Le taux d’imposition, la météo, les partisans enragés, les vilains journalistes, les cônes orange, les sens uniques sur le Plateau… Il fut une époque où toutes les raisons étaient bonnes, pour les joueurs de la LNH, de ne pas jouer à Montréal.

Aucune étude ne prouve encore que la tendance a été complètement inversée. Mais pendant le bilan de fin de saison des joueurs du Tricolore, on a senti une vague d’amour pour la métropole comme rarement au cours des dernières années.

Il y a eu Phillip Danault, l’un des rares Québécois du Canadien, qui a affirmé explicitement qu’il aimerait prolonger sa carrière à Montréal (voir autre texte).

Mais il n’a pas été le seul. Corey Perry et Paul Byron ont livré les plaidoyers les plus sentis pour, eux aussi, être du match inaugural au Centre Bell l’automne prochain.

Perry pourrait devenir, d’ici quelques jours, joueur autonome sans compensation. S’il se trouvait du boulot ailleurs qu’à Montréal, il s’alignerait alors, en 2021-2022, avec une quatrième équipe en quatre ans.

Mais là n’est pas la question. Le vétéran a souvent rappelé, depuis qu’il a signé un contrat de 750 000 $, le 28 décembre dernier, que le CH était le club de son enfance. Débarqué ici sans sa famille – sa femme et son fils sont restés à London, en Ontario –, et sans garantie de faire partie de la formation principale, il a tout de même plongé. Rapidement, il a gagné la confiance et l’admiration de ses coéquipiers, jeunes et moins jeunes. Si Marc Bergevin veut encore de ses services, il y a fort à parier qu’une entente sera facile à trouver.

« J’ai encore beaucoup de hockey en moi, a-t-il dit au cours d’un point de presse chargé d’émotion. J’aimerais revenir ici et expérimenter ce qu’est Montréal, avec les partisans. »

Son expérience, a-t-il assuré, correspondait à « tout ce qu’on peut imaginer » d’une « organisation de première classe ».

Il s’est en outre joint, dans le vestiaire du CH, à un groupe « tissé serré ». « On le voyait au camp d’entraînement, combien les gars étaient proches ; la culture, le groupe de meneurs… Et ça paraissait sur la glace. L’avenir est radieux et j’espère en faire partie. »

Byron aussi

Membre du Canadien depuis maintenant six ans, Paul Byron n’est pas dans la situation contractuelle de Corey Perry, puisqu’une entente le lie à l’équipe pour encore deux saisons.

Or, il n’est pas farfelu de croire que Bergevin puisse tenter, d’ici la fin de l’été, de se séparer de son fougueux ailier. Les 3,4 millions qu’il empoche annuellement en moyenne pèsent plus lourd sur la masse salariale que sa contribution à l’attaque de son équipe. Souvent blessé, et désormais confiné à un rôle de soutien, il produit à un rythme annualisé de moins de 30 points depuis deux saisons.

À trois reprises, en 2021, il a été soumis au ballottage. Jamais il n’a été réclamé. La direction pourrait même être tentée de racheter son contrat au cours des prochains jours : le cas échéant, on n’aurait plus qu’à lui verser une fraction de son salaire.

Tous ces éléments ligués contre lui n’effraient pas Byron, l’un des rares joueurs de l’équipe à s’être établi dans la région et à y demeurer toute l’année. Sa femme est québécoise francophone. Lui-même, originaire d’Ottawa, parle un excellent français.

« J’adore Montréal, a-t-il dit. J’adore la ville, les partisans, j’aime porter ce chandail tous les jours. Tu entres dans le garage [du Centre Bell] et tu vois les photos : Béliveau, Richard, Cournoyer, Robinson, Roy, Carbonneau… Porter le même chandail que ces gars-là, c’est un rêve. Je suis le gars le plus chanceux du monde. »

Les passages au ballottage n’ont pas changé son attachement à l’équipe, maintient-il.

