Jonathan Drouin n’a jamais connu Jean Béliveau. Il n’a évidemment jamais vu jouer le « Gros Bill », et Drouin a été échangé à Montréal plus de deux ans après la mort de M. Béliveau.

Il n’a pas connu Jean Béliveau, mais il côtoie Élise Béliveau. C’est à son côté que Drouin s’est présenté dans la salle de conférence du Complexe sportif Bell, samedi matin. La première dame du Canadien était de passage, le temps d’une photo à la droite de Drouin. « Pas de bisous », prévient quelqu’un dans la salle.

« Un jour, on va pouvoir s’en donner ! », rétorque Mme Béliveau, toujours aussi souriante.

Le prétexte de la photo : la remise du trophée Jean-Béliveau pour la saison 2021. Ce trophée, décerné par le Canadien, est remis au joueur « s’étant le plus démarqué par ses actions et par sa générosité au sein de la communauté ».

Drouin remporte ainsi un trophée qui a déjà été remis à P.K. Subban, Max Pacioretty et Saku Koivu, des noms associés à de grandes initiatives philanthropiques à Montréal.

Drouin étant de la jeune génération, ce ne sont pas ces anciens du CH qui l’ont d’abord inspiré, mais plutôt Ryan Callahan, un des vétérans du Lightning quand Drouin est arrivé dans la LNH.

« Il avait sa fondation avec des jeunes défavorisés qui n’ont pas l’argent, le temps ou les parents pour les amener à des matchs, des activités sportives. Dès ma première année, il m’amenait avec lui dans sa loge. Souvent, j’allais faire des visites et je me voyais faire ça un jour », a raconté le numéro 92.

L’engagement phare de Drouin dans la communauté est son implication auprès de la Fondation du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). En 2017, l’attaquant s’était engagé à verser 500 000 $ à la fondation, sur une période de 10 ans. Le Québécois participe aussi à différents évènements – notamment un tournoi de golf – dans le but d’amasser 5 millions sur la même période.

Drouin est également ambassadeur pour la fondation, en compagnie des chanteuses Véronic DiCaire et Béatrice Martin et du philanthrope L. Phillipe Angers.

Le numéro 92 finance également une des deux loges de la Fondation des Canadiens pour l’enfance, ce qui représente un don de 160 000 $ par année, selon l’équipe.

Ce n’est pas un hasard si cette dernière initiative vise les enfants de milieux défavorisés. Ses parents, Serge et Brigitte, travaillaient au centre jeunesse de Huberdeau.

« J’ai passé mon enfance à jouer avec des jeunes qui n’avaient pas l’argent pour faire du sport. Donc, c’est gros pour moi d’aider les autres, de les amener à passer une bonne soirée au Centre Bell. Ça me tient à cœur. Mes parents m’ont montré comment gérer ça et j’en suis très fier. »

« On est tous humains »

Ce trophée constitue aussi une belle tape dans le dos pour un joueur qui revient de loin.

Le printemps dernier, bien des observateurs se demandaient si ses jours à Montréal étaient comptés, à voir son rendement péricliter. La situation a atteint un tel point que Drouin a pris une pause pour des « raisons personnelles » ; il a finalement indiqué, au début du camp, qu’il souffrait de problèmes d’anxiété et d’insomnie.

« Quand j’ai arrêté, je ne savais pas comment les gens allaient le prendre, a-t-il admis. D’avoir le soutien que j’ai eu, des messages de plein de joueurs de la ligue, de gens qui ne sont pas dans le hockey, ça fait du bien. Je n’ai pas peur d’aider les gens. On est tous humains, on a tous des problèmes à un certain point. C’était à moi de m’occuper de mes problèmes. »

Le retour se déroule plutôt rondement jusqu’ici. Sur la patinoire, il totalise quatre points en deux matchs préparatoires et montre une belle cohésion avec ses compagnons de trio Christian Dvorak et Josh Anderson.

Hors glace, on le sent moins tendu que la saison dernière. La conférence de samedi était sa deuxième mêlée de presse depuis le début du camp. Le jeune homme avait aussi accordé des entrevues à RDS et à TVA Sports quelques jours avant l’ouverture du camp.

« Je suis plus de bonne humeur, je suis plus calme avec moi. J’ai juste du plaisir. Je suis juste content de revenir à Brossard avec les gars, les coachs. C’est juste ça que je connais, je n’ai rien fait d’autre dans ma vie que de jouer au hockey. Quand j’ai arrêté, c’était difficile au début. Je suis content et chanceux de revenir dans ce que je fais. »

La santé mentale a été un thème omniprésent dans le monde du sport en 2021. Drouin a d’ailleurs évoqué les cas de la joueuse de tennis Naomi Osaka et de la gymnaste Simone Biles, qui ont fait les manchettes ces derniers mois.

« Si tu ne peux pas être toi-même au quotidien, c’est le temps d’aller chercher de l’aide. Il n’y a pas de répercussions. Évidemment, j’ai manqué les séries, mais je me sens en santé, je me sens bien et j’ai fait le vide. Tu ne devrais pas te gêner à demander de l’aide. C’est dur à faire au début, mais quand tu vois les progrès, c’est là que tu comprends que tu as pris la bonne décision. »