Kaiden Guhle venait de disputer 23 min 44 s solides, un sommet chez les deux équipes.

Le jeune homme de 19 ans avait été impeccable défensivement ; avait frappé sans vergogne les attaquants des Maple Leafs de Toronto ; montré un calme étonnant en possession de la rondelle avec une première passe puissante et précise. En bref, il venait de jouer avec l’aplomb d’un vétéran.

Guhle, 1er choix du Canadien, au 16rang, en 2020, jouait au sein d’une paire avec David Savard contre les meilleurs éléments adverses et à profusion en infériorité numérique.

Mais Dominique Ducharme a tôt fait après le match d’imposer un vaccin à tous ceux qui seraient susceptibles d’attraper la « fièvre de la jeunesse ».

« Ça n’est pas assuré [qu’il soit renvoyé dans les rangs juniors], mais je le dis souvent, il n’y en a pas un qui est arrivé trop tard dans la ligue. Des fois, ils arrivent trop tôt. Faut faire attention à ça.

« À un moment donné arrivera le temps des décisions, il faut regarder tout ce processus-là, savoir aussi qu’aujourd’hui, le niveau de jeu est ici, et rendu à la fin, ça va être beaucoup plus haut. Il faut savoir si le jeune est capable de faire ça pour toute une année. C’est positif, ce qui se passe. Si toutefois il devait retourner chez les juniors, il aura acquis de l’expérience supplémentaire. Il sera encore plus mature quand il reviendra. »

Quand je le regarde, je sais qu’on va avoir un excellent défenseur pour plusieurs années.

Dominique Ducharme

L’entraîneur-chef du Canadien avait utilisé sensiblement les mêmes propos pour justifier le retrait de la formation des jeunes Cole Caufield, Jesperi Kotkaniemi et Alexander Romanov pour entamer les séries éliminatoires. Caufield et Kotkaniemi ont eu leur chance à un moment donné et aidé le Canadien à atteindre la finale de la Coupe Stanley.

L’expérience avec Kotkaniemi en début de carrière a néanmoins de quoi faire réfléchir la direction de l’équipe. Kotkaniemi avait connu un excellent camp d’entraînement à 18 ans et il méritait d’entamer la saison à Montréal, en 2018-2019. Il affichait même 20 points en 31 matchs au compteur, en janvier, avant de se heurter à un mur.

Deux ans plus tard, l’hiver dernier, Romanov allait lui aussi montrer des signes d’essoufflement en deuxième moitié de saison, au point d’être relégué dans les gradins pour la majorité des matchs en séries éliminatoires.

De nombreux précédents

Guhle ne serait néanmoins pas le premier défenseur de 19 ans à s’accrocher dans la LNH, évidemment.

L’an dernier, Bowen Byram et Tobias Björnfot, des choix de premier tour en 2019, ont disputé respectivement 19 matchs au Colorado et 36 matchs à Los Angeles. La première équipe était parmi les favorites pour remporter la Coupe Stanley, la seconde en reconstruction. Un membre de la cuvée 2020 de Guhle, Jamie Drysdale, a fait le saut à Anaheim, un club en reconstruction, à 18 ans.

Il y a de nombreux précédents. Mikhail Sergachev avait 19 ans lorsque le Lightning de Tampa Bay lui a offert un poste, après l’avoir obtenu contre Jonathan Drouin, en 2017. Charlie McAvoy a montré beaucoup d’aplomb en séries avec les Bruins de Boston à 19 ans. Jakob Chychrun, repêché en 2016 comme Sergachev et McAvoy, a entamé sa carrière avec les Coyotes de l’Arizona à 18 ans seulement.

Parmi les joueurs de la cuvée 2018, Rasmus Dahlin a commencé sa carrière à Buffalo à 18 ans. C’était néanmoins un tout premier choix. Quinn Hughes a entamé sa carrière à Vancouver avant ses 20 ans. Adam Boqvist (Blackhawks de Chicago) avait 19 ans, tout comme Noah Dobson (Islanders de New York). Ty Smith venait d’avoir 20 ans à sa première saison complète avec les Devils du New Jersey.

Repêché en 2017, Miro Heiskanen avait 19 ans à ses débuts à Dallas.

Bob Hartley, mentor de Ducharme, a souligné lundi sur les ondes du 91,9 Sports que la LNH avait rajeuni et que si un jeune joueur lui démontrait qu’il était prêt, il n’hésiterait pas à l’insérer dans sa formation, comme il l’a fait jadis avec Sean Monahan, T. J. Brodie, Alex Tanguay et Martin Skoula. Mais Hartley n’est pas Ducharme malgré le lien fort qui les unit.

Le Canadien a néanmoins le luxe de ne pas être pressé. Jeff Petry, Joel Edmundson, Ben Chiarot, David Savard et Alexander Romanov, malgré son jeune âge, sont assurés d’un poste. Il reste une place de sixième défenseur et un poste de réserviste pour Brett Kulak, Sami Niku, Mattias Norlinder et Chris Wideman.

Wideman a disputé un match typique. Très efficace en supériorité numérique, bonne relance, mais sous pression, parfois une aventure dans son territoire. Peut-il convaincre Ducharme qu’il peut jouer à cinq contre cinq sans mettre son équipe en difficulté ? Pas sûr encore.

Mattias Norlinder est un peu plus efficace défensivement que certains ne le craignaient. Mais le niveau de jeu n’est pas encore très élevé.

Avec cinq minutes à faire en troisième période lundi, avec une avance de deux buts, Norlinder a tenté de battre un adversaire à un contre un en zone ennemie. Un jeu inutile en pareilles circonstances. Il a perdu le disque et les Leafs ont contre-attaqué à deux contre un. Espérons qu’il ait pris bonne note qu’il faut aussi jouer en fonction du score et du cadran.

Il faut parfois prêter attention aux commentaires des vétérans à l’endroit des recrues pour mesurer le talent de celles-ci. À ce chapitre, Savard n’a pas tari d’éloges à l’égard de Guhle.

« J’essaie de le chapeauter un peu, mais ça vient de lui, tu vois que c’est un joueur extrêmement intelligent, il se place bien, défend bien, il n’est jamais dans le trouble. C’est un grand patineur et il est calme. C’était plaisant de jouer avec lui et il m’a rendu la vie facile. »

À défaut d’en rêver pour le premier match de la saison, on s’autorise à avoir hâte de le revoir à l’œuvre lors du prochain match préparatoire…

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  3. Pendant toute la saison, La Presse offrira un tour d’horizon hebdomadaire des plus grands moments sur la scène du foot européen. L’œuvre de Jean-François Téotonio.