Un directeur général désireux d’imiter le modèle du Lightning de Tampa Bay aurait bien de la difficulté à le faire.

L’adversaire du Canadien en finale de la Coupe Stanley n’est pas constitué d’un amalgame de joueurs. Il y a de hauts choix au repêchage, Steven Stamkos et Victor Hedman, fruits de l’administration précédente ; cinq de leurs six premiers attaquants (Brayden Point, Nikita Kucherov, Ondrej Palat, Anthony Cirelli et Alex Killorn) ont été repêchés par l’organisation, mais aucun avant le 57e rang.

Cinq des six défenseurs de l’équipe ont été obtenus dans des échanges : Ryan McDonagh, Mikhail Sergachev, Jan Rutta, Erik Cernak et David Savard.

Et leur gardien, Andrei Vasilevskiy, a été repêché en première ronde, alors que la tendance n’allait pas en ce sens dans la LNH…

On a misé sur des joueurs repêchés et développés par l’organisation, mais on n’a pas hésité non plus à échanger des choix de première ronde et des espoirs pour du succès à plus court terme. Ça a permis d’obtenir Ryan McDonagh, Barclay Goodrow et Blake Coleman.

Le Lightning n’a pas repêché en première ronde lors des cuvées 2020, 2018 et 2015 et tous leurs premiers choix depuis 2010, sauf Cal Foote, ont changé de camp: Brett Connolly, Vladislav Namestnikov, Slater Koekkoek, Jonathan Drouin, Tony DeAngelo, Nolan Foote (Vasilevskiy a été repêché en première ronde, mais constituait le deuxième choix du club derrière Koekkoek).

Une tendance, cependant : Tampa Bay ne s’est jamais lancé dans la surenchère pour un joueur autonome sans compensation.

Le Lightning constituait pourtant la risée de la LNH lorsque Len Barrie et Oren Koules ont vendu l’équipe à Jeffrey Vinik en 2010, après un règne court et désastreux.

Il reste de cette équipe seulement deux joueurs : Victor Hedman, deuxième choix au total en 2009, et Steven Stamkos, premier choix au total en 2008.

Steve Yzerman a été embauché comme directeur général et il a arraché au Canadien l’un des plus brillants jeunes gestionnaires du hockey, Julien BriseBois, qui, lui, souhaitait aussi quitter l’organisation montréalaise pour vivre une expérience différente et s’imprégner de nouvelles idées.

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Le directeur général du Lightning de Tampa Bay, Julien BriseBois.

Une opération importante menée par BriseBois fut de revamper le club-école pour en faire un outil de développement et non pas un cimetière pour joueurs en fin de carrière.

Quelques années plus tard, les jeunes Tyler Johnson, Ondrej Palat, Alex Killorn, Brett Connolly étaient devenus les leaders du Crunch de Syracuse et ont remporté un championnat ensemble.

On a aussi embauché un directeur du recrutement de haut niveau, Al Murray, anciennement de Hockey Canada. Comme tous les recruteurs, Murray a commis des erreurs, comme Koekkoek au 10e rang en 2012 devant Filip Forsberg, Teuvo Teravainen, Tom Wilson et Tomas Hertl; Mitchell Stephens, deux rangs devant Sebastian Aho en 2015, mais il s’est repris dans les rondes ultérieures avec des joueurs dont les autres clubs n’avaient pas vu l’immense potentiel : Brayden Point en troisième ronde en 2014, Nikita Kucherov en fin de deuxième ronde en 2011, Anthony Cirelli en troisième ronde en 2015. Si les repêchages de 2011 et 2014 étaient à refaire, Kucherov serait sans doute le premier choix et Point le premier ou le deuxième.

Le Lightning ne gagne pas en suivant un modèle en particulier, mais grâce à ses cerveaux. On se fie à un système de statistiques dont on garde jalousement le secret et on semble toujours parvenir à mettre les bons joueurs à la bonne place pour un obtenir un puzzle achevé.

L’embauche de l’entraîneur Jon Cooper constitue un bon exemple du travail de recherche du successeur d’Yzerman, Julien BriseBois, désormais appuyé par un autre ancien de l’organisation du Canadien, Mathieu Darche.

Le camp d’entraînement du club-école du Lightning allait s’entamer dans deux mois en juillet 2010 et BriseBois n’avait toujours pas trouvé d'entraîneur. « J'avais cherché partout, dans la NCAA, la Ligue de hockey junior majeur du Québec, de l'Ontario, de l'Ouest, la Ligue de la Côte Est, j'avais encore les mains vides, m’avait-il confié quelques années plus tard. Puis, au hasard d'une conversation avec un agent de joueurs, je lui ai mentionné quels critères je recherchais. Sans hésiter, il m'a dit qu'il avait l'homme tout indiqué pour moi. »

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L'entraîneur-chef du Lightning de Tampa Bay, Jon Cooper.

Mais voilà, Jon Cooper dirigeait un club de la modeste USHL à Green Bay et il n'avait pas nécessairement l'expérience qui correspondait à un poste comme celui-là.

« J'en ai parlé à Steve (Yzerman). Il avait connu beaucoup de succès à Green Bay et j'aimais son approche. Nous l'avons rencontré, il était très charismatique, très intelligent. C'était le candidat parfait malgré son inexpérience. »

Cet entraîneur méconnu a été promu dans la LNH trois ans plus tard, il dirige le Lightning depuis huit ans et tente de remporter une deuxième Coupe Stanley consécutive avec certaines vedettes pas assez bonnes, croyait-on, pour être repêchées en première ronde.

Bonne chance à ceux qui voudront imiter le Lightning…