« Notre équipe n’explosera pas chaque soir. On doit gagner des matchs serrés, bien se défendre ; revenir à du jeu responsable, moins éparpillé. »

(Re)lisez notre couverture en direct Consultez le sommaire du match

Cette recette du succès, c’est celle que Bob Boughner a exposée, la semaine dernière, à San Jose. L’entraîneur-chef des Sharks expliquait que, vu les ressources limitées qu’il avait sous la main, ses hommes devaient se concentrer sur des objectifs à leur portée. L’histoire nous a certes appris que son club n’a pas suivi ses instructions contre le Tricolore, mais sur le fond, l’essentiel était là.

Cet énoncé ressemble drôlement à la recette qu’a appliquée le Canadien, mardi soir, en s’imposant par 3 à 0 contre les Red Wings de Detroit. Lui aussi avec un effectif amoindri. Jonathan Drouin, déjà considéré comme plan C au centre, s’est blessé après trois présences. Brendan Gallagher semblait souffrir le martyre à chacun de ses retours au banc. Et Jeff Petry s’est vu imposer plus de 26 minutes de travail alors qu’il joue en dépit d’une blessure au « haut du corps ». Sans parler des nombreux absents dont on connaît trop bien les noms.

Cela n’empêche pas que, pour une première fois cette saison, et ce, au 11match de son équipe, l’entraîneur-chef Dominique Ducharme a estimé que son club avait joué de la manière dont il le souhaitait pendant 60 minutes. « C’est notre identité, c’est notre façon de jouer, […] c’est notre équipe, a-t-il lancé. C’est ça qu’on doit faire. »

« Ça », c’est la marge de manœuvre des attaquants adverses réduite au minimum par les défenseurs du CH et les attaquants en repli. Le fameux support au porteur du disque en sortie de zone et en territoire offensif. Le proverbial travail en « unité de cinq », terme en apparence galvaudé mais néanmoins pertinent dans les circonstances. Ainsi qu’un départ canon qui, après avoir vu trois trios du CH monopoliser la zone adverse, a mené au premier but du match.

Serré

Le score final n’est pas spectaculaire. Et c’est presque tant mieux. Car c’est précisément des rencontres de ce genre que le Canadien doit apprendre à gagner. Ces matchs serrés dont parlait Bob Boughner et dont le gardien Jake Allen a vanté l’importance après son deuxième blanchissage en une semaine.

Dans la victoire comme dans la défaite, les matchs chaudement disputés n’ont pas été la norme cette saison. Au cours des 10 premiers matchs, les huit revers se sont conclus par un différentiel de -21, en excluant les buts dans un filet désert. Et les deux gains, par un solde de +8.

Les rares matchs dont l’écart a été de un ou deux buts, encore en excluant ceux dans un filet désert, le CH les avait tous perdus. Contre les Maple Leafs à Toronto, contre les Rangers de New York et les Hurricanes de la Caroline à domicile, puis dimanche dernier à Anaheim, contre les Ducks.

« Les matchs serrés sont cruciaux, a analysé Allen. Ce sont ceux qu’on doit gagner. Des victoires de 4-3, de 5-4 et de 2-1, ce sont des points significatifs en fin de parcours. »

Celle de 3-0, malgré une domination sur le plan des tirs au but et des chances de marquer, entre dans la même catégorie. Car elle contribue à forger l’identité de cette équipe.

Le mirage d’une machine offensive alimentée par ses ailiers s’est clairement dissipé. Les solutions doivent venir d’ailleurs.

On en a eu un aperçu mardi, contre un club faible il est vrai. L’importance est maintenant primordiale de « reproduire » la formule dès jeudi, contre les Islanders de New York, dans l’espoir d’enfin coller une deuxième victoire de suite. La route vers la gloire sera encore longue, mais ce sera toujours ça de gagné – littéralement.

Quand Suzuki va…

Il y a bien sûr l’effort collectif, qu’on ne saura jamais vanter suffisamment, mais le succès individuel n’est pas à dénigrer non plus.

