(Poway, Californie) Le développement des joueurs n’est pas un processus standardisé. Chacun y va à son rythme, toutes les organisations ont leur recette, certaines connaissant plus de succès que d’autres.

Chez les Ducks d’Anaheim, Jacob Perreault est en quelque sorte un cobaye, en vertu d’une règle spéciale établie en réponse à la pandémie. Jusqu’ici, les résultats sont encourageants.

Malgré ses 19 ans, le fils de Yanic Perreault a en effet eu droit à une dérogation pour passer la saison 2021-2022 dans la Ligue américaine. Après cinq matchs, il mène les Gulls de San Diego avec six points (deux buts, quatre aides).

« Ça va très bien. En plus, j’ai des chances de marquer, mais je tire sur le poteau ou je manque mon tir. Et j’ai fait des passes backdoor, mais on n’a pas eu le bonbon, a raconté Perreault lors du passage de La Presse à l’entraînement des Gulls, lundi.

« Joël [Bouchard, l’entraîneur-chef] a été clair avec moi : ça ne le dérange pas si je ne marque pas pendant 10 matchs. Tant que je joue de la bonne façon. Je me suis mis ça dans la tête et je pense que ça m’a aidé à marquer plus de buts. »

« Quand tu n’as pas des joueurs exceptionnels, tu dois en faire les meilleurs joueurs sur 200 pi, confirme Bouchard. Jacob a un talent offensif, des habiletés, mais on travaille pour qu’il devienne le meilleur joueur sur 200 pi. »

Sept exceptions

En temps normal, Perreault aurait dû passer la présente saison dans la Ligue junior de l’Ontario (OHL). Les joueurs de 18 ou 19 ans qui jouent dans un des trois circuits juniors canadiens doivent en effet s’y rapporter s’ils ne peuvent pas se tailler une place dans la LNH.

Or, une exemption a été accordée cette saison. Comme l’OHL n’a pas tenu de saison 2020-2021, et que la LHJMQ et la Ligue de l’Ouest ont organisé des calendriers plus courts qu’à l’habitude, plusieurs espoirs ont joué dans la Ligue américaine la saison dernière.

Une dérogation permet donc aux joueurs ayant disputé 20 matchs ou plus dans la Ligue américaine l’an dernier de rester dans ce circuit cette saison. La décision demeure à la discrétion des organisations et des joueurs. Chez le Canadien, Jan Mysak était le seul joueur admissible, puisqu’il avait disputé 22 rencontres avec le Rocket l’an dernier. Le Tricolore a toutefois décidé de le renvoyer dans l’OHL, à Hamilton, pour la saison.

Perreault est un des sept joueurs qui se sont prévalus de cette dérogation. Il y a deux cas chez les Ducks : le deuxième, Jamie Drysdale, a toutefois amorcé la saison dans la LNH, mais il est admissible à un renvoi, le cas échéant.

Voici la liste complète avec la fiche* de chaque joueur. Les résultats offensifs des joueurs sont variables.

  • Jacob Perreault (Anaheim), choix de 1er tour (27rang) en 2020 : 2-4-6 en 5 matchs à San Diego
  • Jamie Drysdale (Anaheim), choix de 1er tour (6rang) en 2020 : 1-2-3 en 10 matchs à Anaheim
  • Jean-Luc Foudy (Colorado), choix de 3tour (75rang) en 2020 : 1-0-1 en 8 matchs au Colorado (Ligue américaine)
  • Donovan Sebrango (Detroit), choix de 3tour (63rang) en 2020 : 0-1-1 en 7 matchs à Grand Rapids
  • Quinton Byfield (Los Angeles), choix de 1er tour (2rang) en 2020 : aucun match (blessé)
  • Tyson Foerster (Philadelphie), choix de 1er tour (23rang) en 2020 : 1-1-2 en 7 matchs à Lehigh Valley
  • Cole Perfetti (Winnipeg) : choix de 1er tour (10rang) en 2020 : 2-1-3 en 4 matchs au Manitoba, 0-0-0 en 2 matchs à Winnipeg

« L’idée de la règle, c’est que ça serait dur de renvoyer un gars qui a joué un certain nombre de matchs dans la Ligue américaine, a rappelé Bouchard. Ce n’est rien contre le junior, j’ai coaché là ! Mais quand tu as passé une étape, tu peux regarder si tu peux continuer à progresser dans cette étape-là. »

La saison dernière, Perreault avait disputé 27 matchs à San Diego, inscrivant 17 points. « J’ai vraiment aimé avoir cette chance l’an passé, même si c’était plus une période d’ajustement. Ça m’a aidé à entrer dans la formation cette année et à être un joueur d’impact. »

Perreault attribue sa production de cet automne à une utilisation accrue, notamment en avantage numérique. « L’an passé, je n’avais pas eu beaucoup d’occasions de montrer ce que je pouvais faire en avantage numérique », fait-il valoir.

Bouchard explique qu’il fallait surtout que Perreault soit prêt physiquement, ce qui est le cas à 6 pi et 193 lb. Car du reste, le garder dans la Ligue américaine cette saison relevait de « l’évidence ».

« Il aurait vraiment fallu qu’on voie quelque chose au camp, physiquement, qui nous faisait craindre pour lui. Mais il est fort. C’est le fun pour moi de commencer le cheminement pour qu’il devienne professionnel. Il a une belle écoute, il comprend que je serai sur lui tout le temps, mais c’est pour les bonnes raisons. »

Du reste, il est évident que les performances de la saison précédente ont aussi pesé dans la balance pour les sept cas mentionnés ci-dessus. Cole Perfetti, par exemple, avait amassé 16 points dans les 11 derniers matchs de la saison avec le Moose du Manitoba. Le renvoyer dans le junior aurait été curieux, d’autant plus qu’il y a amassé 111 points à 17 ans !

Si l’expérience est un succès, on devine qu’elle donnera des arguments à ceux qui militent pour que les joueurs de 19 ans issus du hockey junior canadien aient droit de jouer dans la Ligue américaine.

Beaucoup de francophones !

Perreault a accordé l’entrevue dans un français qui demeure excellent. Ses deux parents sont québécois, mais le jeune homme n’a pas vécu longtemps au Québec à temps plein. Il est né à Montréal pendant que son père jouait pour le Tricolore, mais il a ensuite habité Chicago et a joué son hockey junior à Sarnia.

À San Diego, il ne manquera pas d’occasions de parler français au quotidien, avec les trois entraîneurs des Gulls (Bouchard, Maxime Talbot et Daniel Jacob), en plus de Vincent Marleau, Morgan Adams-Moisan, Nikolas Brouillard et le défenseur Simon Benoît, actuellement rappelé avec les Ducks.

« Je connaissais Joël un peu à cause de la télévision, et mon père le connaît aussi, il avait un condo en Arizona et il le lui a prêté pendant un camp des Coyotes. Et je connais Max [Talbot] parce qu’il a travaillé pour mon agent [Pat Brisson]. C’est bon de voir des visages familiers ! »

* Les statistiques ont été compilées avant les matchs de mercredi.