Tout comme un match ne fait pas une carrière, quelques présences ne confirment pas une tendance.

Or, il y avait résolument quelque chose d’intrigant dans la réunion de Jonathan Drouin à Ryan Poehling, lundi soir, contre les Canucks de Vancouver. En première période, l’entraîneur-chef Dominique Ducharme a muté Drouin à la place de Michael Pezzetta à la gauche de Poehling et de Joel Armia.

L’expérience a rapidement porté ses fruits. L’échec avant d’Armia a provoqué une hésitation du défenseur des Canucks. Un revirement a suivi, puis Drouin s’est emparé de la rondelle en zone neutre et s’est avancé en zone adverse sur le flanc gauche. Sa passe vers le devant du filet était parfaite, et Poehling, qui avait foncé tel un train et semé son couvreur Bo Horvat, a habilement fait dévier la rondelle dans le haut du filet.

Connaissant les problèmes qu’éprouve cette équipe en matière d’exécution depuis le début de la saison, il vaut la peine de revoir la séquence.

Regardez le but de Ryan Poehling

« C’était un but de la Ligue nationale », a analysé Drouin, mardi matin, après l’entraînement de son équipe.

« C’est lui qui a créé le but en prenant de la vitesse en zone neutre et en battant son gars au filet. On voit que le jeu de Ryan a gagné en maturité depuis deux ans, il est moins nerveux. On sent qu’il est plus à l’aise dans la LNH. »

On commence à se répéter, mais Poehling semble jusqu’ici l’une des (rares) belles histoires de la saison. Après un camp d’entraînement ordinaire, il avait été cédé au Rocket de Laval. Depuis son rappel, il a indubitablement gagné en confiance. Il est encore utilisé par son entraîneur avec parcimonie – 11 min 31 s, lundi soir –, mais il montre beaucoup plus de vitesse et d’intensité que ce à quoi il avait habitué les partisans montréalais auparavant. Le voilà même en avantage numérique, résultat par contre d’une infirmerie qui déborde.

« La raison de son succès, c’est que ses pieds bougent tout le temps, a poursuivi Drouin. Il vole sur la glace. »

C’est un excellent jeune, il veut apprendre et devenir meilleur. Il pose des questions, il parle sur le banc… C’est le fun, jouer avec lui.

Jonathan Drouin

L’échantillon est bien sûr extrêmement limité, car Drouin et Poehling n’ont joué que 3 min 36 s ensemble sur la patinoire à cinq contre cinq, lundi. Et Armia n’a été leur ailier droit que pendant 2 min 31 s. Les trois ont toutefois uni leurs efforts pour un but et pour deux chances de marquer de qualité.

Pour peu qu’on soit prêt à briser la convention de la hiérarchie des trios – Poehling est identifié comme le quatrième centre du Canadien –, on constate que les talents de passeur de Drouin, la vitesse de Poehling et les qualités d’Armia en échec avant et en protection de rondelle accouchent d’un trio qui attire l’attention. Les trois étaient d’ailleurs réunis de nouveau à l’entraînement.

Faire sa place

Poehling, pour sa part, ne change pas une virgule à son discours des dernières semaines : il apprécie toutes les chances qui lui sont offertes à Montréal. Il n’empêche que de se retrouver sur la même unité que Drouin n’a rien pour lui déplaire.

« Il a tellement de talent, s’est émerveillé l’Américain à propos du Québécois. Un de mes premiers étés à Montréal, je me suis entraîné avec lui et j’ai été impressionné par ses habiletés. C’est vraiment plaisant de jouer avec lui. Pour être honnête, je veux juste lui donner la rondelle ! […] S’il a du temps et de l’espace, il va faire un bon jeu. »

Après la défaite de lundi, Ducharme avait eu de bons mots pour sa nouvelle combinaison, soulignant que Poehling avait saisi la chance qui s’était offerte à lui. « C’est comme ça que tu fais ta place », a-t-il ajouté.