Encore une fois, dans les mots de Jake Allen : mardi, Nick Suzuki a montré qu’il était le centre numéro 1 du Canadien. Lui qui avait pourtant été dur envers lui-même après la défaite de dimanche à Anaheim. Le vol de retour vers Montréal a été long, a avoué le principal concerné. Et son premier but de la campagne, contre les Wings, a « certainement » été un soulagement, après des dizaines d’occasions ratées.

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Nick Suzuki (14)

« Ça faisait quelques matchs que je n’avais pas marqué, a dit Suzuki, sourire en coin. Ça fait du bien. »

Après l’entraînement-surprise de lundi matin, inhabituel après un long voyage, le joueur de centre a eu une discussion avec l’entraîneur adjoint Trevor Letowski. Les deux ont longuement jasé en analysant des séquences vidéo isolant les lacunes de Suzuki. « De petites choses que je pouvais améliorer », a-t-il précisé.

Au premier plan : les batailles pour la rondelle. Un rayon où le numéro 14 a excellé mardi, terminant en outre la soirée avec une rare performance positive au cercle de mises au jeu (13 en 19, ou 68 %).

« C’est un bon indicateur, a d’ailleurs reconnu Ducharme à propos de cette dernière statistique. Y a-t-il une plus grande bataille à un contre un qu’une mise au jeu ? Il patine mieux, il est plus engagé et il commence avec la rondelle. Tout va ensemble. »

« C’est un joueur intelligent », a encore répété l’entraîneur-chef. Et son succès passe invariablement par « son niveau de compétitivité ».

Celui de son club aussi, se doit-on de préciser. Car sans gardien ni défenseur dominant, le Canadien va vivre et mourir au gré des performances de ses joueurs de centre.

Est-ce que quand Suzuki va, tout va ? N’allons pas si loin, car les lacunes autour de lui sont trop nombreuses. L’inverse, par contre, est vrai.

Alors quand le jeune homme parle d’une « étincelle » qu’il espère avoir trouvée, nombreux sont ceux qui espèrent voir cette flamme-là brûler. Fort et longtemps.

Dans le détail

Des sueurs froides pour Drouin

Comme le dit le dicton très bien connu : si ce n’était de la malchance, le Canadien n’aurait aucune chance. Le plus récent joueur à se mettre les pieds dans le département du mauvais sort : Jonathan Drouin, qui a dû quitter la rencontre après seulement sa troisième présence sur la glace, lors de la première période du match de mardi soir au Centre Bell. Le jeune attaquant a dû abdiquer après avoir reçu une rondelle à la tête, à la suite d’un tir de la pointe de Brett Kulak. Ensuite, Drouin s’est rendu rapidement au vestiaire, puis il est allé à l’hôpital. La bonne nouvelle malgré tout, c’est qu’il a été vu au Centre Bell en fin de soirée. « On ne veut jamais voir quelque chose comme ça, a dit Dominique Ducharme après la rencontre. C’est toujours inquiétant, mais les nouvelles dans son cas sont encourageantes. » Drouin devrait donc subir d’autres examens mercredi, alors que le Canadien va tenir un entraînement facultatif à Brossard. Rappelons qu’il avait amorcé le match de mardi à titre de centre du premier trio, en compagnie de Mike Hoffman et Josh Anderson.

Soir de première pour Pezzetta

PHOTO RYAN REMIORZ, LA PRESSE CANADIENNE

Michael Pezzetta (55) et Danny DeKeyser (65) devant le gardien Alex Nedeljkovic (39)

Michael Pezzetta est souvent spectaculaire, autant sur la glace que sur ses photos de profil, et mardi soir, il en a profité pour étrenner sa formidable chevelure dans un aréna de la Ligue nationale pour la première fois de sa vie. Non, l’attaquant de soutien n’a pas marqué, mais les 19 547 spectateurs l’ont vu patiner le temps de 8 min 31 s et puis aussi, il s’est permis deux tirs en direction du filet. Avec les blessures qui s’accumulent dans le camp montréalais, on va peut-être le revoir ici encore un peu, ce qui ferait bien son affaire. « Je sens que je suis capable de jouer dans cette ligue, a-t-il expliqué mardi en fin de soirée. Je me sentais à l’aise sur la glace, j’ai réussi à neutraliser des jeux adverses et j’ai fait du bon travail en échec-avant, en plus de passer du temps en zone offensive avec mon trio. »