« Je ne sais pas si ma place était en doute. Mais je sais que quand je suis sur la glace, j’aide l’équipe à gagner, même si ce n’est pas avec des buts. Ma fierté, ma vitesse, ça aide l’équipe et ça déteint sur les autres gars. Je sais que je suis capable d’augmenter mon jeu à de gros moments. »

Staal : la famille d’abord

Un autre qui a été émotif, vendredi, c’est Eric Staal.

Il répète à qui veut l’entendre, et avec toute la sincérité du monde, qu’il est reconnaissant pour la transaction qui l’a amené à Montréal au cours de la saison, et encore davantage pour le parcours exceptionnel qu’a connu l’équipe en séries éliminatoires. Et ce, sans égard à la « fin décevante » que l’on connaît.

Par contre, après quelque sept mois passés loin de sa femme et de leurs trois garçons, le moment est venu pour lui de « rentrer à la maison ». À 36 ans, il ne sait pas ce que l’avenir lui réserve. Ni Marc Bergevin ni lui n’ont fourni d’informations sur un retour potentiel ou non avec le CH.

Mais peu importe. Car pour lui, « le futur en ce moment, c’est d’être un père et un mari ».

Staal a passé quatre saisons avec le Wild du Minnesota avant d’être échangé aux Sabres de Buffalo en septembre dernier. Sa famille ne l’a pas suivi à Buffalo. « Ça fait plus d’une demi-année que je ne les ai pas vus, ce n’était jamais arrivé avant. Les décisions que je vais prendre devront avoir du sens pour ma femme et nos enfants. On va voir. » Il a du même souffle rendu hommage à sa femme, qui a été un « roc » dans les circonstances, avec trois garçons d’âge scolaire.

Dans tous les cas, son expérience à Montréal « signifie beaucoup » pour lui et il assure qu’il en gardera pour toujours un souvenir précieux.

« J’aurais préféré que ça se finisse avec le bon résultat, mais je suis content de la chance que j’ai eue de jouer ici. »

En bref

Kotkaniemi devra faire « un grand pas »

Le dernier joueur de la journée à s’entretenir avec les membres des médias a été Jesperi Kotkaniemi. Il est arrivé devant la caméra avec trois quarts d’heure de retard, retenu auparavant dans le bureau de son entraîneur. Sourire sarcastique aux lèvres, le jeune homme a répondu à quelques questions, le temps de déclarer, sans surprise qu’il avait été « très déçu » d’avoir été laissé de côté pour les deux derniers matchs de la finale. Dominique Ducharme, de son côté, a souligné que Kotkaniemi avait déjà un bagage de quelque 200 matchs au total, ce qui est considérable pour un athlète de seulement 21 ans. Il s’attend maintenant à ce que le joueur de centre fasse « un grand pas en avant ». « On aime ce que KK a fait, il a montré de belles choses, a dit l’entraîneur. On travaille avec lui, on veut qu’il devienne un joueur dominant, qu’il atteigne son plein potentiel. On a donc pris le temps de bien expliquer comment on voyait les choses, ce que lui pouvait faire pour s’aider et ce que, nous, on pouvait faire. » La balle est dans son camp.

Petry espère éviter l’opération

Comme beaucoup de ses coéquipiers, Jeff Petry a disputé plusieurs matchs des séries éliminatoires en dépit d’une blessure – à la main droite dans son cas, subie lorsque son gant est resté coincé dans une ouverture de la baie vitrée au Centre Bell. « J’ai dû mettre du diachylon autour de mes doigts pour qu’ils restent ensemble, a-t-il raconté. J’avais du mal à tenir mon bâton avec cette main. J’espère pouvoir éviter une opération, je vais avoir des nouvelles sous peu. […] C’est un accident bête. J’ai juste mis ma main sur la baie vitrée pour me retenir et mon petit doigt s’est cassé à travers l’ouverture. En enlevant mon gant au banc, le doigt était croche… Si j’avais subi une opération à ce moment-là, ça aurait pris de six à huit semaines, mais je tenais à jouer. J’ai retiré mon plâtre après une semaine. »

