On dira plusieurs fois, au cours d’une saison, que tel ou tel joueur revient de loin. Ce ne sera sans doute jamais aussi vrai que pour Chris Wideman.

Au sens figuré, d’abord. À l’automne 2018, Wideman et son coéquipier Matt Duchene, des Sénateurs d’Ottawa, ont été filmés dans un Uber en train de se moquer de l’entraîneur adjoint Martin Raymond.

Au moment où la vidéo a été révélée au public, le 5 novembre 2018, le défenseur avait disputé 170 matchs avec les Sénateurs. Depuis, il n’en a joué que 11 dans la LNH, avec trois équipes différentes – tous en 2018-2019, au fait, avant d’être relégué pour de bon à la Ligue américaine.

Au sens littéral, ensuite : la saison dernière, devant l’impossibilité de se trouver du boulot dans la LNH, Wideman s’est exilé en Russie, où il a joué avec le Torpedo de Nijni Novgorod, dans la KHL.

Même s’il évoque l’« expérience exceptionnelle » qu’il a vécue là-bas, il ne fait pas de cachette : « Chaque matin, je me demandais comment j’allais revenir dans la LNH. »

Généreux pendant son premier point de presse devant les médias montréalais, lundi matin, l’Américain de 31 ans a raconté que son départ pour la Russie moins de deux semaines après son mariage n’a pas été la lune de miel rêvée. Sur le plan hockey, il ne connaissait pratiquement aucun des joueurs des autres équipes, si bien qu’il se faisait « passer la rondelle entre les jambes par des gars du quatrième trio ».

Le temps, toutefois, lui a permis de trouver ses repères. Dans la KHL, il a découvert un style de jeu dans lequel les attaquants mettaient un accent évident sur les affrontements à un contre un. « À l’entraînement comme en match, ça m’a permis d’améliorer mon jeu défensif, dit-il. J’ai appris différentes choses, ça m’a beaucoup aidé. »

Son jeu offensif en a aussi bénéficié, visiblement. Contributeur modeste à son premier passage dans la LNH – 45 points en 181 matchs, un rythme d’une vingtaine de points par saison complète –, il a explosé avec 41 points en 59 matchs en Russie. Des statistiques qui rappellent ses performances dans la Ligue américaine, où il a inscrit 176 points en 280 matchs.

Ces succès ont porté leurs fruits, car c’est précisément pour ses qualités offensives que le Canadien lui a offert un contrat, l’été dernier. Vu l’absence prolongée de Shea Weber, il y a une place à prendre sur la deuxième unité d’avantage numérique. Et Wideman, droitier comme Weber, est au plus fort de la course pour obtenir le dernier poste disponible en défense.

Maturité

Une question se pose tout de même : comment un joueur qui n’a jamais rien cassé offensivement dans la LNH peut-il commencer à remplir un rôle à temps plein au début de la trentaine ?

La réponse de Wideman est presque philosophique. Il souligne avoir gagné en maturité et avoir mis derrière lui « différents aspects, différentes directions » de sa vie. Sa femme et lui attendent un premier enfant. « J’ai un meilleur focus sur ce que j’ai à faire chaque jour pour être meilleur sur la glace, explique-t-il. Je profite de mes occasions quand j’ai la rondelle, je me sens à l’aise de faire des jeux que je ne faisais pas avant. »

Il a depuis longtemps tourné la page sur l’incident de 2018, dont il a pris la pleine responsabilité. Et il est infiniment « reconnaissant » pour la deuxième chance que lui offre le Tricolore.

Dominique Ducharme, lui, nous invite à aller voir qui étaient ses coéquipiers en défense à Ottawa.

Vérification faite : Wideman évoluait au sein d’une brigade résolument portée sur l’attaque, avec Erik Karlsson, Dion Phaneuf, Cody Ceci et un tout jeune Thomas Chabot.

En avantage numérique, « si tu regardes combien de temps joue Karlsson, il n’en reste plus épais pour montrer ce que tu peux faire », a illustré l’entraîneur-chef du CH.

« Quand tu juges un joueur comme lui, il faut que tu regardes la situation [dans son ensemble] », a-t-il ajouté.

À l’évidence, le défenseur a « certains outils dont on a besoin avec l’équipe ; par contre, on veut des joueurs fiables à cinq contre cinq », a nuancé Ducharme. Il reconnaît toutefois un joueur « intelligent, qui comprend le jeu » et qui, à défaut de posséder un fort gabarit, « rétrécit bien l’espace entre les attaquants et lui avec son bâton ».

Et de conclure, comme à propos de tous les joueurs depuis le début du camp : « C’est à lui de nous montrer [ce qu’il peut faire]. La réponse est dans ses mains. »

Chris Wideman disputera d’ailleurs un premier match hors concours ce lundi soir, à Montréal, alors que le Canadien recevra les Maple Leafs de Toronto. Son partenaire en défense sera Corey Schueneman, qui a signé un contrat de la LNH la saison dernière après des débuts prometteurs avec le Rocket de Laval.

En bref

  • Blessé au haut du corps, dimanche, à la suite d’une banale chute pendant la période d’échauffement précédant le match intraéquipe, Cole Caufield s’absentera pendant une semaine, a confirmé Dominique Ducharme. « Ce n’est rien de majeur », a-t-il précisé.
  • Les jeunes défenseurs Kaiden Guhle et Mattias Norlinder disputeront ce lundi le premier match hors concours de leur carrière. Ils évolueront, respectivement, à la gauche de David Savard et de Ben Chiarot. « Je leur ai d’abord dit d’apprécier ce moment, cette première fois où ils vont enfiler un uniforme de la LNH, a raconté Dominique Ducharme. Je leur ai ensuite dit de rester eux-mêmes, d’utiliser leurs forces et de montrer qu’ils sont capables de s’adapter [aux différentes situations]. Ce n’est pas obligé d’être compliqué. »
  • Les gardiens Jake Allen et Kevin Poulin se sépareront le travail devant le filet, comme l’ont fait Cayden Primeau et Michael McNiven samedi dernier à Toronto.
  • Retenu jusque-là par des raisons familiales, Brendan Gallagher a amorcé son camp d’entraînement lundi matin, mais ne participera pas au match contre les Leafs. Avec d’autres vétérans qui auront congé, notamment Jeff Petry, il est resté longuement sur la glace après l’entraînement matinal des siens, donnant du fil à retordre au jeune gardien Alexis Gravel.
  • Le défenseur Joel Edmundson, qui se remet d’une blessure, devrait rejoindre les groupes d’entraînement principaux mardi ou mercredi, tout comme Sami Niku, ex-membre des Jets de Winnipeg embauché vendredi dernier.