Dernier match disputé au Forum de Montréal : « Une soirée historique »

La première chose qui me vient en tête, c’est évidemment l’ovation à Maurice Richard. Je n’en revenais pas ! Voir tous les capitaines se passer la torche d’un à l’autre était aussi très émouvant.

Pendant le confinement, j’ai revu le match à la télé. On était conscients du côté historique du moment à l’époque, mais 25 ans plus tard, je réalise que c’est encore plus important que je le croyais. Tu regardes toutes les légendes du club qui étaient là. […] On savait que les anciens joueurs étaient aimés, mais on a pu réaliser que Maurice Richard, c’était une coche de plus. Lui-même a semblé surpris !

L’ovation ne semblait jamais finir ! Et à la fin de la cérémonie, j’ai raccompagné Henri Richard au vestiaire. Ça fait 25 ans et je m’en souviens comme si c’était hier.

Mon moment à moi, c’est quand je suis sorti de la glace avec Maurice Richard. En fait, juste être là, avec toutes ces légendes, tous ces joueurs que j’ai admirés dans ma jeunesse, c’était incroyable.

Quand j’étais petit, le hockey n’était pas ce qu’il était maintenant : le samedi soir, à la télé, c’était celui de Montréal ou celui de Toronto. Alors tu aimais l’un ou l’autre. J’adorais le Canadien [il est originaire de la Colombie-Britannique]. Je savais tout ce que représentait cet édifice pour la ville de Montréal, et même pour la province de Québec.

Avant de jouer mon premier match au Forum [en novembre 1988] avec les Bruins de Boston, j’y étais allé une seule fois dans ma vie pour voir un match. Ça restait pour moi un endroit mythique. [En 1995-1996], c’était ma première année avec le Canadien. J’étais content de revenir jouer dans mon patelin, pour l’équipe que j’ai admirée plus jeune. Alors “fermer” le Forum en plus, c’était beaucoup d’émotions pour moi.

Tout jeune, Guy Lafleur était mon idole, au point que mes coéquipiers me surnommaient Guy. Je savais tout de l’histoire du club. Ç’a toujours été mon équipe favorite. Alors je savais très bien ce que ça représentait, de “fermer” le Forum. À quel point c’était une soirée historique.

Quand j’étais jeune, je ne manquais pas un match à la télé et je rêvais d’aller au Forum. Ça arrivait aux deux ou trois ans, environ. J’étais là le soir du Vendredi saint, en 1984, j’avais neuf ans… On s’était couchés tard ! […] [Comme joueur], il n’y a pas eu une journée où ça n’a pas été spécial de fouler la glace du Forum.

C’était un match qui était attendu avec émotion de notre côté aussi. Bob Gainey [directeur général], Doug Jarvis [entraîneur adjoint] avaient joué pour le Canadien, Guy Carbonneau et Craig Ludwig aussi. Il y avait beaucoup de connexions. […] Même pour nous, les joueurs, c’était spécial. J’avais demandé à notre gérant de l’équipement qu’il me trouve des chandails-souvenirs de l’évènement !

On voulait absolument gagner ce match-là. On était prêts, très motivés à gagner. Ç’aurait été catastrophique de terminer cette histoire-là avec une performance discutable.

Après la rencontre, notre entraîneur Ken Hitchcock était furieux, et quand il a quitté le vestiaire, j’ai dit à mes coéquipiers : on devait affronter cette équipe, mais environ 1000 fantômes aussi. C’est le souvenir le plus précis que j’ai de ce soir-là. Peu importe qu’on ait été bons ou mauvais, il n’y avait aucune chance qu’on gagne.

Je garde surtout en souvenir une photo unique, affichée chez moi encore aujourd’hui. J’y apparais avec Saku Koivu, Brian Savage, Mark Recchi, Pierre Turgeon, Vincent Damphousse… Ils l’ont tous signée. Alors chaque jour, je repense à ce match.

C’est drôle, je me souviens surtout de Guy Carbonneau. C’était un retour émotif pour lui. [C’était le premier match de Carbonneau au Forum depuis que le Canadien l’avait échangé en 1994.]

C’était l’époque où le hockey se tournait vers des édifices plus modernes, avec de luxueuses loges corporatives. Cela n’empêche pas que le Forum était encore un très bel endroit. Il faut dire que j’arrivais du McNichols Arena, à Denver, qui était beaucoup moins beau que le Colisée de Québec ou le Forum !

Chacun de ces vieux arénas avait une conception unique. À Boston et à Chicago, la patinoire était plus petite. Les spectateurs étaient moins nombreux, mais le son résonnait tellement que ça nous semblait plus bruyant. Au Stadium de Chicago, l’orgue jouait à tue-tête et les spectateurs semblaient suspendus au-dessus de nous. C’était indescriptible.

J’ai eu la chance de jouer dans beaucoup de vieux édifices : le Boston Garden, le Maple Leafs Gardens, le Forum… Le souvenir que j’en garde, c’est l’odeur. À l’époque, il était permis de fumer à l’intérieur. Alors quand on entrait, on était happés par une odeur musquée. C’était unique.

Même s’il y avait d’autres évènements comme des concerts, on sentait bien que le Forum était un endroit d’abord consacré au hockey. Il y régnait quelque chose de spécial. C’était très facile d’y arriver, de se concentrer et de jouer. La partie la plus difficile, c’était d’y affronter le Canadien ! [Au cours de sa carrière, Moog a disputé 20 matchs en saison et 12 matchs en séries éliminatoires au Forum.]