André Tourigny est installé depuis maintenant quelques semaines, seul dans son nouveau condo meublé, à Desert Ridge, prêt à relever le plus grand défi de sa carrière : reconstruire les Coyotes de l’Arizona.

Le nouveau coach des Coyotes a laissé la maison d’Ottawa à ses enfants et est parti pour Phoenix avec pour tout bagage quelques valises.

« Normalement, ce sont les enfants qui partent de la maison, mais là, c’est moi... », lance-t-il en riant au téléphone.

Le premier fréquente l’Université d’Ottawa. Sa fille est au Collège Algonquin. Le troisième poursuit ses études à l’Université McGill, à Montréal.

« Ça, c’est la partie très, très difficile, les avoir loin », dit celui qui a dirigé les 67 d’Ottawa, dans la Ligue junior de l’Ontario, au cours des trois dernières années.

Après avoir été l’adjoint de Patrick Roy au Colorado pendant deux saisons, de 2013 à 2015, adjoint de Dave Cameron à Ottawa en 2016, puis de retour dans les rangs juniors ensuite, Tourigny, 47 ans, a enfin obtenu, en juillet, la chance de diriger une équipe de la Ligue nationale de hockey (LNH).

Après le congédiement de l’entraîneur-chef Rick Tocchet, notre homme a reçu un premier texto d’un membre de l’organisation, le directeur du recrutement amateur Ryan Jankowski, un ancien complice chez Hockey Canada.

Le directeur général Bill Armstrong a communiqué avec lui quelques jours plus tard pour le convoquer en entrevue.

« Je ne savais pas trop à quoi m’attendre avant la première rencontre, je ne savais pas combien il avait de candidats sérieux, mais pendant cette entrevue, j’ai senti une connexion. Je me rappelle avoir appelé chez moi après et d’avoir dit à mon monde : “D’après moi, ça va marcher !” »

Un gros travail

Tourigny hérite toutefois d’un club en pleine reconstruction. Le prédécesseur d’Armstrong, John Chayka, a laissé l’organisation dans un état lamentable. Non seulement les Coyotes ont-ils été exclus des séries huit fois lors des neuf dernières saisons, mais en plus Chayka a vidé le club de ses choix de premier et de deuxième tour.

Armstrong a donc pris la décision d’échanger plusieurs joueurs importants de la formation pour obtenir des choix.

Les gardiens Darcy Kuemper et Adin Hill ont été échangés pour de hauts choix et des espoirs. Le troisième, Antti Raanta, n’a pas été retenu.

Le plus haut salarié et capitaine de l’équipe, le défenseur Oliver Ekman-Larsson, et le troisième compteur, Conor Garland, ont été échangés aux Canucks contre des choix de premier et de deuxième tour, et les vétérans surpayés Loui Eriksson, Antoine Roussel et Jay Beagle.

Armstrong a obtenu des choix de deuxième tour en acceptant de recevoir Shayne Gostisbehere et Anton Stralman avec leurs contrats démesurés.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Christian Dvorak et Carey Price durant un match opposant le Canadien aux Coyotes de l’Arizona, en 2019

Et il y a eu ce fameux échange de Christian Dvorak, l’attaquant le plus utilisé de l’équipe l’an dernier, en retour de choix de premier et de deuxième tour du Canadien. Dvorak est le type de centre qu’affectionne Tourigny.

« On a eu de très bonnes discussions là-dessus, ç’a été une décision difficile, dit l’entraîneur-chef. D-Vo était aimé ici, Bill l’aimait, mais ça n’a pas été une décision prise sur un coup de tête. Un prix avait été fixé et le risque a été pris. »

Le Canadien a fait une très bonne acquisition. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour nous à court terme, mais on espère que ça va jouer en notre faveur à long terme. J’ai été DG dans les rangs juniors, je comprends ces décisions. Des fois, il faut faire un pas en arrière pour faire deux pas en avant.

André Tourigny, entraîneur-chef des Coyotes de l’Arizona, à propos de Christian Dvorak

Tourigny voue un grand respect à son nouveau patron.

« Quand Eric Lindros a gagné la Coupe Memorial [à Oshawa], Bill Armstrong était le capitaine de l’équipe. Il a été capitaine et capitaine assistant dans la Ligue américaine, il a du leadership. Il a passé sa carrière comme recruteur, il était adjoint au directeur général à St. Louis quand ils ont gagné la Coupe Stanley, il a des convictions, de bonnes valeurs, il croit aux jeunes et à l’importance de construire avec le repêchage. Il n’a pas peur de prendre des décisions difficiles. »

Mandat clair

Tourigny n’aura pas le mandat de gagner la Coupe Stanley cette année. Et sans doute pas la prochaine non plus. Son mandat est clair.