Caufield : « Je peux tout améliorer »

Plus que quiconque, Cole Caufield vient de connaître une année hors de l’ordinaire. Il a disputé 31 matchs avec les Badgers de l’Université du Wisconsin, gagné le trophée Hobey-Baker, remis au joueur universitaire de l’année aux États-Unis, remporté le Championnat mondial junior, signé un premier contrat professionnel, joué dans la Ligue américaine puis dans la Ligue nationale et accompagné le Canadien jusqu’en finale de la Coupe Stanley. Juste ça ! À la droite de Nick Suzuki, il est devenu un élément incontournable de l’attaque du Canadien. Pourtant, alors que s’amorce la saison morte, Caufield affirme qu’il veut « améliorer beaucoup de choses » dans son jeu. Mais encore ? « Je peux tout améliorer, pas juste une chose en particulier. Les gars dans cette ligue sont bons, alors chaque soir, tu dois être à la hauteur. Les habiletés, l’éthique de travail… Tout peut être meilleur. C’est ce que je veux faire. »

Suzuki veut revoir Caufield à ses côtés

Le Canadien n’a peut-être pas trouvé un championnat au bout de son chemin, mais en revanche, il a peut-être trouvé un duo de feu pour les prochaines années. Tout le monde a remarqué que Nick Suzuki et Cole Caufield avaient fait des étincelles sur les patinoires au printemps… et Suzuki l’a remarqué aussi ! « J’espère qu’on pourra continuer comme ça pour un bout, a dit le jeune joueur de centre. C’était super de jouer avec Cole et aussi d’apprendre à le connaître. Il est un joueur incroyable, et avec la confiance qu’il a gagnée, si on joue encore ensemble la saison prochaine, je crois que ça va être une bonne saison. »

Allen ne pense pas au Kraken

Cela fait 10 mois que Jake Allen est un membre du Canadien. Et cela fait 10 mois que son nom est associé au repêchage d’expansion qui donnera vie au Kraken de Seattle, le 21 juillet prochain. De fait, Allen devrait être l’un des plus intéressants candidats rendus disponibles par le Tricolore pour la 32équipe de la LNH. « Réaliste », le gardien connaît sa situation et « comprend ce qui est à l’enjeu ». Or, assure-t-il, il n’en a pas encore discuté avec la direction du club, si bien que son objectif ne change pas. « J’ai signé un contrat pour jouer avec le Canadien, alors je m’attends à jouer ici. Je comprends quand même que c’est une business et qu’il y a des choses qu’on ne contrôle pas. » D’ailleurs, il se dit déjà fébrile à l’idée de disputer une saison « normale » à Montréal. « Cette saison, c’était bien, mais rien ne bat un samedi soir dans un Centre Bell bondé. »

Armia ne ferme « aucune porte »

Joel Armia n’est pas le plus éloquent des personnages. Il ne fallait donc pas s’étonner de recevoir une réponse énigmatique sur ses plans d’avenir. Le Finlandais de 28 ans deviendra joueur autonome sans compensation au cours des prochains jours ; ce faisant, il pourra offrir ses services à toutes les équipes de la LNH. « Je ne ferme aucune porte », a indiqué l’attaquant. À court terme, il désire « rentrer à la maison » puis communiquer avec son agent afin d’établir un plan de match. Le gros ailier vient de connaître une saison en dents de scie, au cours de laquelle il a notamment subi une commotion cérébrale et contracté la COVID-19 au mois de mars. Un deuxième test positif au virus, qui s’est rapidement révélé erroné, lui a même fait rater un match en finale de la Coupe Stanley. « Ç’a été des montagnes russes d’émotion », a avoué Armia.

Avec Richard Labbé et Guillaume Lefrançois, La Presse