Le Canadien ne gagne pas souvent cette saison, en partie par sa propre faute, en partie en raison des malchances qui s’accumulent sous forme de blessures.

Les hommes de Dominique Ducharme se sont offert une rare victoire, jeudi. Seulement leur septième de la saison, en fait, un gain qui met fin à une séquence de sept défaites. Mais dans les circonstances où a été enregistré ce triomphe de 3-2 en tirs de barrage, contre les Flyers, ils n’avaient pas tous le cœur à la fête.

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Parce que cette victoire a été acquise dans l’ombre d’une résurgence inouïe de la pandémie en Amérique du Nord. Pas besoin de chercher bien loin pour s’en rendre compte. Les gradins étaient vides. Le bruit de foule enregistré, auquel on s’était habitués l’an dernier, était absent. Le bon Gideon Zelermyer a même dû travailler en double, d’abord comme interprète des hymnes nationaux, puis comme partisan POM du match. Ça ne s’invente pas.

Et ça restera ainsi pour un certain temps. Les prochains adversaires du CH, les Bruins, sont attendus au Centre Bell samedi. Mais ils comptent actuellement sept joueurs soumis au protocole de la COVID-19. On est en droit de se demander si le match aura lieu ; les résultats des tests que passeront les Bruins ce vendredi en diront davantage.

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Le match du Canadien s’est déroulé à huis clos.

Ducharme a été assez direct. « On a assez d’affaires à s’occuper de notre côté que de gérer la COVID des autres équipes », a lancé l’entraîneur-chef.

Jonathan Drouin, lui, voyait les choses d’un œil différent. « C’est une question difficile… Je ne suis pas tant à l’aise de jouer avec des gens qui ont peut-être la COVID. Quand tu es rendu à sept gars dans l’équipe… Demain matin, il peut y en avoir trois autres. Moi, je ne me sens pas à l’aise de jouer avec ça. Ce n’est pas ce qu’on s’était fait dire cette année avec les vaccins. C’est sûr que les choses changent avec des moments comme ça. Mais ce n’est pas vraiment idéal. »

Dauphin, le battant

Le climat est lourd, mais Laurent Dauphin, lui, tente de profiter du bon vieux moment présent au maximum.

Il faut connaître le parcours de ce Québécois pour comprendre ce qu’il tente d’accomplir. Choix de deuxième tour en 2013, il a été incapable de s’établir dans la LNH, si bien qu’il dispute cette saison ses premiers matchs dans la grande ligue depuis la campagne 2018-2019.

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Laurent Dauphin

Voilà que les nombreux blessés lui ouvrent la porte. Le match de jeudi était son cinquième de suite dans la LNH. Son but égalisateur marqué en fin de troisième lui en vaudra assurément quelques-uns de plus. Il joue sa quinzaine de minutes par match, et a amassé trois points à ses trois dernières sorties.

Son but était aussi son premier dans la LNH en plus de cinq ans. Un loustic dans la salle de presse, auteur d’un livre sur des frères tchécoslovaques, mais dont nous préserverons l’anonymat, a même dit que Dauphin prenait goût à marquer devant des gradins vides, car son dernier but avait été marqué en Arizona.

Un collègue lui a fait remarquer l’attente de cinq ans entre ses deux buts. Réponse de Dauphin, du tac au tac : « Si tu ne joues pas, tu ne peux pas scorer non plus ! »

« Quand la porte s’ouvre, il faut être capable de mettre le pied dedans et de pousser, a rappelé Ducharme, avant d’énumérer les qualités du numéro 45.

« C’est un gars compétitif. Il a une bonne lecture du jeu, il est intelligent. Il se sert de ses outils pour être efficace dans toutes les situations. Il est fiable défensivement et garde ça simple offensivement. Sur le but d’Ylönen [mardi], il vient d’arriver au filet. Même s’il n’a pas eu de point, son travail est important. Sur le but de Drouin [mardi aussi], il arrive en échec avant et crée un revirement. Des fois, les petits détails permettent d’avoir la rondelle plus souvent. »

Pour ajouter au côté magique de la chose, Dauphin a la chance de jouer avec un vieil ami en Drouin.

« C’est cool. Je connais Laurent depuis qu’on a 8 ans, on a joué ensemble dans des tournois d’été, a raconté Drouin. On joue au golf ensemble l’été. Ç’aurait été le fun qu’il y ait plus d’ambiance pour lui. Mais c’était un gros but pour nous. »

Dauphin espère maintenant en marquer davantage, de ces gros buts. Reste à voir quand il en aura la chance, en cette période où des enjeux de société l’emportent sur de simples matchs de hockey.

« Je vais faire confiance à la ligue pour prendre la bonne décision, a dit Dauphin. Moi, je suis vacciné, ça ne me dérange pas, c’est la ligue qui va décider. »

En hausse : Artturi Lehkonen

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Artturi Lehkonen

Un très, très fort match pour l’ailier mal-aimé des amateurs, adoré de ses entraîneurs. Il n’a pas volé son quatrième but de la saison.

En baisse : Jeff Petry

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Jeff Petry regarde la rondelle décoller devant son but.

Au risque d’être répétitif, il a connu une autre sortie difficile. Il a pris de mauvaises décisions sur les deux buts des Flyers et a failli en permettre un à Oskar Lindblom en troisième période.

