Ça se passait le 6 janvier 2006. Arrivé en catastrophe de la Ligue américaine, un jeune Shea Weber dispute son premier match de la LNH. Les Predators mènent 1-0 quand il écope d’une punition en fin de deuxième période. Assis au cachot, il voit Nicklas Lidstrom créer l’égalité, le premier de trois buts sans riposte des Red Wings, qui l’emporteront 3-1.

Weber l’admet, ses souvenirs de ce premier match sont flous. « Je me rappelle que j’avais reçu une punition. À ce moment-là, je me demandais probablement si j’allais obtenir une autre chance. Je suis content que Barry Trotz et les entraîneurs aient cru en moi ! »

Weber a eu plus qu’une autre chance ; il en a eu 999 autres. Mardi soir, il disputera le 1000e match de sa carrière.

Weber deviendra donc le 349e joueur de l’histoire de la LNH à atteindre ce chiffre symbolique, le 24e parmi les joueurs actifs, et le 15e de l’incroyable repêchage de 2003.

« Quand tu es jeune, tu rêves de jouer dans la LNH, tu te l’imagines, mais c’est bien plus dur que ce que les gens réalisent, a expliqué le capitaine du Canadien, en visioconférence mardi matin. Me rendre ici est spécial. Je ne me serais jamais imaginé que ça durerait aussi longtemps, même si j’y rêvais. C’est irréel. »

C’est évidemment un 1000e match qui se jouera sans le décorum habituel. Il y aura bien sûr un hommage vidéo. Pour le bâton d’argent, ça ira à jeudi. Mais tout ça se fera sans sa famille et ses proches, sans spectateurs non plus.

« C’est un peu dommage. C’est un moment que j’aurais voulu partager avec les gens qui m’ont aidé à me rendre, a-t-il admis. Mais on n’y peut pas grand-chose. On doit juste trouver une autre façon de savourer la soirée. »

L’usine à défenseurs

On parlait des 349 joueurs dans l’histoire qui ont atteint le chiffre des 1000 matchs. Assez étrangement, parmi eux, il y en a quatre qui jouaient à la ligne bleue des Predators à l’époque. Ryan Suter (1152 matchs), Dan Hamhuis (1148), Kimmo Timonen (1108) et maintenant Weber ont tous atteint le chiffre magique. C’est sans oublier Marek Zidlicky, qui en a disputé 836 même s’il est arrivé dans la LNH à 26 ans !

Visiblement, les Predators ont toujours eu du flair pour les défenseurs. Après cette génération, il y a eu le groupe actuel avec Roman Josi, Ryan Ellis et Mattias Ekholm…

« Ils ont vraiment bien repêché et développé de bons jeunes défenseurs, a résumé Weber. Certains passaient par Milwaukee, d’autres arrivaient directement dans la LNH, et certains ont dû passer par l’ECHL. Ils ont développé de bons joueurs qui ont connu de longues carrières. »

Weber remonte encore plus loin, jusqu’à Rick Berry, en fait. Berry était son coéquipier à Milwaukee, dans le club-école des Predators. C’était un défenseur qui comptait alors 197 matchs d’expérience dans la LNH, et qui s’établissait comme un vétéran de la Ligue américaine.

« Il m’a aidé à m’habituer à la vie chez les pros. J’ai souvent soupé chez lui, on habitait dans le même édifice. Sinon, Greg Zanon, Kevin Klein, Ryan Suter, Kimmo Timonen, Dan Hamhuis, plusieurs gars m’ont montré la voie à suivre. Mais Rick m’a vraiment aidé à m’établir dans le pro. »

À 35 ans, le numéro 6 se tourne maintenant vers d’autres modèles pour la suite de sa carrière. Parmi les joueurs qu’il admire le plus, il nomme Zdeno Chara et Duncan Keith. « Chara s’est toujours adapté. Il a joué à un haut niveau pendant plusieurs années. Sinon, Duncan Keith a joué longtemps, il a tout gagné et il a une carrière digne du Temple de la renommée. »

Quel héritage ?

Weber n’est pas exactement le joueur qui recherche le plus l’attention. Il suffit de le voir parler en public pour constater son malaise.

C’est pourquoi il a refusé d’aller dans les détails sur ses attentes pour le match de mardi soir. « Je ne sais pas à quoi m’attendre. C’est une soirée spéciale, mais c’est aussi le deuxième match en deux soirs contre une équipe qui sera affamée. »

Marc Bergevin parle souvent de la culture qu’il souhaite que Shea Weber et Carey Price instaurent chez le Canadien, et ce genre de propos en était un exemple parfait. Tout ça semble toutefois bien inconscient chez Weber, et ça a sauté aux yeux quand il a été interrogé sur l’héritage qu’il souhaite laisser à Montréal.

« Je ne sais pas, c’est aux autres de dire ça. Honnêtement, je ne pense pas à mon héritage. Mon travail est d’être un bon coéquipier et aider le Canadien à gagner. Le reste, ça viendra tout seul. Tous ceux qui ont gagné savent à quel point c’est spécial et ceux parmi nous qui n’ont pas gagné veulent vraiment vivre ça. »

On peut en effet parler de culture d’organisation et d’exemple, il reste que le meilleur héritage qu’il puisse laisser, ce serait une Coupe Stanley. En 15 ans de carrière, il n’en est pas encore passé proche. On verra si ça changera dans les prochaines années.