2017) qui tarde à éclore. Un joueur qui n’a disputé que 28 matchs dans la LNH à ce jour et que la récente acquisition d’Eric Staal vient de faire reculer d’un rang dans la hiérarchie de l’organisation. C’est aussi un espoir dont le nom n’a pas été prononcé par Marc Bergevin dans un récent point de presse au cours duquel il a donné son opinion sur quelques jeunes patineurs du club.

Le verre à moitié plein, c’est un rappel que Poehling n’a que 22 ans et que, de son propre aveu, il « revient de loin ». Qu’il a vécu, sans doute bien trop vite pour lui, une transition qu’il aurait dû traverser avec plus de circonspection.

Les deux dernières années ont été remplies « de beaucoup d’adversité et de beaucoup d’apprentissages », a-t-il reconnu jeudi en point de presse.

Une commotion cérébrale l’a privé d’une partie du camp d’entraînement et du début de la saison 2019-2020. À son retour au jeu, avec le Canadien, il n’était employé que sporadiquement, sur le quatrième trio, avec une contribution offensive à l’avenant : pauvre, voire nulle.

Le détour imposé par la Ligue américaine n’a pas été bien davantage couronné de succès. À peine 13 points en 36 matchs, à un niveau où on le voyait pourtant jouer un rôle dominant. Est ensuite arrivée la pause imposée par la pandémie de COVID-19. Plus de neuf mois sans hockey, pendant lesquels Poehling dit s’être concentré sur des éléments « hors de la patinoire ». Au cours d’une récente entrevue, il a même indiqué s’être rappelé « les raisons pour lesquelles il joue au hockey ».

Temps et efforts

Cette introspection semble finalement porter ses fruits. Après un début de campagne tranquille avec le Rocket de Laval, Poehling vient d’inscrire 11 points à ses 10 dernières rencontres. Désormais employé exclusivement au centre, il totalise 15 points en 20 matchs, un rythme de production semblable à celui qu’il soutenait au cours de ses années à l’université.

Les 24 derniers mois ont été « des montagnes russes », a convenu Poehling, jeudi. « Mais je n’aurais pas voulu que ce soit différent, assure-t-il. Accéder directement au sommet, ça fonctionne pour certains gars, mais on n’a pas tous le même parcours. »

Demeurer avec le Tricolore dans le rôle effacé qui lui était dévolu l’aurait contraint, selon lui, « à rater les petits détails » qui permettent non seulement de jouer quelques saisons dans la LNH, mais d’y connaître du succès pendant un bon moment.

En fait, les points qui s’accumulent lui permettent de réaliser l’objectif qu’il s’était fixé : « Faire de mon mieux dans la Ligue américaine afin de montrer le joueur que je suis. »

Pour Joël Bouchard, entraîneur-chef du Rocket, ce n’est pas la présence de Poehling sur la feuille de pointage qui témoigne le plus de sa progression, mais bien la manière dont il l’a vu, au fil des mois, « devenir un professionnel » – une expression qui lui est chère.

Le cheminement « n’est pas fini », insiste-t-il. Cela prendra encore « du temps et des efforts ». Néanmoins, « tout, dans la séquence de son jeu, est plus rapide », résume Bouchard.

Il pense moins, il joue plus en ligne directe, il est plus engagé, donc ça va plus vite.

Joël Bouchard, entraîneur-chef du Rocket, au sujet de Ryan Poehling

Poehling, poursuit Bouchard, a trouvé ses déclencheurs (trigger points). Pour illustrer son point, l’entraîneur a évoqué une conversation qu’il avait eue le matin même avec son joueur, à l’entraînement, pour identifier une lacune et trouver une solution. « Ça a pris 15 secondes. »

Anecdotique, cette remarque témoigne tout de même d’un joueur « plus sûr de lui » et dont le jeu est teinté de « moins de doutes ».

« Même quand il fait des erreurs, ça l’affecte moins », a poursuivi Bouchard, qui décrit un joueur qui, sur la glace et ailleurs, commence « à trouver la recette de son succès » et « à devenir le joueur qu’on veut qu’il devienne sur 200 pieds ».

Confiance

Cette confiance est palpable dans une vidéo publiée sur le site du Rocket. On y suit Poehling au cours du match du 19 février, le troisième de la saison.

On a soudain accès à un joueur volubile, sur la glace comme sur le banc. À la période d’échauffement, on l’entend donner des conseils à Jesse Ylonen, qui en était encore à ses premiers pas en Amérique du Nord. « On va avoir beaucoup de fun », prédit-il alors.

Le fait est que, malgré la présence de nombreux vétérans chez le Rocket, près de la moitié des attaquants du club sont soit plus jeunes, soit moins expérimentés que Poehling, qui n’a pourtant pas encore disputé 100 matchs chez les pros.

Son ascendant sur ses pairs est déjà palpable, encore davantage ces jours-ci, alors que Lukas Vejdemo, Alex Belzile et Jordan Weal sont sur la touche.

« C’est une grosse partie de ce que je peux apporter à l’équipe, estime l’attaquant. Je veux aider les gars, me faire entendre. Si je fais de bonnes choses, j’espère que d’autres [joueurs] suivront. »

L’histoire ne dit pas si Ryan Poehling s’établira comme joueur régulier dans la LNH, encore moins s’il deviendra un joueur d’impact. Mais chez le Rocket, il semble avoir trouvé une niche où il peut faire la différence.

Au sein d’une organisation abonnée aux choix de premier tour gaspillés, c’est déjà beaucoup.