Une gardienne acadienne. Devant le filet d’une équipe chinoise. Au sein d’une ligue russe.

L’association n’est pas nécessairement la plus instinctive qui soit. Mais elle est néanmoins bien réelle.

Arrivée à Moscou la semaine dernière, la Néo-Brunswickoise Marlène Boissonnault a fait ses débuts mercredi soir avec le KRS Vanke Rays de Shenzhen, l’une des 10 formations de la ligue Zhenskaya (ou ZhHL), volet féminin de la KHL.

En raison de la COVID-19, le KRS a momentanément été déplacé dans la capitale russe.

Seule formation du circuit à ne pas aligner que des joueuses russes, le KRS était à la recherche de renfort devant le filet pour disputer un court tournoi présaison. C’est à ce moment que le téléphone de la Canadienne de 24 ans a sonné. Et comme l’offre n’entrait pas en conflit avec ses autres engagements, elle a sauté sur l’occasion de vivre une véritable expérience comme hockeyeuse professionnelle.

La ZhHL, en effet, offre à ses athlètes des conditions leur permettant de vivre de leur sport. Pas à la hauteur des supervedettes de la KHL, mais suffisamment pour ne pas avoir à occuper un emploi dit « de jour », comme c’est le cas dans l’actuelle PHF, aux États-Unis (autrefois la Ligue nationale féminine, ou NWHL), et comme ce l’était dans la défunte Ligue canadienne.

Alors que la KHL n’est suivie que de très loin par les partisans nord-américains, la ZhHL leur est carrément inconnue.

Premières impressions ? « C’est vraiment différent ! », résume en riant (et en français) la gardienne au téléphone.

Choc

Le choc culturel est évident. En dehors de l’équipe, à peu près personne ne parle anglais, au point où une simple visite à l’épicerie devient une aventure – « je ne reconnais aucun des articles », avoue-t-elle.

Dans l’organisation même, elle note des façons de faire qu’elle n’avait pas vues auparavant par rapport aux traitements thérapeutiques. Mais du reste, sur la glace, le langage est universel. « Du hockey, c’est du hockey », résume-t-elle.

Surtout au sein du KRS, où les joueuses sont canadiennes, finlandaises, tchèques, chinoises et russes, l’accueil a été cordial, assure-t-elle. Cette diversité fait « la force de l’équipe ».

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @MARLENEBOSS

Marlène Boissonnault dans l’uniforme du KRS Vanke Rays de Shenzhen

En outre, la dose de talent sur la glace n’est pas celle qu’elle a connue lors des rencontres qu’elle a disputées avec la PWHPA, association nord-américaine de joueuses professionnelles qui regroupe l’essentiel des équipes nationales canadiennes et américaines.

Cela n’escamote toutefois pas ce qui, à ses yeux, est le plus important : le sentiment d’être considérée comme une professionnelle – ce que « mérite » une hockeyeuse qui gagne sa vie avec son sport, rappelle-t-elle. « Ici, tu es traitée de manière à pouvoir performer et gagner des matchs. »

En attendant

Le thème de la professionnalisation du sport revient plusieurs fois dans la conversation… comme c’est souvent le cas avec les joueuses d’élite. Et pour cause : les années passent, mais aucune ligue professionnelle n’a encore offert aux hockeyeuses d’ici un circuit pour gagner leur vie après leur développement dans les réseaux mineurs et scolaires.

La PHF (ex-NWHL) est en réalité une ligue semi-professionnelle, où les conditions de travail et les salaires ont fait fuir les plus grandes stars. Et la Ligue canadienne, bien qu’appréciée par ses athlètes, n’offrait à personne un véritable gagne-pain jusqu’à sa dissolution en 2019.

Les centaines de joueuses qui, une fois diplômées, quittent les universités canadiennes et américaines et qui ne font pas partie des programmes nationaux se retrouvent donc dans un cul-de-sac. Situation à laquelle n’échappe pas Marlène Boissonnault.

En 2019, elle a obtenu son diplôme en biologie de la prestigieuse Université Cornell. En quatre saisons devant le filet du Big Red, elle a conservé un taux de victoires de ,766, statistique qui figure toujours dans le top 25 des meilleures gardiennes de l’histoire de la division 1 de la NCAA.

Pour celle qui avait auparavant gagné la médaille d’argent au Mondial U18 avec le Canada en 2015, la suite logique aurait été une carrière professionnelle… si une ligue avait existé.

L’Acadienne ne perd toutefois pas espoir en l’avenir. « Il y a beaucoup de ponts à traverser avant d’y arriver, prévient-elle. Mais la vision est là, la volonté et les fondations aussi. Les commanditaires commencent à suivre. Sans aucun doute, il y aura une ligue professionnelle où on pourra gagner notre vie au Canada et aux États-Unis. »

Comme plusieurs de ses collègues, elle garde les yeux sur la saison 2022-2023, qui suivra les Jeux olympiques de Pékin. « Ce sera une saison extraordinaire », promet la gardienne.

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Marlène Boissonnault garde le cap sur sa carrière de hockeyeuse.

D’ici là, elle continue de s’entraîner à Calgary, où elle s’aligne avec le « chapitre » local de la PWHPA. Elle gravite également autour de l’équipe nationale, centralisée en Alberta (elle n’est toutefois pas membre en règle de la formation).

Tôt ou tard, elle prévoit d’amorcer des études en médecine. Mais pas tout de suite. À 24 ans, elle garde le cap sur sa carrière de hockeyeuse.

Le temps de quelques matchs, c’est en Russie que ça se passe. En attendant de pouvoir le faire un peu plus près de la maison.