C’est probablement Jeff Petry, plus tôt cette semaine, qui a offert la meilleure analyse du Canadien de 2021-22 : « On a de la misère à en jouer deux bonnes de suite. »

Y a-t-il quelqu’un, quelque part, qui a déjà prononcé des mots plus justes ? La liste est courte : le Dalaï-Lama, Nelson Mandela, et peut-être aussi Axl Rose. Mais ce que Petry voulait dire, c’était juste la vérité : ce club manque cruellement de constance.

Une autre preuve a été faite au bout de 60 très longues minutes, jeudi soir au Centre Bell contre les Islanders de New York. Et puis, vous savez le pire ? Le pire, c’est que le pointage de 6-2 n’indique pas vraiment l’allure de la rencontre. Parce que ça aurait pu être pire.

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On peut comprendre Tyler Toffoli d’avoir eu du mal à trouver les mots justes en fin de soirée.

« Je pense que nos intentions étaient les bonnes, a expliqué timidement l’attaquant du Canadien au terme du match. Mais on a commis quelques revirements, et puis on s’est mis à jouer du hockey de rattrapage… »

S’il y a un thème à cette saison déjà longue, c’est bien celui-là : le rattrapage. D’ailleurs, tous ceux qui sont passés au micro en fin de soirée l’ont évoqué, comme s’il s’agissait d’un mauvais sort dont ils ne peuvent se départir.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Jake a cédé sur cinq des six buts des Islanders.

« C’est frustrant, a ajouté Toffoli. On essaie, on fait ce qu’il faut faire sur la glace, mais on finit par commettre une couple d’erreurs, et la rondelle se retrouve dans le fond du filet.

« Ce n’est pas comme si on ne faisait pas les bonnes choses, mais une couple d’erreurs, et puis voilà, on paie le prix. Ensuite, quand on se retrouve avec un retard de 3-4 buts, se met à “ tricher ”, à essayer des jeux qu’on ne voudrait pas essayer normalement. Et il se trouve que les Islanders aiment créer leurs jeux à l’attaque à la suite de revirements… »

Ce n’est pas la première fois qu’on voit ça cette saison, et on l’a revu de nouveau jeudi soir au Centre Bell. Souvent, trop souvent, cette défense s’effondre de manière spectaculaire.

On va se le dire, quand l’adversaire voit arriver devant lui des duos comme Kulak-Savard ou comme Romanov-Wideman, ça ne doit pas vraiment provoquer des frissons de peur tout partout sur le banc. Des frissons de plaisir, peut-être ? À un certain moment, on a vu Kulak se retrouver à patiner dans le coin du territoire adverse, pendant que le jeu se déplaçait de l’autre côté. On a vu Savard rater le filet sur une belle occasion.

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Anthony Beauvillier

Il ne s’agit que de quelques exemples, et il y en aurait des dizaines d’autres. On ne sait trop s’il était proche d’un écran jeudi soir, mais s’il a vu ça, Carey Price doit avoir le goût de prendre tout son temps avant de revenir à Brossard.

On ne saurait le blâmer.

« C’est sûr qu’on cherche plus de stabilité en défense, a admis Dominique Ducharme. C’est évident que ça a été plus difficile pour Kulak et Savard… C’est sûr qu’on veut plus de constance et d’exécution de la part de notre défense, mais on demande ça aussi de tout le monde dans l’équipe. »

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Adam Brooks et Zdeno Chara

Avec tout ça, on a l’impression que le refrain du Canadien est déjà usé et dépassé, comme un vieux vinyle d’Engelbert Humperdinck. Au Centre Bell, ça parle de cohésion et de constance et de l’importance d’enchaîner les bonnes performances depuis le mois d’octobre, mais déjà, ces mots-là sonnent creux. Ça sonne vide. Parce qu’il n’y a véritablement personne dans ce vestiaire pour se lever et montrer le chemin.

Il n’y a pas de capitaine cette saison chez le Canadien, et à bien y penser, ce n’est peut-être pas un hasard.

En hausse

Nick Suzuki

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Nick Suzuki

Ce n’est pas comme s’il y avait des candidats à la pelle, alors on va y aller avec le seul qui a réussi deux points.

En baisse

David Savard

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Kyle Palmieri (21) et David Savard (58)

On aurait pu choisir Brett Kulak aussi. Les deux ont connu une soirée très difficile.

Le chiffre du match

5

Le Canadien a accordé 5 buts ou plus à chaque match suivant une victoire cette saison.