« Des équipes qui reconstruisent, il y en a eu plusieurs. Certaines sortent de leur reconstruction plus fortes que jamais et remportent des Coupes Stanley, d’autres restent en reconstruction éternellement. L’important pour nous, c’est de bâtir une culture, construire une façon de jouer qui rendra la vie difficile à nos adversaires, avec une éthique de travail exemplaire. »

Malgré les nombreux départs, il y a peu de place pour les recrues puisqu’on a accueilli de nombreux vétérans rejetés par les autres clubs. Tourigny leur réserve néanmoins un rôle important malgré leur carrière en pente descendante.

« On a de bons jeunes, des [Jakob] Chychrun, [Clayton] Keller, [Nick] Schmaltz, [Lawson] Crouse, mais ils ont besoin d’être bien entourés. Les vétérans qui s’amènent ont gagné la Coupe Stanley, ont de bonnes réputations comme athlètes professionnels, ce sont des joueurs sérieux. Bill voulait rentrer du leadership dans l’équipe.

« J’ai parlé à la majorité des gars au téléphone, j’ai pu aller manger avec quelques gars, apprendre leur parcours et leur vision des choses. »

André Tourigny s’attend à ce que les Ladd, Roussel, Gostisbehere, Stralman et Beagle relancent leur carrière en Arizona.

PHOTO MATT SLOCUM, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Shayne Gostisbehere (53), dans l’uniforme des Flyers de Philadelphie, devant Brad Marchand (63), des Bruins de Boston, le 5 février 2021

« Ce sont les gars les plus faciles à motiver. Ils veulent prouver des choses, qu’ils en ont encore dans le réservoir. Phil Kessel se cherche un contrat. On a plusieurs gars comme ça. Gostisbehere veut prouver qu’il est le défenseur que les Flyers ont embauché il y a quelques années. Ladd est de retour en santé. »

Les jeunes devront faire leur place. Barrett Hayton a été le centre repêché après Jesperi Kotkaniemi, au cinquième rang en 2018. Il a disputé à peine 34 matchs dans la LNH jusqu’ici et obtenu sept points.

« J’ai dirigé Barrett au Championnat mondial junior, c’était notre capitaine. Il a été déçu d’être renvoyé à Tucson, dans la Ligue américaine, l’an dernier, et sa saison a été difficile. Sera-t-il le joueur dominant du Championnat mondial ou celui de Tucson ? Je ne veux pas le cataloguer. On part à zéro, comme avec tout le monde ici. C’est à lui de faire ses preuves. On va prendre la meilleure décision pour sa carrière. »

Même si les Coyotes reconstruisent, les jeunes devront mériter leur poste.

Je ne comprends pas les fans qui disent qu’on doit donner une chance aux jeunes. Ils doivent mériter leur place. Est-ce qu’on prend un jeune et on lui donne un poste de médecin sans formation en espérant qu’il s’améliorera sur le tas ? C’est la même chose dans le sport.

André Tourigny, entraîneur-chef des Coyotes de l’Arizona

« Le hockey, ce n’est pas une loterie, ajoute-t-il. Le jeune ne va pas s’améliorer si tu le places dans la LNH et qu’il n’est pas prêt. Faire vivre des échecs aux jeunes tous les jours est un bon outil de développement. »

Il fallait lui poser une petite question sur le CH pour terminer. Après le Championnat mondial junior en 2021, Tourigny, à la tête de l’équipe junior canadienne, a tenu des propos durs à l’égard de Cole Caufield, membre de l’équipe américaine, en déclarant qu’il ne figurait pas dans son plan de match des joueurs à suivre avant d’affronter les Américains. A-t-il changé d’opinion sur lui depuis ?

« Oui, définitivement, répond-il spontanément. Je n’ai pas changé mon opinion sur sa performance au Championnat du monde junior, mais en suivant les séries éliminatoires, non seulement j’ai aimé sa performance, mais je l’ai trouvé électrisant, énergisant.

« On le sentait impatient au Championnat mondial. Il n’était pas dominant. Il ne jouait pas à sa position de prédilection en supériorité numérique, on lui préférait Kaliyev. Ça lui a un peu coupé les jambes. Avec le Canadien, ses prises de décision étaient meilleures, on le sentait confiant. Il a encore du développement à faire, et il va continuer à s’améliorer rapidement ! »