Le hockey de la Ligue nationale est de retour.

Enfin.

Et que je n’entende aucun ronchonneur protester que le peuple se satisfait « du pain et des jeux », alors que le monde s’écroule. C’est faux.

Au Québec, ça fait des mois que plus personne ne s’amuse. Il y a un couvre-feu. Les cinémas sont fermés. Les salles de spectacle aussi. On ne peut même plus acheter un livre en librairie. L’été dernier, il n’y a pas eu de festivals. Pas de Coupe Rogers. Pas de Grand Prix du Canada. Pas de Jeux olympiques. Pas d’Alouettes. Les ligues de garage sont à l’arrêt. Le hockey des enfants itou. La saison de la LNH vient de commencer, avec trois mois de retard.

Et le pain ? Ne m’en parlez pas. La boulangerie de mon quartier vient de passer au feu. Non, ça ne s’invente pas.

Le Canadien, donc, est de retour. On peut être pour. On peut être contre. Je suis dans le premier camp. Enfin, une courte pause – trois heures, trois fois par semaine – dans un cycle de nouvelles déprimantes et épuisantes. Mercredi, il y avait quelque chose de rassurant, de réconfortant à jaser d’autre chose que du virus ou de Donald Trump. À faire nos pronostics pour la saison. À remplir l’alignement de notre pool de hockey. À discuter des rumeurs d’échange les plus irréalistes à propos de Pierre-Luc Dubois.

« Je trouve ça fantastique qu’à 15 h 36, le mercredi 13 janvier, on parle du Canadien », a lancé mon collègue Patrick Lagacé dans son émission de radio à Cogeco, à la fin de notre discussion à propos de la nouvelle saison.

« Quand on préparait l’émission, je regardais les sujets, je me disais qu’il faut en parler. Et mon Dieu, des fois, je me dis que je m’ennuie de la diversité d’avant. Ça fait huit minutes qu’on parle du Canadien, et pas de la pandémie. Ça fait du bien. »

Quelques heures plus tard, l’arbitre a déposé la rondelle pour la première mise en jeu de la saison. Ou plutôt, il l’a relâchée. Comme un geste libératoire. L’air de défier le virus et de lui dire : ici, ce soir, fiche-nous la paix.

Les joueurs des deux équipes avaient hâte de renouer avec l’action. Ça paraissait. Les cinq premières minutes – haletantes, sans interruption – ont donné le ton à un match enlevant. Nous avons eu droit à un aperçu de tout ce que nous promet le Canadien cette saison.

De la vitesse.

De la puissance.

De l’intensité.

PHOTO DAN HAMILTON, USA TODAY SPORTS

Nick Suzuki a marqué un but et obtenu six tirs à Toronto mercredi soir.

Malgré la défaite de 5-4 en prolongation, le Canadien m’a plutôt impressionné. À la fin de la rencontre, j’ai noté plus d’éléments positifs que négatifs :

– Marc Bergevin nous avait vanté la vitesse de Josh Anderson. Le nouvel ailier du Tricolore est en effet un excellent patineur nord-sud. Sur son deuxième but, lors d’une montée contre John Tavares, il a fait passer le capitaine des Leafs pour une statue en bronze de Rodin. Aussi, lorsque Anderson reçoit la rondelle en zone adverse, pas de tataouinage. Il décoche. Il fut d’ailleurs le meneur des deux clubs avec sept tirs.

– Ses partenaires de trio, Nick Suzuki (un but, six tirs) et Jonathan Drouin (trois mentions d’aide), ont aussi connu un fort match. Les trois joueurs se trouvaient et se complétaient sur la glace. Prometteur.

– La saison dernière, les unités du Canadien en supériorité numérique étaient lamentables. Pas mercredi. Le Tricolore a réussi deux échappées et deux buts, dont un sur une magnifique longue passe d’Alex Romanov à Tomas Tatar. Le jeune défenseur russe a vite obtenu la confiance de son entraîneur, étant utilisé près de 22 minutes, et dans toutes les situations de jeu.

– Jesperi Kotkaniemi s’est démarqué en début de partie en soutirant deux pénalités aux Maple Leafs. Il fut plus discret par la suite. Il a terminé la soirée avec un seul gain en neuf tentatives au cercle des mises en jeu.

– Évidemment, si le Canadien a donné cinq buts, vous vous doutez bien que tout n’était pas parfait. Jake Evans et Paul Byron, sur le quatrième trio, doivent mieux jouer. Le premier n’a remporté qu’une seule mise en jeu. Le deuxième est rentré au banc lors du deux-contre-un qui a mené au but gagnant des Maple Leafs, en prolongation. À forces égales, les deux ont passé presque toute la soirée dans leur zone. Quant à Joel Armia, il a été invisible. Tellement qu’il n’y avait qu’une donnée à côté de son nom après le match. Une mise en échec.

Il y a donc eu du bon. Du moins bon. Mais surtout, un interlude. Un entracte de trois heures, pendant lequel nous nous sommes préoccupés de statistiques pas mal moins importantes que celles de la pandémie.