Chaque semaine, deux journalistes de la section des sports s’affrontent dans une joute rhétorique parfois sérieuse, souvent moins. Cette semaine, Guillaume Lefrançois et Richard Labbé tentent de trouver qui sera le joueur le plus détesté dans la division canadienne de la LNH.

Guillaume :
Salut, chef ! Es-tu aussi excité que nos amis du Canada pour une division canadienne avec seulement des équipes canadiennes qui vont jouer dans des arénas vides au Canada ? Bon, si ton détecteur de sarcasme est fonctionnel, tu comprendras que je ne partage pas l’enthousiasme des collègues pour la nouvelle division Nord. En fait, cette division aurait été intéressante devant des partisans, car les foules divisées sont toujours les meilleures. Mais devant des gradins vides… j’ai mes doutes. Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’animosité et que les joueurs vont danser main dans la main, remarque. Il y aura des chicanes, des conflits et des querelles… comme il y en aurait eu si le Canadien avait affronté les Coyotes de l’Arizona 10 fois pendant la saison. Quoi qu’il en soit, comme nous respectons ici le principe de senpai et kohai, permets-moi de t’offrir la première chance de répondre à notre question de la semaine : qui sera le joueur le plus détesté de la division du Canadien ?

Richard :
En premier, Guillaume, je dois te le dire : je suis un peu déçu. Toi, en tant que fan de lutte professionnelle, tu es certes en mesure d’apprécier une bonne querelle dans un endroit avec pas de foule, non ? Si mes souvenirs sont exacts, les meilleurs moments de la lutte professionnelle sont souvent survenus devant pas de foule, par exemple la fois où « Stone Cold » Steve Austin, déguisé en docteur dans un moment d’anthologie, s’est rué sur un Vince McMahon impuissant et alité, le frappant à grands coups de petit pot à pipi. Toute la charge émotive de cette scène, Guillaume, a pu être vécue depuis son propre salon, à la maison, et il en sera de même lorsque le Canadien va se frotter aux Sénateurs d’Ottawa, tu sauras.

Au fait, ne crois-tu pas que ton ami Alex Galchenyuk pourrait mettre le feu à cette rivalité en devenir avec une couple de soirées de trois buts ?

Guillaume :
De la lutte ? Toi, tu sais comment me parler, chef ! Et justement, en tant qu’amateur de lutte, s’il y a une chose que je sais reconnaître, c’est un bon méchant. Et Alex Galchenyuk, je ne pense pas que j’aurais été debout à le traiter de pourri s’il avait lutté au Centre Paul-Sauvé dans le temps. Mais si on reste à Ottawa, il y en a un que j’invectiverais, et pas à peu près : Brady Tkachuk. Il était déjà mon premier choix de joueur qui peut raviver la rivalité Montréal-Ottawa, parce qu’il est aussi baveux que talentueux. Ajoute à cela le fait qu’il va affronter l’équipe qui a passé son tour quand est venu le temps de le repêcher, et je pense que tous les ingrédients sont réunis. Tkachuk va taper sur les nerfs des joueurs des six équipes canadiennes, mais je sens que ceux du Canadien vont le détester juste un petit peu plus. Tu trouves pas ?

Richard :
En effet, Tkachuk va faire un bon méchant, et au fait, puisque tu en parles, tu sais ce qui faisait le succès des belles soirées de lutte à Paul-Sauvé, à part l’épais nuage gris de Craven A qui flottait au-dessus de l’arène ? C’était les gérants ! Eddie « The Brain » Creatchman et Lord Alfred Hayes (que j’ai déjà croisé assis à la fontaine de la place Versailles, par ailleurs) n’avaient pas leur pareil pour mettre le feu avec des déclarations incendiaires, et je soupçonne qu’on sera bien servis dans la division Nord sur ce plan. Claude Julien est capable d’une couple de solides envolées lyriques, et je sens que ce sera la même chose depuis le banc des Jets de Winnipeg ou des Canucks de Vancouver. N’es-tu pas déjà excité ?

Guillaume :
Je pense que mes dents ont jauni simplement en lisant ta référence à Craven A. Quelle époque ! Claude Julien est en effet capable d’en sortir quelques-unes, mais le but du débat n’est pas de savoir qui sera la peste des arbitres. Car si c’était ça, le coach du Canadien partirait avec une longueur d’avance. Non, en fait, ma définition de peste est plutôt ce joueur qui va réellement taper sur le système de ses adversaires. Il n’en pleut pas nécessairement dans la division Nord. Je te parlais de Brady Tkachuk plus tôt, mais j’aurais aussi pu nommer notre Gaspésien préféré, Cédric Paquette. Ou, tant qu’à parler d’un Tkachuk, pas sûr que Matthew Tkachuk sera très reposant pour les équipes qui vont débarquer à Calgary. N’oublie pas non plus Sam Bennett. Il cogne dur, tellement que Don Cherry l’a déjà vanté dans le temps qu’il avait une tribune. Sur YouTube, cherche Sam Bennett (ajoute Flames, sinon tu vas tomber sur beaucoup de courses de vélo) et tu vas voir pas mal plus de mises en échec que de buts. Un peu troublant quand on sait que les Flames l’ont repêché au quatrième rang, mais bon, ça, c’est leur problème !

Richard :
C’est un peu drôle de te voir déballer toutes ces références aux Flames de Calgary, puisque la dernière fois qu’ils ont été détestés ici, ça remonte probablement à 1989, quand Lanny McDonald et sa moustache ont osé se promener avec la Coupe Stanley sur la glace sacrée du Forum (j’ai tout vu, j’étais plongeur à la Mise au jeu, je te raconterai un jour). Alors oui, il y a du détestable chez les Flames. Mais as-tu oublié de regarder dans notre propre cour ? Parce qu’à Brossard, il y a un certain Corey Perry qui attend son tour, et connaissant l’amour de Claude Julien pour les gars qui aiment brasser de la bouse, je peux déjà t’annoncer que Perry va finir par arriver dans la formation assez vite, et qu’il va, assez vite aussi, devenir le plus détesté du Canada.

Guillaume :
Je me questionne sur Perry. D’un côté, il n’a peut-être plus l’énergie de ses 25 ans pour être aussi détesté. D’un autre, je me rappelle son match en plein air l’hiver dernier, duquel il avait trouvé le moyen de se faire expulser… à sa première présence ! Faut le faire. Mais restons dans notre cour, comme tu le proposes. La réponse facile serait Brendan Gallagher, mais tu connais la chanson : la mort, les impôts, Gallagher qui tape sur les nerfs. Alors laisse-moi oser une réponse. Laisse-moi oser le mot en R. Comme dans Romanov. Une recrue qui a tout à prouver, qui brasse déjà ses coéquipiers à l’entraînement et qui a l’énergie du bon Dan Baillargeon dans notre ligue de garage. De la façon dont l’organisation nous vante Romanov sans arrêt, il ne devrait pas manquer de minutes de jeu non plus.

On dirait que je l’imagine déjà en découdre avec Zack Kassian ou Antoine Roussel. Voilà, mon choix est fait, Alexander Romanov sera la peste de la division Nord !

Richard :
C’est un excellent choix, je n’y avais pas pensé. Alors je crois qu’on vient de faire le tour des principaux suspects, comme on dit dans le monde de la philosophie. Tout ça me laisse croire qu’avec un calendrier condensé, avec des matchs contre le même monde soir après soir, il va se développer de solides rivalités dans cette division, et puis, Guillaume, pourrait-on même assister en cours de saison à une bataille de gardiens ? Je nous le souhaite.