(Seattle) Lundi soir, les joueurs du Canadien sont allés assister à l’affrontement entre les Saints de La Nouvelle-Orléans et les Seahawks de Seattle. Shea Weber était en ville, on était enfin réunis sur la route, on soudait le groupe dans la plus franche des camaraderies.

Aussi magique que fut cette soirée, elle n’était pas censée constituer le meilleur moment du passage de l’équipe à Seattle. On connaît toutefois la suite.

Malmené par un Kraken résolument préparé à le recevoir, le Tricolore s’est incliné par la marque de 5 à 1, subissant du coup une sixième défaite en sept matchs cette saison.

La victoire de samedi dernier, contre les Red Wings de Detroit, avait pourtant préparé le terrain à des jours meilleurs. On croyait s’être sortis du trou qu’on s’était creusé en perdant les cinq matchs précédents. On croyait les fameuses valves offensives ouvertes. On croyait que la défense avait mis de l’ordre dans ses rangs.

Autant de croyances qui ont tournoyé au fond de la cuvette après ce revers, déjà un troisième par un écart de quatre buts ou plus dans cette toute jeune saison.

« Ce n’était pas beau », a lâché Ben Chiarot après la déconfiture. « On ne méritait pas de gagner du tout », a abondé Josh Anderson. « Ça ne marche pas », a enchaîné Jeff Petry.

Des mots durs, mais justes. Auxquels on pourrait ajouter : encore une fois.

Il est vrai que le Kraken est sorti avec l’intention manifeste de donner à ses partisans la première victoire à domicile de la jeune histoire du club. Mais personne ne confondra non plus cette équipe avec les Islanders de New York des années 1980.

Les joueurs locaux avaient abondamment discouru, la veille, sur leur incapacité à marquer des buts. C’est comme si les visiteurs s’étaient donné la mission de leur faciliter la tâche. Survolons rapidement les cadeaux du Tricolore à la source des cinq filets du Kraken.

Premier but : rondelle perdue en zone adverse

Deuxième but : revirement

Troisième but : revirement et mauvais changement

Quatrième but : mauvais changement

Cinquième but : revirement

On comprend bien ce que voulait dire Anderson en affirmant que ses coéquipiers et lui devaient « réfléchir à [leur] façon de jouer ». Et ce que Petry avait en tête en décrivant la « déconnexion » entre les Montréalais sur la glace.

« On s’éloigne du porteur de la rondelle, on est loin du disque, on est deuxièmes dans les batailles », a-t-il énuméré, livide.

Et d’ajouter que le Kraken est « une équipe qui contre-attaque rapidement et qui joue vite ». « On ne peut pas faire ça et on l’a fait. »

Erreurs coûteuses

L’entraîneur-chef Dominique Ducharme, quoique lucide, a été moins sévère que ses joueurs. Contrairement à Petry, il n’a pas comparé cette défaite à la violente dégelée subie à Buffalo il y a deux semaines.

« On s’est tiré dans le pied », a-t-il cette fois constaté. Surtout à partir de la deuxième période.

Son équipe s’est « entêtée » à forcer le jeu au centre de la glace et a « payé cher » ses erreurs. L’« exécution » en unité de cinq joueurs fait gravement défaut. Des mauvaises décisions sont prises. Et « la chaîne se brise » – ses mots, pas les nôtres.

« On doit être meilleurs », a-t-il conclu.

Le diagnostic est juste, mais il est drôlement récurrent, et ce, même si la saison est encore très jeune. Et le Canadien se retrouve avec une fiche de 1-6-0 alors qu’il s’envole pour San Jose, où il n’a pas gagné au XXIe siècle.

Brendan Gallagher a souligné lundi à quel point le souvenir de 2017-2018 était encore frais à sa mémoire. Celui d’une saison qui avait glissé entre les doigts du club pendant un voyage en Californie.

Avec tous ces points échappés contre des adversaires qui ne sont pas promis aux séries éliminatoires (les Sabres, les Sharks, le Kraken), le coup de barre n’est pas que nécessaire. Il est urgent.

