Chaque semaine, deux journalistes de la section des sports s’affrontent dans une joute rhétorique parfois sérieuse, souvent moins. Cette semaine, Richard Labbé et Simon-Olivier Lorange s’interrogent sur le calendrier de la LNH calqué sur celui du baseball majeur.

Richard

Salut, Simon-Olivier ! J’espère que tu vas bien. Comment te traite 2021 jusqu’ici ? Je ne sais pas si, comme notre collègue et ami Guillaume, tu t’ennuies de voyager aux États-Unis, et particulièrement dans des destinations exotiques comme Buffalo ? Moi, je vais te le dire, ça me manque un peu, surtout que le Canadien avait l’habitude d’aller revirer en Arizona en février, et tu sais, dans la vie, il y a peu de choses aussi agréables que l’Arizona en février. Mais en attendant, on a le Canada, et aussi plusieurs matchs de suite dans la même ville, ce qui rappelle un peu le baseball, mais sans le tabac à chiquer et l’astroturf de ma jeunesse. Et puis, tu vois, le Canadien vient de faire deux soirs à Edmonton, et ensuite trois soirs à Vancouver, contre la même équipe. J’ai cru comprendre que notre ami Gary (Bettman, pas Cherone, que je salue par ailleurs) a déjà laissé entendre que le calendrier de style baseball n’allait pas revenir, mais moi, j’y ai déjà pris goût. Toi ?

Simon-Olivier

Estimé camarade, je pète le feu, merci de le demander, et j’espère que tu rayonnes autant que je l’imagine. Un peu comme un attaquant blanchi à ses 10 premiers matchs, j’utiliserai volontiers l’excuse que je « cherche encore mes repères » sur cet enjeu. Comme tout le monde, j’ai bien aimé la série aller-aller contre les Oilers. Du jeu intense et un solide crescendo narratif pour mettre la table à l’approche du match-revanche. Mais trois matchs de suite ? Ça me semble beaucoup. Et encore, cette saison est assez prometteuse puisque les équipes de la division Scotia (c’est la seule fois que je vais l’écrire d’ici juillet, promis) ont toutes un petit quelque chose qui les rend intéressantes. Mais des séries de deux, trois matchs contre les Red Wings de Detroit ? Contre les Panthers de la Floride ? Merci, mais non, merci.

Richard

C’est bien là où l’on voit les trois ou quatre gouffres générationnels qui nous séparent, jeune collègue. Une série de style baseball contre les Panthers, sous les palmiers de Sunrise, avec la piscine de l’hôtel comme seule source de distraction, et puis toi, tu craches dans la soupe et tu dis non ? Dans mon temps, on a déjà obligé des collègues à aller couvrir du soccer pour moins que ça. Remarque bien qu’en effet, c’est peut-être une question d’âge : moi, à 49 ans, poser mes valises au même endroit quatre soirs de suite sans avoir à courir à l’aéroport pour ne pas rater ma correspondance sur Newark (exemple choisi au hasard), ça me parle. Je te dirais même que ça fait mon affaire. As-tu pensé aux points bonis dans les hôtels ? Moi, oui.

Simon-Olivier

Je ne sais pas comment recevoir cet argument, venant d’un passionné de ta trempe qui, s’il le pouvait, recevrait sans doute sa paye directement en points d’hôtels. Cela étant, je t’entends sur Sunrise, c’est en effet un pensez-y-bien. Je t’amène toutefois ailleurs : regrouper les affrontements avec – exemple fictif – les Devils du New Jersey, ça semble faire consensus. C’est comme une discussion sur le nouveau logo du Club de Foot Montréal : personne n’en veut davantage.

Est-ce que l’amateur et l’expert gagneraient à ce que le Canadien et les Bruins de Boston ne se croisent que deux ou trois fois pendant la saison pour expédier tous leurs affrontements ? Je coche non.

Richard

Je présume que le retour à la normalité nous ramènera aussi les calendriers de 82 matchs… et plus de matchs aussi contre ces bons vieux Bruins. Comme au baseball ou dans la NFL, ne pourrait-on pas, au hockey aussi, procéder à une rotation des adversaires ? Ainsi, le Canadien ne jouerait pas contre tout le monde chaque année. Ce qui me semble assez évident, c’est que ces séries de matchs vont mener à des rivalités, et y a-t-il quelque chose de plus vendeur que des rivalités ? Je te le demande.

Simon-Olivier

À ta question, Richard, la réponse est non : il n’y a rien de plus vendeur que des rivalités, sauf peut-être un troisième chandail au design hip, pour peu qu’il n’implique pas les rayures d’un salon de barbier ou un flocon de neige. Par contre, je crains que tu n’aies une vision un peu trop « à la carte » d’une future saison de la LNH. De longs passages à Sunrise, davantage de matchs à Boston, des années sans croiser certains clubs… Vous êtes comme ça, vous, les jeunes, à vouloir le beurre et l’argent du beurre. Mais sache, cher ami, que la vie, la vraie, c’est aussi d’affronter le Wild du Minnesota, l’équipe qui nous a appris que si Wes Walz et Antti Laaksonen ont eu droit à une carrière, tout le monde a sa chance. Et ça, ça n’a pas de prix.

Richard

Bon point. Mais je pense qu’en premier lieu, la LNH doit se laisser du « lousse », comme on dit, et voir un peu les résultats de la présente saison. Ainsi, si jamais les chiffres de la télé explosent et que les fans en redemandent, je pense qu’il serait sage d’être à l’écoute. Tu me diras que la saison n’est vieille que de quelques jours à peine et ma foi, tu as raison de le dire, mais il me semble détecter un début de buzz que je n’ai pas détecté depuis une mèche avec ce nouveau calendrier et ces nouvelles divisions. Si le peuple veut trois matchs de suite face aux Canucks, qu’on les lui donne, sacrebleu !

Simon-Olivier

Sois rassuré, ce n’est pas le fruit de ton imagination : la naissance du début de buzz que tu détectes est bien réelle. Mais je pense qu’elle a davantage à voir avec les succès du Canadien et les buts qu’il marque à la pocheté qu’avec les séries de matchs contre les mêmes équipes. Si les Oilers avaient puni les Glorieux deux fois en trois jours, beaucoup de monde en aurait long à dire sur cette satanée division canadienne ! Et je me méfie un peu des risques de dérapage des enchaînements de deux ou trois matchs. Peut-être que Tyler Myers aurait quand même décapité Joel Armia si le Canadien et les Canucks avaient disputé un match unique, mais le « timing » était suspect. Je me range néanmoins derrière ton argument de l’« attendre et voir ». Si j’étais vacciné, je te prendrais même dans mes bras. Mais pas encore. J’ai hâte.