Le chiffre du match : 1191

Le but de Laurent Dauphin était son premier depuis le 10 décembre 2016. Dans l’intervalle, 1191 différents joueurs de la LNH ont marqué. On remercie nos amis de Sportsnet pour le travail de moine derrière cette recherche.

Dans le détail

Olympiques : Couturier a des questions

Rien ne garantit que les joueurs de la LNH iront aux Jeux olympiques de Pékin. Et même s’ils y allaient, Sean Couturier ne serait pas assuré d’être invité. Il n’empêche que s’il recevait l’appel d’Équipe Canada, l’attaquant des Flyers aurait « beaucoup de questions » à poser. « Pas nécessairement à cause de la COVID, mais avec tout ce qui entoure [les Jeux], la situation politique, la quarantaine de trois à cinq semaines… Il y a beaucoup de choses qui sont incertaines. » Le Néo-Brunswickois s’inquiète particulièrement du boycottage diplomatique du Canada et des États-Unis. « Si nous sommes là-bas, à qui on va s’adresser si on a des problèmes ? […] Personnellement, ça me fait peur. » Convenons qu’on est un peu loin du rêve d’une vie dont parlent généralement les athlètes qui ont la chance de vivre l’expérience olympique.

Hart en pleine forme

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Jake Evans et Carter Hart

Ils ne sont pas nombreux, les gardiens de but qui, à 23 ans, comptent déjà 120 matchs d’expérience dans la LNH. Carter Hart remplit ce critère rare. Et malgré son jeune âge, il a déjà traversé son lot d’épreuves. Sa saison 2020-2021, par exemple, n’a pas été que difficile : elle a été, le mot est presque faible, catastrophique. Sa moyenne de 3,67 et son taux d’efficacité de ,877 en 27 matchs lui ont valu l’une des pires campagnes pour un gardien du XXIe siècle. Il ne sera pas en lutte pour l’obtention du trophée Vézina cette année, comprenons-nous bien, mais les choses vont franchement mieux pour lui. En témoigne notamment sa performance inspirée de jeudi soir contre le Tricolore. Bombardé de 40 tirs – seulement une deuxième récolte du genre pour le CH –, Hart s’est dressé à plusieurs reprises. Il a notamment privé Laurent Dauphin d’un but en plongeant à sa droite en première période, et il a sorti la mitaine sur un tir frappé de Cole Caufield en deuxième. « Quand un gardien joue comme ça, ça donne confiance à tout le reste du groupe », a observé l’entraîneur-chef Mike Yeo après la rencontre.

Un rare trio maison

Conséquence d’un nombre effarant de blessés additionné à une difficulté à trouver des partenaires compatibles, pas moins de 59 trios différents ont amorcé un match pour le Canadien cette saison. Indice que le Tricolore n’a pas connu un grand succès sur les plans du repêchage et du développement des joueurs au cours de la dernière décennie, seulement six de ces combinaisons ont regroupé trois attaquants repêchés par le club. L’une d’entre elles a connu un fort match, jeudi. La plus ou moins improbable association entre Artturi Lehkonen, Ryan Poehling et Cole Caufield a produit pas moins de sept chances de marquer de qualité à cinq contre cinq. Caufield a pour sa part fini sa soirée de travail avec huit tirs sur le filet. « J’ai eu de bonnes chances ce soir, je dois continuer ainsi et les saisir », a commenté le jeune homme après la rencontre. Bien servi par son travail acharné près du but, Lehkonen a contribué à donner de l’espace à Caufield afin de lui permettre de manœuvrer. « C’est facile de jouer avec lui, il travaille tellement fort », a justement souligné le numéro 22. On peut s’attendre à ce que ce trio obtienne une autre audition samedi. Si match il y a samedi.

Ils ont dit

J’ai toujours deux ou trois plans. C’est le gardien qui, plus que moi, va décider de ce que je vais faire. Ç’a marché, ce soir.

Jonathan Drouin sur son but gagnant en tirs de barrage

Je l’ai averti juste avant le match qu’il n’y aurait pas de partisans, il avait fait le voyage jusqu’ici… J’imagine que je vais le voir après la rencontre.

Cole Caufield, dont le père arrivait du Wisconsin pour assister au match

Dans quelques jours ou quelques semaines, on a des gars qui vont revenir. Ceux qui veulent être dans la formation, ils poussent, ça crée de la compétition. Quand des chances se présentent, ils la saisissent et, à un moment donné, ça nous force à prendre des décisions pour leur faire de la place. C’est ça qu’on veut créer. On avait 12 attaquants, ce soir, mais à un certain point on en aura 13, 14, 15… Qui méritera encore d’être là ?

Dominique Ducharme sur les joueurs qui se démarquent en l’absence de vétérans

Il jouait avec une petite blessure depuis quelques matchs. Quelque chose est arrivé quand il était en route vers l’aréna ; il est arrivé ici et il avait de la misère à bouger.

Dominique Ducharme sur l’absence imprévue de Mathieu Perreault

Il a le potentiel de jouer dans la LNH. On le voit bien à l’entraînement. Il ne l’a peut-être pas encore montré, mais il a tout un lancer quand il en a la chance.

Jonathan Drouin sur Jesse Ylönen