Romanov dans les gradins

Alexander Romanov ne connaissait pas un gros début de saison, et il fallait bien que ça arrive, alors c’est arrivé mardi soir : le jeune défenseur a dû laisser sa place dans la formation. En lieu et place, l’entraîneur-chef Dominique Ducharme a choisi de miser, dans l’ordre, sur les duos Chiarot-Petry, Kulak-Savard ainsi que Niku-Wideman pour patrouiller à la ligne bleue montréalaise. Après le match, Dominique Ducharme a expliqué sa décision en disant que Romanov avait besoin de voir le jeu d’en haut, ce qui laisse croire qu’il le voit un peu moins bien quand il est en bas. « C’est ce que ça signifie quand on parle de constance, a expliqué Ducharme en fin de soirée. Il ne faut pas qu’on se retrouve avec des surprises. On voulait donc que Romanov regarde le match depuis les hauteurs du Centre Bell, et qu’il soit en mesure d’effectuer un pas de recul. Le but, c’est qu’il revienne ensuite pour apporter des correctifs à son jeu. »

Ils ont dit

[Brendan Gallagher] n’a pas connu le départ qu’il voulait. C’est un gars dont tu ne peux jamais remettre en doute l’intensité, l’implication, l’engagement. [Or], il ne peut pas jouer 71 autres matchs comme ça. On espère qu’il soit correct pour jouer jeudi.

Dominique Ducharme sur le fait que Gallagher joue en dépit d’une blessure

Quand on l’a retiré de la formation avant le match à Anaheim, j’ai entendu une couple de sacres. C’est un leader, il veut être sur la glace. Il veut se battre pour qu’on se sorte de cette situation. [Contre les Red Wings], il aurait fallu que je l’attache pour qu’il ne joue pas.

Dominique Ducharme, sur le même sujet

On peut dire ce qu’on veut, mais c’est ce qu’on fait sur la glace qui compte. Il n’y a pas de meilleure façon [de faire], comme individu et comme équipe.

Dominique Ducharme au sujet de la performance de Nick Suzuki

Quand on connaît des difficultés, on se retrouve trop éloignés les uns des autres en zone défensive. Bien utiliser le centre de la glace vient avec la confiance, mais c’est crucial. Nick Suzuki a été au bon endroit toute la soirée, Christian Dvorak aussi. Les défenseurs n’ont rien donné, et c’est ce qui arrive quand les attaquants se replient bien.

Jake Allen

La seule manière de passer à travers [cette séquence difficile] est de continuer à travailler dur. Tout le monde était à bord. Il faut recommencer demain à l’entraînement et répéter ça au prochain match.

Josh Anderson

J’étais emballé quand j’ai vu que [Michael Pezzetta] avait été rappelé. J’adore la manière dont il joue, son énergie. Je lui ai parlé quand il a été renvoyé à Laval. Je lui ai dit que j’étais passé par là et qu’il devait continuer à travailler fort. Il a fait du très bon travail ce soir. Tout le mérite lui revient.

Josh Anderson

En hausse

Nick Suzuki

Son expression faciale en disait long après qu’il a marqué son premier but de la saison. Une tonne de pression semble s’être retirée de ses épaules. Excellent match dans l’ensemble.

En baisse

Joel Armia

Même à l’aile de Christian Dvorak, le Finlandais n’a pas trouvé le moyen de se démarquer offensivement. Son salaire de 3,4 millions semble soudainement élevé pour un si faible contributeur : une seule mention d’aide en 11 matchs cette saison.

Le chiffre du match

0-3-0

C’est la fiche des Red Wings en trois matchs au Canada cette saison. Ils ont chaque fois été privés de leur meilleur attaquant, Tyler Bertuzzi, rendu indisponible pour les rencontres au nord de la frontière en raison de son refus de se faire vacciner contre la COVID-19. La fiche des Wings dans leurs sept autres matchs : 4-1-2.