Le principal concerné a par ailleurs révélé que son entraîneur lui rappelait constamment de simplifier son jeu sans se perdre en conjectures. Du « hockey direct », a résumé le jeune homme. Et c’est exactement ce qui lui a valu un but, lundi.

Au fait, son total de quatre filets, depuis le début de la saison, le place à égalité avec Nick Suzuki, Christian Dvorak et Jake Evans, les trois joueurs de centre qui le devancent dans la hiérarchie du Canadien, et ce, malgré que ces derniers aient joué de 10 à 14 matchs de plus que lui.

Ça ne fait pas de Poehling le héros qui sauvera la saison du Tricolore. Mais ça lui donne certainement une raison de sourire.

En bref

L’absence d’Edmundson se prolonge

Joel Edmundson a raté les 24 premiers matchs de la saison, et on peut se demander à quel moment il reviendra enfin au jeu. Après avoir voyagé avec le club la semaine dernière et participé à quelques entraînements complets, dont un avec contacts, le défenseur n’a plus été revu sur la glace. Blessé au dos, Edmundson a été de nouveau évalué par le personnel médical de l’équipe, lundi soir, et il a raté l’entraînement des siens, mardi, pour recevoir des traitements. Il subira des évaluations additionnelles au cours des prochains jours, après quoi l’organisation fournira une mise à jour sur son état de santé, nous dit-on. L’évolution de sa blessure est dure à suivre. À l’ouverture du camp d’entraînement, le 23 septembre dernier, le Canadien, dans un bilan médical complet, avait écrit qu’Edmundson était « évalué sur une base quotidienne ». Quelques semaines plus tard, Ducharme avait affirmé être perplexe par rapport à sa progression. Alors que les signes pointaient vers un retour en forme la semaine dernière, il est difficile de ne pas voir un recul dans sa guérison.

Chiarot ne pense pas à un échange

Avec la saison que connaît le Canadien et avec le contrat de Ben Chiarot qui échoit à la fin de la présente campagne, le défenseur se retrouve parmi les joueurs les plus susceptibles de changer d’adresse d’ici la date limite des transactions. Chiarot a pour la première fois répondu à des questions à ce sujet et a assuré que son cœur était à Montréal jusqu’à nouvel ordre. « Ce n’est pas quelque chose que je contrôle du tout, a-t-il d’abord dit. Je fais mon boulot, qui est de jouer, et ceux qui doivent prendre des décisions les prendront. M’en faire avec ça serait gaspiller mon énergie. » Le patineur de 30 ans, qui est père d’une petite fille, a par contre convenu que cette situation était invariablement une source de stress pour la famille des joueurs. « Ça fait partie de la business, a-t-il laissé tomber. Je ne souhaite pas commencer à spéculer sur ce qui va se passer dans le futur. »

Hommage à Bergevin

Les uns après les autres, les vétérans du club sont invités à parler du départ de Marc Bergevin, et c’était au tour de Ben Chiarot, mardi. « Berge a cru en moi. Il croyait au joueur que je pouvais être », a dit l’ancien des Jets de Winnipeg, qui s’est joint au CH en juillet 2019 à titre de joueur autonome. Il a en outre décrit Bergevin comme un directeur général près de ses joueurs, peut-être encore davantage de ses défenseurs, position qu’il a lui-même occupée pendant sa longue carrière sur la glace. « C’est un gars qui a joué longtemps, et il jouait d’une manière similaire à la mienne. Il a eu un rôle énorme dans ma carrière. Je lui serai toujours reconnaissant de m’avoir aidé à devenir le joueur que je suis aujourd’hui. » Son expérience comme joueur, justement, en faisait un « DG unique », a encore estimé Chiarot. « Il sait ce qu’on ressent après une défaite, après un long voyage. Il était un membre à part entière de l’équipe. Et c’est pourquoi il était aussi respecté des gars dans le vestiaire. »