Car les trois prochains matchs en Californie pourraient bien définir l’identité de cette mouture du Tricolore – dans un sens comme dans l’autre. Mais elle pourrait aussi aggraver un retard au classement susceptible de devenir insurmontable bien avant Noël.

Et ça, honnêtement, on ne le souhaite à personne.

Ils ont dit

On a un plan de match. On regarde de la vidéo, on sait ce que l’autre équipe fait, on n’exécute juste pas. On doit se regarder dans le miroir et réfléchir à notre façon de jouer, individuellement. Quand on aura résolu ça et qu’on jouera en équipe, le succès va arriver.

Josh Anderson

Tout le monde travaille fort, mais on n’exécute pas. Les gars savent ce qu’on doit faire et comment le faire, c’est juste une question de le faire avec constance. Les gars ont de bonnes intentions. C’est une question de travailler de la bonne façon à l’intérieur du système et de notre structure.

Jeff Petry

Je n’ai pas senti plus de frustration qu’au cours des derniers matchs. Les gars étaient mécontents de ce qui se passait. C’est normal que ça arrive dans un match comme celui-là.

Ben Chiarot

On a eu nos chances, à deux contre un ou deux contre zéro, on manque le filet. C’étaient des occasions de remettre le match à notre portée.

Dominique Ducharme

Propos recueillis par Simon-Olivier Lorange, La Presse

Dans le détail

Timide réjouissance

Aucune percussion ni cuivre ne résonnera, mais à son septième match de la saison, le Canadien n’a, pour la première fois, accordé aucun but en désavantage numérique. Puisque nous sommes de bonne foi, rendons d’abord hommage aux employés affectés à la couverture à court d’un homme dans le camp montréalais, à commencer par Ben Chiarot et Artturi Lehkonen. Par contre, il est difficile de passer sous silence la faible opposition que leur a servie le Kraken, dont la faiblesse est déjà connue en attaque (sauf mardi) et dont la cohésion tarde logiquement à s’installer, vu qu’on est encore à faire les présentations. Parfait en quatre occasions, le CH a maintenant gonflé son taux d’efficacité en désavantage numérique à… 64 %. C’est mieux que la veille. Mais ce n’est pas encore bon.

Encore un but hâtif

Cela fait maintenant six matchs consécutifs que le Tricolore accorde le premier but. En fait, à une seule reprise il a ouvert la marque, et c’était à Toronto lors de la rencontre inaugurale. Non seulement cette mauvaise habitude se répète, mais en plus elle se manifeste souvent tôt. Le but de Jordan Eberle, mardi, a été inscrit après seulement 1 min 2 s de jeu. C’était la deuxième fois que l’adversaire brisait la glace après moins de 90 secondes cette saison, et la quatrième fois avant la barre des 7 minutes de jeu. Les penseurs du hockey ont souvent exprimé à quel point amorcer les matchs en retard était contre-productif. La théorie est confirmée. Au fait, Eberle avait indiqué la veille avoir hâte d’inscrire son premier but, lui qui avait été blanchi après six matchs. Il peut maintenant passer à autre chose.

L’adversaire favori de Gourde

On n’a pas demandé à Yanni Gourde s’il aimait affronter le Canadien. Mais répondons quand même pour lui : oui. Avant la rencontre, le Québécois avait inscrit 9 points en 14 matchs contre le Tricolore, une récolte honnête sans être spectaculaire. Et voilà qu’il a ajouté deux points mardi. Mais un constat frappe l’imagination. Avec cette victoire du Kraken, Gourde a maintenant vaincu le CH 16 fois en 20 rencontres (16-1-3) depuis ses débuts dans la LNH, si l’on inclut la saison et les séries éliminatoires. Il faut dire que de passer la majeure partie de sa carrière avec le Lightning de Tampa Bay, bête noire du Canadien dans la division Atlantique, n’a pas nui. L’échantillon est mince, mais l’effet porte-bonheur semble l’avoir suivi sur la côte Ouest.