C’était un moment de réjouissance, comme tout lancement de livre. Cournoyer, Lapointe, Tremblay, Houle, Savard, Bouchard… Tous se tiraient la pipe au fil des nombreuses séances de photo avec Yvon Lambert, le héros du jour.

Sa biographie, Un glorieux au cœur de la dynastie, écrite par David Arsenault et publiée chez Hurtubise, était officiellement lancée en ce mercredi après-midi.

« On l’agaçait beaucoup dans le temps, se remémorait Serge Savard. On se mettait ensemble, Guy Lapointe et moi, et on partait après Yvon. Des fois, il était fatigué aux entraînements, donc on le réveillait ! »

Mais de ce groupe qui a formé la grande dynastie des années 1970, il y avait un grand absent : Guy Lafleur, retenu à la maison pour des raisons de santé.

Absent, mais pas oublié. Lambert lui avait d’ailleurs réservé un passage de son touchant discours. « Continue à nous prouver que tu resteras toujours un numéro 1, dans la vie comme dans la maladie », a-t-il dit à son vieux camarade.

« Ça va être dur »

Plus les années passent, plus la santé devient un sujet incontournable quand on croise cette génération de joueurs, celle de l’époque où on pouvait les surnommer « les Glorieux » sans le moindre sarcasme.

Il y a Lafleur, qui combat un cancer du poumon qui récidive. Il y a aussi Lapointe, en rémission d’un autre satané cancer. De la gorge, dans son cas. Il y a Yvon Lambert lui-même, qui a souffert d’un cancer du côlon et qui a révélé dans le livre avoir aussi reçu des traitements contre un cancer de la peau et de la prostate au cours des derniers mois.

« Ça fait réfléchir », a admis Yvan Cournoyer, lui-même dans une forme resplendissante à deux semaines de son 78anniversaire.

Mais la dernière apparition publique de Lafleur, lors du dévoilement de sa statue à Québec le mois dernier, a ébranlé Cournoyer.

Ça m’a fait de quoi de voir Guy pleurer. Je ne l’ai pas vu pleurer souvent. Là, tu vois que ça ne va pas bien. C’est la santé.

Yvan Cournoyer

« On lui parle souvent, mais ça va être dur. Il a de la misère à respirer un peu. On va attendre… On y va une semaine à la fois. »

D’un côté, Cournoyer s’en fait pour son ami. De l’autre, il ne veut pas le fatiguer. « Je parle plus à Martin, son fils. Je ne veux pas toujours le déranger. J’ai déjà eu des problèmes de dos… Les gens t’appellent, ‟Comment ça va ? Comment ça va ? » Je veux le laisser tranquille un peu. »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Yvan Cournoyer

Cette apparition de Lafleur à Québec avait aussi interpellé Lapointe. « Il avait l’air fatigué, un peu. Connaissant la grande générosité de Guy, il n’est pas capable de dire non à son public, il est tellement reconnaissant. Je ne suis pas surpris qu’il ait accepté. Il devrait peut-être prendre un petit congé pour se reposer, mais le connaissant, c’est ça, le vrai Guy Lafleur. »

Serge Savard, lui, tentait de voir les choses du bon côté. « Mon épouse a été opérée pour un cancer de l’œsophage, c’est une des plus opérations les plus difficiles. Ça va faire cinq ans, elle a fait un examen il y a deux semaines et elle n’a toujours pas de cancer. On guérit beaucoup de gens. Lapointe va beaucoup mieux que quand je l’ai vu il y a un an ou deux ! »

Lapointe va mieux

Parce que oui, les nouvelles de Guy Lapointe sont encourageantes. Voilà un an qu’il est en rémission d’un cancer de la langue. « Pointu » doit d’ailleurs passer un examen de suivi vendredi. « Je pense que ça va, je me sens bien, mais juste d’y penser, c’est stressant un peu », avoue-t-il.

Lapointe n’a rien perdu de sa bonhomie, même s’il ne peut plus l’exprimer de façon aussi fluide qu’auparavant. Il doit parfois ralentir son débit pour prononcer chaque mot.

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Guy Lapointe

« Il y a des bonnes et des mauvaises journées. Certains jours, j’ai de la difficulté à parler, parce que j’ai perdu la moitié du fonctionnement de ma langue, note-t-il. Je suis limité dans ce que je peux manger, je ne peux pas manger de steak, de hamburger, des bonnes choses comme ça ! Je mange surtout des soupes, des sauces, il faut que ce soit broyé, coupé en petits morceaux, pour que je puisse l’avaler. »

Des choses qui vous manquent ? « Je me trouve chanceux, au moins le cancer est parti. J’accepte les séquelles, je dois vivre avec », assure-t-il.

Un groupe uni

Les occasions de retrouvailles sont nombreuses pour ce groupe qui a fait vibrer le Québec il y a plus de 40 ans.

« Il y a le Salon des anciens au Centre Bell, le tournoi des anciens, des tournois de golf, le lancement de mon livre il y a deux ans, énumère Savard. On a beaucoup d’occasions de se rencontrer. L’autre fois, on a été souper avec Guy pour son 70anniversaire. Ce sont toutes des choses qui, si j’habitais à St. Louis, si un autre était à Vancouver, n’arriveraient pas. »

Cette fois, c’est Lambert qui réunissait tout ce beau monde.

« Yvon, c’était un gars très fort physiquement, probablement le meilleur joueur dans les coins dans la LNH, et je ne dis pas ça parce qu’on est à son lancement ! a ajouté Savard. C’est lui qui allait dans le coin, l’autre gars arrivait, Yvon travaillait avec ses patins et c’est lui qui sortait avec la rondelle. »

Chacun a son lien avec lui. Lucien DeBlois n’a jamais même joué avec Lambert dans la LNH, mais « peut-être 500 matchs des anciens avec lui », calcule-t-il.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Lucien DeBlois

Cournoyer ? « Quand on a battu Philadelphie en quatre en finale en 1976, Yvon était mon cochambreur. Ils avaient mis deux toughs ensemble ! », dit-il en rigolant.

« Yvon a réellement fait partie de notre groupe des années 1970. Il était là pour les quatre Coupes, a rappelé Savard. Il avait compté une cinquantaine de buts avec Halifax. T’arrivais, t’avais Lafleur, Lemaire et Shutt. T’arrivais sur le deuxième trio, t’avais Pete Mahovlich, et là, tu tombais sur le troisième trio. C’était un troisième trio, mais les gars avaient été des vedettes dans le junior. Mario Tremblay, dans le junior, les gens le comparaient à Maurice Richard. C’était un des meilleurs troisièmes trios de la LNH.

« Yvon est arrivé dans le groupe et il a fait partie de la famille. C’était le trademark de notre équipe, on se tenait beaucoup ensemble. »