« On regardait plus les résultats des tests que les classements. Ça en dit long. »

Luc Tardif s’est expliqué pendant de longues minutes en point de presse, mercredi. Mais au bout du compte, le constat était bien simple : le variant Omicron a gagné la course. Il faut maintenant ajouter le Championnat du monde junior à la liste des choses qu’il a fait dérailler.

Tardif, nouveau président de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF), a passé de longues minutes à répondre aux questions au sujet de l’annulation du Mondial junior, évènement phare du hockey international.

Le Québécois d’origine, Français d’adoption, a rappelé avec justesse, par exemple, que le tournoi, une tradition du temps des Fêtes pour les amateurs de hockey, n’était pas l’unique évènement compromis par la nouvelle vague de COVID-19.

« La LNH et des tournois féminins ont aussi subi des conséquences, a rappelé Tardif. On a fait des changements à nos protocoles, mais le variant était déjà en avance. »

Critiques

Tardif et les bonzes de Hockey Canada sont apparus plutôt combattifs à ce point de presse. C’est que, dans les heures qui l’ont précédé, les critiques ont fusé de partout.

Pour certains, les organisateurs ont baissé les bras trop rapidement. Les cas de COVID-19 avaient forcé l’annulation d’un match mardi et de deux autres mercredi, et une autre annulation était dans les cartons toujours pour mercredi. Il s’agissait là du résultat de deux cas dans l’équipe américaine, un dans l’équipe tchèque et un dans le camp russe. Mais ces annulations ont fait réaliser aux organisateurs que leur mission était impossible.

On était dans une impasse, et on n’allait pas pouvoir tout contrôler pour les matchs importants. Un forfait pour une demi-finale, on ne voulait pas ça.

Luc Tardif, président de la Fédération internationale de hockey sur glace

Pour d’autres, les critiques étaient plutôt liées à l’environnement des équipes. L’an dernier, le tournoi avait été disputé dans une bulle en bonne et due forme, sans spectateurs dans les gradins. Cette année, on a préféré parler d’un « environnement protégé ».

Les équipes se sont soumises à une quarantaine de 48 heures à leur arrivée en Alberta le 15 décembre, et devaient ensuite s’en tenir à des allées et venues entre l’aréna et l’hôtel.

Les conférences de presse se faisaient en mode virtuel, mais les réseaux diffuseurs faisaient partie de la bulle et pouvaient donc réaliser des rencontres en personne. TSN, par exemple, avait ainsi tourné un segment de chansons de Noël avec quelques joueurs d’Équipe Canada, dont Kaiden Guhle.

PHOTO JEFF MCINTOSH, LA PRESSE CANADIENNE

Contrairement à la bulle que la LNH avait créée lors des séries 2020, par contre, les hôtels n’étaient pas à l’usage exclusif des équipes, et d’autres clients y étaient aussi logés. Ce qui a donné lieu à des histoires qui ont circulé à droite et à gauche mercredi : un mariage organisé dans l’hôtel de Red Deer, où étaient logées les équipes, le bar d’un hall d’hôtel d’Edmonton bondé…

L’histoire du mariage a même été évoquée par Ivan Fenes, entraîneur-chef de la Slovaquie, qui s’est montré critique de l’organisation du tournoi.

« Dès le jour 1, les choses n’ont pas fonctionné comme prévu », a déploré Fenes, selon des propos rapportés par le descripteur tchèque Roman Jedlicka.

Même si nous étions contraints dans nos déplacements à l’hôtel et que nous ne pouvions pas sortir, il y avait des étrangers à l’hôtel dès le départ. Le mariage a vraiment été le fait saillant. C’est incompréhensible.

Ivan Fenes, entraîneur-chef de la Slovaquie

L’entraîneur-chef de la sélection américaine, Nate Leaman, et son homologue de la Finlande, Antti Pennanen, ont ajouté leurs voix aux critiques.

Les organisateurs se sont défendus en rappelant que des tests quotidiens de dépistage de la COVID-19 avaient été ajoutés au dernier moment, afin de maîtriser toute éclosion. Tardif a parlé de « 7000 à 8000 tests » de plus que ce qui était prévu.

Scott Smith, président de Hockey Canada, a décrit le défi de changer les protocoles dans un si court délai. « Au début, l’impression générale était que notre environnement était trop contraignant. Les équipes sont arrivées, et on a changé les choses dans les sept premiers jours. En 2020, les préparatifs avaient commencé début septembre, et ça avait évolué jusqu’à l’arrivée des équipes en décembre. Cette fois, il a fallu commencer les changements à six jours de préavis, avec les paramètres des hôtels à respecter. Nous croyons que nous avons amélioré au maximum l’environnement des équipes. »

Explosion des cas

Le contagieux Omicron, arrivé en Alberta environ une semaine plus tard qu’au Québec, a donc changé la donne au pire moment.

À l’origine, le tournoi devait même être présenté sans restrictions quant au nombre de spectateurs admis dans les arénas, mais le 21 décembre, soit cinq jours avant le début du tour préliminaire, une limite de 50 % de la capacité a été imposée, en raison de l’explosion des cas de COVID-19.

Au début du mois de décembre, l’Alberta comptait quelque 300 nouveaux cas par jour (moyenne mobile sur sept jours). Or, dans sa mise à jour du congé de Noël, le gouvernement albertain a déclaré 8250 nouveaux cas pour la période du 23 au 27 décembre, soit une moyenne quotidienne de 1650. Le bilan de mercredi : 2775 cas. En 24 heures…

Tournoi reporté ?

Maintenant, le tournoi est-il annulé ou reporté ? « Donnez-nous un mois pour y penser, et on arrivera peut-être avec une surprise », a lancé Tardif.

Il a en effet laissé entendre à quelques reprises qu’un report n’était pas exclu. L’opération s’annonce toutefois complexe. En avril et en mai, les équipes des trois circuits juniors canadiens sont en séries ; de nombreux joueurs seraient donc indisponibles.

Toujours en mai, c’est aussi le Championnat du monde sénior et le congrès annuel de l’IIHF. « Donc, ça nous mène en juin. Il faut regarder si les patinoires sont disponibles. Je ne m’avancerai pas », a-t-il dit.

On peut ajouter à cela des questions sur l’engouement que susciterait un tournoi en plein été, aux guichets comme à la télévision. Les séries de la LNH s’étireront assurément jusqu’à la fin de juin. Les cotes d’écoute de la finale 2021 de la Coupe Stanley, qui s’est conclue en juillet, ont laissé la LNH tiède. On peut aussi se demander ce que penseraient les équipes de la LNH de laisser leurs meilleurs espoirs jouer aussi tard en été, sachant le temps de récupération nécessaire en vue de la campagne 2022-2023.

Dans ces circonstances, le report du tournoi ressemble peut-être un peu plus à un vœu pieux.

Terminé pour Guhle, Mysak et Kapanen

PHOTO JASON FRANSON, LA PRESSE CANADIENNE

Kaiden Guhle (21)

Le Canadien comptait trois espoirs à ce tournoi : Kaiden Guhle (Canada), Jan Mysak (République tchèque) et Oliver Kapanen (Finlande), les deux premiers dans le rôle de capitaine. Les trois joueurs ont disputé deux matchs chacun. Mysak a inscrit un but, Guhle, une passe, tandis que Kapanen a été blanchi. Mysak a joué en moyenne 19 minutes par match, de loin le plus haut total de son équipe chez les attaquants.