Une cinquième défaite en cinq matchs, un but de Jesperi Kotkaniemi et les Hurricanes qui trôlent le Canadien. Si on avait écrit un scénario d’épouvante pour ce début de saison du Tricolore, on aurait difficilement pu trouver mieux.

C’est exactement ce qui s’est produit, jeudi soir, au Centre Bell. Résultat : une défaite de 4-1 du CH aux mains des Hurricanes de la Caroline.

Avec ce revers, le Canadien connaît son pire début de saison depuis 1995-1996. Le record d’équipe de sept défaites de suite, de 1938-1939, n’est pas encore menacé, mais le simple fait de le mentionner montre où on en est.

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Question d’en rajouter une couche, les Hurricanes ont – plus ou moins discrètement – tweeté un lien après le match. L’adresse : didthehabslose.com (on pourrait traduire par : leCanadienatilperdu.com). En y arrivant, des chandails des Kotkaniemi et Sebastien Aho, et en guise de cerise sur le gâteau, le code promotionnel : oui.

Tout cela est bien frivole, cela dit, et n’a aucun effet autre que d’alimenter la rivalité entre les deux organisations.

Mais si on revient à nos scénarios d’épouvante, en voilà un d’octobre 1995, dans la foulée des cinq défaites de suite : un grand ménage au Forum, le coach et le DG dégommés. Quelques semaines plus tard, Réjean Houle va chercher un gardien dans une transaction qu’on n’est pas près d’oublier : Jean-Jacques Daigneault contre Pat Jablonski.

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Ben Chiarot et Jesperi Kotkaniemi

Cette année, le thème du grand ménage n’est pas tant à la mode. Dominique Ducharme vient de recevoir un nouveau contrat, après avoir mené son équipe en finale. C’est sans oublier Claude Julien, qui est théoriquement encore payé puisqu’il écoule la dernière année de son contrat. Ça commence à faire beaucoup de sous sur un poste.

Les regards sont davantage tournés vers Marc Bergevin, lui aussi en dernière année de contrat, mais toujours en poste. Et dans les circonstances, ce scénario d’une défaite et d’un but de Kotkaniemi, il en avait besoin comme on a besoin de se cogner le fameux nerf du coude qui fait si mal.

Des erreurs payées « cash »

Soyons clairs : non, le Canadien n’a pas perdu en raison de la tenue de Kotkaniemi, mais bien plus en raison des prouesses de ses compatriotes finlandais Aho et Teuvo Teravainen, et d’un autre Européen du nord, Frederik Andersen.

Il a perdu parce qu’une équipe a profité de ses chances, et pas l’autre.

« Je pense que le pointage ne reflète pas l’allure du match, c’était compétitif et on a durement combattu, a estimé Ducharme. Mais encore une fois, on a fait des erreurs et on a payé. On n’a pas profité des leurs. On a eu deux échappées. On a eu des jeux près de la peinture bleue, mais on a manqué le but. »

On revient souvent au manque d’attaque, aux quatre buts marqués en cinq matchs, mais défensivement, ça demeure imparfait. « Deux revirements sur le troisième but », « un dégagement qu’on aurait pu avoir », sur le premier but des visiteurs, a souligné l’entraîneur-chef.

Les joueurs, eux, avaient l’air tous aussi abattus les uns que les autres, chacun à leur façon. Suzuki, sans son habituel regard toujours du bon côté de la ligne entre la confiance et l’arrogance.

« C’est dur en ce moment. La confiance dans le groupe est basse, a admis le jeune attaquant, en point de presse. Des jeux que l’on fait tout le temps, on ne les exécute pas. C’est un segment difficile. Mais on a eu des segments difficiles l’an dernier. Les bonnes équipes trouvent une façon de s’en sortir. »

Josh Anderson, avec sa voix un peu éraillée et ses propos moins analytiques qu’à leur habitude. Tyler Toffoli, par l’émotion qu’il a montrée en parlant, lui qui est généralement assez prévisible dans ses réponses.

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PHOTO FRANÇOIS ROY/LA PRESSE MONTRÉAL P-SPO-2021-08-18-23553 Match entre les Canadiens de Montréal et les Hurricanes de la Caroline au Centre Bell. Sur la photo, Jake Allen fait l’arrêt devant Brady Skjei en 3e période. 21-10-2021

Prenez celle-ci, quand on lui a demandé de décrire l’état d’esprit de son groupe. « Comment penses-tu que c’est ? J’imagine que c’est exactement comme ça dans le vestiaire. C’est frustrant. On doit trouver une façon et jouer 60 minutes », a répondu l’auteur de l’unique but du match du Canadien.

Alors c’est là qu’en est cette équipe. En crise sur la patinoire, en crise aussi au septième étage, là où l’avenir de Bergevin alimente tant les discussions. Tout ça quatre mois à peine après l’euphorie du but d’Artturi Lehkonen en prolongation contre Las Vegas, les accolades de Bergevin à ses joueurs et la pizza de Phillip Danault.

Un autre monde.

Dans le détail

Un but en or

Jusque-là, l’invité le plus attendu de la soirée avait été plutôt discret. Copieusement hué à chacune de ses présences sur la glace, Jesperi Kotkaniemi n’était pas du tout en voie de punir son ancien club. Or, au milieu de la troisième période, il a d’abord reçu en cadeau beaucoup, beaucoup d’espace pour manœuvrer dans l’enclave. Puis il s’est offert son premier but dans l’uniforme des Hurricanes en redirigeant un tir de Brady Skjei. Il n’a plus arrêté de sourire, y compris lorsqu’il a rencontré ses vieux amis de la presse montréalaise après le match. Il ne savait pas trop quel accueil le public lui réserverait, mais les huées l’ont finalement davantage fait rire qu’autre chose, a-t-il dit. Néanmoins, ce but a été pour lui un « soulagement » après deux premiers matchs plus sobres. Andrei Svechnikov a quant à lui révélé que son jeune coéquipier avait mis une jolie somme en jeu en cas de victoire contre son ancienne équipe. À un journaliste qui lui a demandé combien lui coûterait ce gain, Kotkaniemi s’est contenté de répondre « un petit peu » avant de rire (encore) de bon cœur.