Dans le détail

Le pire trio depuis…

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Noah Dobson et Christian Dvorak

Traumavertissement : ce paragraphe contiendra des souvenirs douloureux. Avec des différentiels pitoyables de -5, -5 et -4, Christian Dvorak, Mike Hoffman et Josh Anderson ont connu la pire soirée d’un trio du Canadien depuis un peu plus d’une décennie. Il faut en effet remonter au 2 février 2011 pour retrouver un match au cours duquel les trois membres d’une même unité ont terminé la soirée avec une fiche de -4 ou moins. Dans une défaite de 8-6 du Tricolore contre les Bruins de Boston, Scott Gomez, Lars Eller et Andrei Kostitsyn, à -4, avaient été les pires de leur camp. Par ailleurs, Hoffman et Dvorak, à -5, rejoignent un club très sélect qui ne compte que sept membres depuis un quart de siècle. Jeff Petry en est le membre le plus récent (avril 2021). Il avait lui-même succédé à Shayne Corson, Stéphane Quintal et Vladimir Malakhov (octobre 2011) ainsi qu’à Vincent Damphousse (janvier 1997). — Simon-Olivier Lorange

Star d’un soir

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Brock Nelson

Tant qu’à poursuivre dans la nostalgie : Brock Nelson est devenu seulement le quatrième joueur, depuis 25 ans, à marquer quatre buts dans un même match contre le Canadien. Alex Ovechkin (2008, 2017) et John LeClair (1997, 2002) l’ont fait deux fois chacun, et Mario Lemieux (1997), une fois. Après la rencontre, la star d’un soir avait la célébration sobre, soulignant simplement qu’il était « content d’avoir contribué » et estimant que son trio avait « bien joué ». Plus loquace, son ailier gauche Anthony Beauvillier (trois mentions d’aide), a vanté la « prévisibilité » de son joueur de centre. « Il compte pour une grande partie de mon succès des trois dernières années, a dit le Québécois. Il a connu une grosse soirée, à l’image du joueur qu’il est. C’est un gars qui ne parle pas beaucoup, mais il est efficace dans tous les aspects du jeu. Je me sens privilégié de jouer avec lui. »

Les Finlandais à l’honneur

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Artturi Lehkonen

Limités à une mince mention d’aide chacun depuis le début de la saison, Artturi Lehkonen et Joel Armia arrivent au tout dernier rang des pointeurs chez les attaquants du Canadien qui ont disputé tous les matchs jusqu’ici. En matinée, jeudi l’entraîneur-chef Dominique Ducharme avait souligné qu’à l’instar du reste de leur équipe, ils avaient bien fait contre les Red Wings, mardi, et qu’à force de créer des chances de marquer, « éventuellement, ils vont produire ». L’explosion espérée ne s’est pas produite contre les Islanders, mais les deux Finlandais ont probablement été, avec Jake Evans, les meilleurs joueurs de leur camp. Bien qu’ils aient passé beaucoup de temps sur la glace contre le trio de Mathew Barzal, Lehkonen et Armia ont contrôlé l’écrasante majorité des tentatives de tir à cinq contre cinq et étaient tous les deux présents pour quatre chances de marquer de qualité du CH, contre une seule pour l’adversaire, selon le site Natural Stat Trick. Ça n’a pas fait gagner leur équipe, mais on en est (déjà) au point où chaque bonne est digne de mention.

Ils ont dit

C’est frustrant, mais je ne vais pas venir ici pour donner un spectacle qui va se retrouver sur YouTube pendant 20 ans… ce que j’ai à dire, je vais le dire à mes gars.

Dominique Ducharme

On doit être capables de répondre mieux que ça suite à un bon match comme celui de mardi soir contre Detroit… On a commis quelques erreurs, et les Islanders sont difficiles à affronter quand ils possèdent une avance.

Tyler Toffoli

Quand tu dois toujours jouer du hockey de rattrapage, c’est plus difficile de se replacer dans le match. J’ai trouvé qu’on avait mieux fait au chapitre de l’effort, mais il faut travailler et être concentrés sur le but à atteindre et ensuite, et on va être en mesure de faire tourner le vent en notre faveur.

David Savard

J’ai trouvé qu’en première période et aussi en deuxième, on a effectué du bon travail. Il faut trouver une façon. On commet des erreurs mentales, et ensuite, la rondelle est dans le filet. Chacune de nos erreurs s’est retrouvée dans le fond de notre filet.

Jake Evans

J’ai voulu être trop gentil. En avantage numérique, j’ai récompensé des gars défensifs, et quand on a été punis, ils étaient fatigués. Notre gardien méritait un blanchissage, c’est ma faute s’il ne l’a pas eu.

Barry Trotz, entraîneur-chef des Islanders

Notre profondeur a été la clé de notre succès des dernières années. Nos quatre trios apportent tous un petit quelque chose, et on l’a bien démontré ce soir.

Jean-Gabriel Pageau

C’était un match à l’image de notre équipe. On a bien porté attention aux détails et notre gardien nous a gardés dans le coup quand le Canadien a poussé en fin de match.

Anthony Beauvillier