Finlandais en folie

Depuis le début de la saison, Kotkaniemi complète un trio enflammé avec ses compatriotes finlandais Sebastian Aho, au centre, et Teuvo Teravainen à l’aile droite. N’empêche pas que jeudi, les trois partenaires se cherchaient sérieusement, en première période. De fait, Kotkaniemi aurait pu marquer dès l’engagement initial si la passe d’Aho, après un revirement de Tyler Toffoli, avait été plus précise. Sobrement, Aho a dit après le match qu’il avait « aimé » la performance de son trio, qui a « eu ses chances ». Vérification faite, cette unité a obtenu quatre chances de marquer de qualité sans en concéder une seule à l’adversaire, selon la compilation du site Natural Stat Trick. L’entraîneur-chef des Hurricanes, Rod Brind’Amour, a souligné que toute son équipe avait joué de manière « léthargique » au premier vingt, « particulièrement ce trio ». Toutefois, « ils se sont améliorés à mesure que le match avançait ». Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les prochains adversaires des Canes.

Enfin un but à cinq contre quatre, mais…

D’abord la bonne nouvelle : le Canadien a ENFIN marqué en avantage numérique, gracieuseté de Tyler Toffoli. Ensuite la moins bonne : le Tricolore n’a plus tiré profit des multiples occasions qui lui ont été fournies. Les Hurricanes ont en effet écopé de six punitions. Dominique Ducharme a souligné que le but refusé à Brendan Gallagher était en avantage numérique et que s’il avait été accordé, son équipe aurait terminé la soirée avec une efficacité de 33 % (2 en 6). Fort bien. Mais au-delà de la feuille de pointage, il y a la manière. Entrer en zone adverse a, encore une fois, ressemblé à une épreuve de Fort Boyard. Même sortir de son propre territoire était une aventure pour le CH. Ducharme a fait valoir que les Hurricanes étaient l’une des meilleures équipes du circuit en désavantage numérique, et il a bien raison : depuis la saison 2018-2019, elle est carrément la meilleure (83,6 %), aidée notamment par son « agressivité » à sa ligne bleue et sur les rondelles en mouvement, dixit Ducharme. Il revenait donc à ses hommes de « battre le premier gars [plus] rapidement » en sortie de zone. Et il y a encore cette vilaine « exécution » qui fait défaut. Ça commence à faire beaucoup de correctifs à apporter. D’ici peu, si possible.

Ils ont dit

À cinq contre cinq, on a été meilleurs pour créer des chances. L’avantage numérique a finalement marqué, mais on a eu des chances dont on n’a pas profité. Et le but refusé. Il faut trouver des façons [de marquer].

Nick Suzuki

J’ai vu la reprise, je ne sais pas ce qu’ils ont vu. Je ne sais pas si on peut encore toucher au gardien.

Josh Anderson, au sujet du but refusé à Brendan Gallagher

La ligne est mince. Je ne suis pas ici pour me plaindre. Dans un match, c’est un but. Dans un autre match, ça ne fonctionne pas.

Tyler Toffoli, sur le même sujet

C’était 50-50. Les patins [de Gallagher] étaient en dehors du [demi-cercle] bleu, une partie de son corps était dedans. A-t-il touché la mitaine du gardien au moment où la rondelle passait ? Ç’aurait pu aller des deux côtés.

Dominique Ducharme

À certains moments, on a trop voulu en faire. [Mais] je préfère devoir mieux gérer le sentiment d’urgence que d’en manquer.

Dominique Ducharme

C’est dur pour n’importe qui de se faire huer. Qu’un gars soit jeune ou non, tu ne veux pas entendre ça. Je crois qu’il s’attendait à ce genre de réaction, et il a répondu de la meilleure manière possible.

Rod Brind’Amour, entraîneur-chef des Hurricanes, au sujet de Jesperi Kotkaniemi

C’est dur de changer d’équipe, d’apprendre un système de jeu. Mais je crois qu’il est et qu’il sera une vedette.

Andrei Svechnikov, au sujet de Jesperi Kotkaniemi

Il a probablement l’un des meilleurs lancers du poignet de la ligue, et il aime l’utiliser. C’est une bonne chose pour nous.

Sebastian Aho, au sujet du but d’Andrei Svechnikov, marqué grâce à un tir précis

En hausse : Brendan Gallagher

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Brendan Gallagher

Quatre tirs et un but refusé pour le petit ailier, qui a disputé le meilleur de ses cinq matchs. Coïncidence ou non, il était avec un centre offensif (Nick Suzuki) pour la première fois de la saison.

En baisse : Jeff Petry

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Jeff Petry

Ça ne va pas du tout pour lui en ce début de saison. Des décisions douteuses en avantage numérique ont tué des attaques dans l’œuf. Ce n’était pas facile non plus pour son partenaire, Brett Kulak.

Le chiffre du match : 108 min 33 s

C’est la durée de la séquence sans but du Canadien, séquence qui a pris fin quand Tyler Toffoli a marqué. Il y a des séquences du genre chaque année, mais rarement aussi tôt dans le calendrier.